on mène les jeunes filles au théâtre, à l’Opéra-Comique ou au Français[41], quand la pièce est recommandée par le journal que lit M. Chantal.
Les jeunes filles ont aujourd’hui dix-neuf et dix-sept ans. Jamais l’idée ne me viendrait de faire attention ou de faire la cour[42] aux demoiselles Chantal; c’est à peine[43] si on ose leur parler, tant on les sent immaculées.
Quant au père[44], c’est un charmant homme, très ouvert, très cordial, mais qui aime avant tout le repos, le calme, la tranquillité.
Les Chantal ont des relations cependant, mais des relations restreintes, choisies avec soin dans le voisinage. Aux Rois, je suis le seul convive étranger.
Donc, cette année, comme les autres années, j’ai été dîner chez les Chantal pour fêter l’Épiphanie[45].
On se mit à table comme toujours, et le dîner s’acheva sans qu’on eût dit rien à retenir[46].
Au dessert, on apporta le gâteau des Rois[47]. Or, chaque année, M. Chantal était roi. Était-ce l’effet d’un hasard continu ou d’une convention familiale, je n’en sais rien. Il proclamait reine Mme Chantal. Aussi, fus-je stupéfait en sentant dans une bouchée de brioche quelque chose de très dur qui faillit me casser une dent.
J’ôtai doucement cet objet de ma bouche et j’aperçus une petite poupée de porcelaine. La surprise me fit dire: «Ah!» On me regarda, et Chantal s’écria en battant des mains: «C’est Gaston. C’est Gaston. Vive le roi![48] vive le roi!»
Tout le monde reprit en chœur[49]: «Vive le roi!»
Chantal dit: «Maintenant, il faut choisir une reine.»
Alors je fus atterré. Voulait-on me faire désigner une des demoiselles Chantal? Était-ce là un moyen de me faire dire celle que je préférais?
Tout à coup[50], j’eus une inspiration, et je tendis à Mlle Perle la poupée symbolique.
Tout le monde fut d’abord surpris, puis on apprécia sans doute[51] ma délicatesse, car on applaudit avec furie. On criait: «Vive la reine! vive la reine!»
Quant à elle, la pauvre vieille fille, elle avait perdu toute contenance; elle balbutiait: «Mais non… mais non… mais non… pas moi… je vous en prie… pas moi… je vous en prie…»
Alors, pour la première fois de ma vie, je regardai Mlle Perle, et je me demandai ce qu’elle était.
Elle faisait partie[52] de la famille Chantal, voilà tout; mais comment? A quel titre? – C’était une grande personne maigre qui s’efforçait de rester inaperçue, mais qui n’était pas insignifiante.
Je me mis à la regarder. – Quel âge avait-elle? Quarante ans? Oui, quarante ans. – Elle n’était pas vieille, cette fille, elle se vieillissait.
Tout son visage était fin et discret, un de ces visages qui se sont éteints sans avoir été usés, ou fanés par les fatigues ou les grandes émotions de la vie.
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