Guéshé Rabten

Les états de la conscience


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un nombre illimité de qualités positives s’il est correctement orienté. Les Arhats, les Bodhisattvas et les Bouddhas ont tous réalisé leurs différents états par le développement mental. Ce dernier se fait progressivement par l’accoutumance à des états d’esprit positifs. Fondamentalement, l’esprit de ces êtres est semblable au nôtre : il est clair et connaissant. Dans leur nature, tous ces différents états d’esprit ne présentent aucune différence. Cela signifie qu’en nous efforçant au développement intérieur, nous pouvons nous aussi devenir un Arhat, un Bodhisattva ou un Bouddha. Par exemple, avant d’aller à l’école nous ne savions même pas l’alphabet, mais grâce à de bons professeurs, nous avons même pu obtenir des diplômes universitaires. Notre état d’esprit actuel, qui a acquis toutes sortes de connaissances, est le prolongement ultérieur du continuum mental ignorant de notre enfance. Ce n’est pas comme si nous avions soudainement reçu un nouvel esprit. Notre état actuel est le résultat substantiel9 de nos états d’esprit passés et il s’est développé d’une manière graduelle. Par l’emploi de méthodes appropriées, une telle évolution peut produire un esprit qui perçoit tous les phénomènes, en bref, un esprit aux possibilités infinies. De l’exemple de notre propre développement depuis l’enfance jusqu’à maintenant, nous pouvons déduire que le développement de l’esprit n’est pas compliqué. Il est au contraire facile si nous faisons les efforts appropriés.

      La cause du bonheur

      Puisque l’esprit est prépondérant, nous pouvons constater que son évolution influencera les actions du corps et de la parole et que les résultats en seront grandement bénéfiques. Cependant, si nous laissons notre esprit dégénérer, nous commettrons beaucoup d’erreurs qui seront sources de souffrance et de malheur tant pour nous que pour tous ceux qui nous entourent. Ainsi, le bonheur ou le chagrin que nous éprouvons aujourd’hui, de même que ceux à venir, dépendent directement d’états d’esprit positifs ou négatifs.

      En résumé, que nous poursuivions des buts mondains ou religieux, notre succès repose sur un esprit civilisé10. Peu importe les progrès extérieurs, nous ne connaîtrons jamais un réel bonheur si nous n’avons aucun contrôle sur notre esprit.

      Qu’est-ce qu’une personne religieuse ?

      Bien des gens pensent qu’une personne n’ayant aucune foi religieuse ne peut pas faire des progrès intérieurs, mais ce n’est pas le cas. Par exemple, il se peut que nous rencontrions une personne animée par l’intention délibérée de nuire aux autres. Si nous sommes habiles, nous pouvons parvenir à lui expliquer que, tout comme elle, les êtres auxquels elle souhaite nuire n’aiment pas souffrir. Cette démarche pourrait l’amener à modifier son intention malveillante. La faire se détourner d’une telle action négative, tout en en comprenant les conséquences, devient un acte religieux, même si son auteur se considère lui-même comme athée.

      Le potentiel d’une personne qui comprend11 la nature de l’esprit

      Il est important pour les érudits, comme pour les méditants, de comprendre la nature et le potentiel de l’esprit. Ils seront ainsi plus facilement convaincus de l’existence des vies passées et futures. Bien que ce corps physique grossier soit une continuation des cellules qui ont commencé à croître dans le ventre de notre mère, nous verrons que notre esprit ne procède pas de cette cause matérielle, mais qu’il a sa propre origine de nature non-matérielle et sans forme.

      Lorsque nous comprenons que l’esprit est sans forme et impermanent, nous sommes amenés à le voir comme un courant ininterrompu, chaque instant résultant directement du précédent et donnant naissance directement au suivant. De cette façon, nous pouvons remonter le cours de l’esprit jusqu’au moment de notre naissance et de notre conception.

      Quand nous comprenons que l’esprit est sans forme et que sa cause ne peut être autre que «sans forme», alors nous sommes capables de réaliser que la cause de l’esprit ne peut pas être les cellules dans le ventre de notre mère. Si nous poursuivons ainsi sur la base d’un raisonnement correct et d’une investigation précise, nous pourrons conclure avec certitude que les vies passées ont existé.

      De la même façon, nous verrons qu’au moment de la mort, l’esprit se sépare du corps, son support physique. Puis, le corps se désintègre soit en étant brûlé, soit en se décomposant, mais il est impossible d’affirmer que l’esprit subit le même sort. En réalité, la conscience poursuit son cours transitoire mais sans fin.

      Le corps et l’esprit

      Le sperme et l’ovule de nos parents étant la cause substantielle12 de notre corps actuel, nous pouvons à juste titre penser que toute ressemblance physique s’explique par cette relation. Cependant, il serait faux d’expliquer ainsi toute ressemblance mentale et comportementale. Il y a certainement une relation, mais notre esprit n’est pas le résultat substantiel des cellules parentales. En fait, cette relation est tout à fait indirecte. Nous sommes donc dans l’erreur lorsque que nous pensons que notre esprit est hérité, partiellement ou intégralement, de nos parents ou de nos ancêtres. Par exemple, des frères et sœurs peuvent avoir une grande ressemblance avec leurs parents, tout en ayant des caractères très différents. Même s’ils sont élevés exactement de la même façon, nous pouvons observer des tendances contraires : l’un peut avoir un fort penchant pour la spiritualité et pas l’autre. De tels raisonnements deviennent de plus en plus convaincants lorsque nous y réfléchissons et les gardons en mémoire tout en regardant autour de nous.

      Les inconvénients de ne pas comprendre l’esprit

      Dans la pratique du Dharma, la compréhension correcte de l’esprit n’est pas seulement utile, elle est cruciale pour comprendre des sujets fondamentaux, tels que la réincarnation. En pensant par exemple que l’esprit est quelque chose de matériel, nous pouvons facilement soutenir des vues erronées comme la non-existence des vies passées.

      Bien des personnes arrivent à cette conclusion sans appliquer aucun raisonnement. D’autres soutiennent ce point de vue en s’appuyant sur des raisonnements erronés ou peu concluants. Par exemple, elles affirment la non-existence des vies futures en supposant que l’esprit se désintègre avec le corps au moment de la mort. Il existe ainsi bien des vues erronées. Elles sont toutes dues à l’ignorance concernant la nature de l’esprit. Grâce à une compréhension correcte, l’idée que l’esprit se dissout avec le corps peut être éliminée et nous pouvons ainsi parvenir à appréhender la continuité de la conscience.

      Les éléments extérieurs ont un effet puissant et affectent facilement notre esprit. Par exemple, lorsque le temps change, il se peut que notre esprit s’embrume et s’endorme. Nous pensons alors qu’il doit avoir une composition physique similaire à la leur, si notre esprit réagit ainsi aux éléments. Mais ce n’est pas le cas13.

      L’esprit et les facteurs mentaux

      Ce que nous appelons «esprit» est un flux continu d’actes cognitifs. Ces actes sont des consciences principales (qui appréhendent la présence fondamentale de l’objet) et des facteurs mentaux (qui surgissent en association avec une conscience principale et appréhendent les qualités spécifiques de leur objet). Un acte cognitif est une association de plusieurs facteurs ou événements mentaux secondaires.

      Ces facteurs mentaux s’élèvent de l’esprit lui-même comme des rides à la surface de l’eau, puis se dissolvent à nouveau dans l’esprit. En disant que chaque acte cognitif est un agrégat de ces facteurs mentaux, je ne fais pas référence aux moments de conscience qui composent l’esprit. Je veux dire que les facteurs mentaux sont comme un assemblage de différents aspects qui apparaissent simultanément. Tout comme les parties d’une bicyclette viennent ensemble former la bicyclette elle-même, ainsi les différents facteurs mentaux forment la conscience principale.