Pamela Fagan Hutchins

Absolution Providentielle


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toujours. St. Marcos coule dans mes veines. Elle prit son téléphone, faisant dérouler sa galerie, puis me tendit l’appareil. Elle avait fait afficher une photo d’elle-même se tenant entre un homme blanc beaucoup plus âgé et une femme à la peau sombre qui avait l’air d’être la grande sœur d’Ava.

      - Mes parents, expliqua-t-elle. Donc je peux comprendre l’objet de ta visite ici. Si quelque chose arrivait à maman ou papa, je ferai la même chose.

      Il me semblait que je lui avais raconté beaucoup de choses la nuit dernière.

      - Ils sont beaux, répondis-je. Tu es un parfait mélange des deux. Je lui ai rendis son téléphone.

      Et elle l’était. Ava était très sexy et, avec sa peau couleur café au lait et ses cheveux noirs ondulés, elle pouvait passer pour n’importe quelle race, italienne, égyptienne, mexicaine, ou tout cela à la fois. C’est un mélange qui fonctionnait.

      Elle sortit un rouge à lèvres de son sac à main et entra dans la salle de bains, toujours en parlant.

      - Ouais, ils sont super. Quoi qu’il en soit, je suis revenue chez moi, mais il n’y a pas beaucoup de travail sur l’île pour les actrices de théâtre formées à l’université de New York, spécialisées dans les comédies musicales de Broadway, et qui n’ont pas d’autres compétences employables.

      J’élevai la voix pour qu’elle puisse m’entendre dans la salle de bain.

      - Je peux comprendre. J’ai étudié le chant à l’université avant de devenir raisonnable. J’ai passé trois ans à comprendre que je ne gagnerai jamais d’argent dans la musique.

      - Tu chantes ? Ma chérie, pourquoi tu ne m’as pas dit ça hier soir ? On aurait pu te faire monter sur scène.

      - Pas question, dis-je en riant C’était il y a longtemps.

      - Ça ne veut rien dire. En tout cas, je suis contente que tu sois là. C’est bien mieux que de regarder Oprah avec maman. Ava revint dans la chambre et se planta devant moi, debout, les mains sur les hanches, m’étudiant.

      - Le fait est que je te trouve très bien.

      Je l’aimais bien, même si elle était mon opposé polaire. Et j’aimais l’écouter, je commençais même à mieux la comprendre : « chuis » était « je suis » et « tés » était « tu es » par exemple. Ce n’était pas si difficile après tout.

      Je lui dis :

      - Encore une fois, merci de m’avoir aidée.

      Ava mit son pied à côté du mien et pencha la tête.

      - J’ai besoin de chaussures. Tout ce que j’ai, c’est les pompes à talons que je portais hier soir. T’as de grands pieds, alors si on essayait les plus petites chaussures que tu as ?

      Son argot me secouait un peu, surtout à cause de l’éducation de ma mère institutrice de maternelle, mais je ne m’offusquais pas des commentaires sur mes pieds. Je faisais 10 cm de plus qu’elle.

      - Que penses-tu de celles-ci ? Lui demandais-je en lui lançant des sandales Reef qui étaient une demi-pointure plus petite que ce que j’aurais dû acheter.

      Elle y glissa ses pieds et prit la pose.

      - Qu’est-ce que tu en penses ?

      - Je pense que mes affaires te vont mieux qu’à moi, et on ferait mieux d’y aller ou je vais commencer à te détester.

      Elle s’esclaffa et passa son bras sous le mien.

      - Ouais, ou je vais te détester parce qu’à côté de toi, mon cul a l’air plus large qu’il ne l’est déjà, dit-elle en tapotant sur son postérieur de son autre main.

      - Viens, on s’en va.

      Ava retira son bras. J’enfilai mes lunettes de soleil, attrapai mon sac à main sur le bureau et enfonçai mes pieds dans des sandales Betsey Johnson qui semblaient heureusement trop grandes pour ma nouvelle amie. Je verrouillai la porte derrière Ava. Je marchai d’un bon pas sur le trottoir vers la voiture de location que le concierge avait garé ici sur ma demande, ragaillardie par cette magnifique matinée.

      - Ralentit un peu, Katie. Tu vas trop vite pour le rythme de l’île, beugla Ava derrière moi.

      J’ouvris la portière de la jolie Malibu verte.

      - Ralentir, je peux ralentir. Là.

      Une fois en route, Ava m’enseigna les subtilités des salutations locales, en m’expliquant combien il était important que je passe pour une habituée de l’île pour le succès de ma quête.

      - Ne dis pas salut. Dis bonjour, bonne journée et bonne nuit. Dis-le quand tu entres dans une pièce pleine de gens, à la cantonade. Tu n’as pas besoin d’établir un contact visuel. Fais une longue pause après l’avoir dit, et donne à ton interlocuteur la possibilité de te répondre et de s’enquérir poliment de ta santé et de ta famille. Alors, et seulement alors, tu peux poser tes questions. Si tu ne fais pas ça, tu n’arriveras à rien.

      - Oui, madame, répondis-je en inclinant la tête.

      - Je suis sérieuse. Si tu vas trop vite, parle trop vite, et ne dis pas les choses correctement, un Antillais fera seulement semblant d’écouter, et tu penseras que les choses vont bien alors que ce ne sera pas le cas.

      Je me retenais de rire.

      - Je sais que tu es sérieuse, et j’apprécie l’aide.

      - Quand même, laisse-moi le plus gros de la conversation.

      Je n’étais pas très douée pour laisser quelqu’un d’autre parler pour moi, mais j’allais essayer.

      Nous étions en centre-ville à ce moment, et je fis une embardée pour éviter une limousine qui sortait d’une place de parking juste devant moi. En donnant un coup de volant sur ma gauche, je sentis un craquement sous l’un de mes pneus. J’enfonçai le klaxon. C’était déjà assez difficile de conduire en ville sans ça. Je jetais un œil dans le rétroviseur pour lire la plaque d’immatriculation à l’envers. Plaque personnalisée. Pas surprise de ça. On pouvait lire « BondsEnt. »

      - C’est mon futur mari, dit Ava, en pointant la limousine.

      - Vraiment ?

      - Nan, il est juste assez riche pour m’entretenir.

      Un pâté de maisons plus loin, j’entendis un bruit sourd. Pneu à plat.

      - Merde, dis-je en me garant.

      - On est dimanche matin, dit Ava, comme pour m’expliquer quelque chose. Je devais avoir l’air perplexe, car elle ajouta : Du verre brisé par les fêtards en centre-ville.

      - Ah, répondis-je. Parce que je suis perspicace.

      - Ce n’est pas un problème, dit Ava en sautant de la voiture.

      Je la suivis sur le trottoir. Jouant à balancer ses cheveux par-dessus son épaule, elle fut bientôt entourée d’une foule d’antillais prêts à lui prêter main forte.

      - Ah, mon petit, c’est à ça que servent ces gros muscles. Elle encourageait le jeune homme, se penchant pour lui donner une bonne vue sur son décolleté.

      - Je peux te montrer à quoi ils servent, si tu me laisse faire, répondit-il.

      - Ah, tu es trop fort pour quelqu’un comme moi. Tu dois avoir des tas de poulettes qui se battent pour toi jour et nuit.

      - Tu es la seule fille pour moi, Ava. Tu n’as qu’un mot à dire.

      Une fois le changement de pneu terminé, elle se dégagea de la foule sans effort. On remonta dans la voiture.

      - Je suis impressionnée, lui dis-je.

      Ava répondit par un sourire.

      Nous continuâmes à rouler dans le centre-ville