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des frissons de joie aux baisers du soleil…

      Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil:

      Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre,

      La bise sous le seuil a fini par se taire…

      On dirait qu’une fée a passé dans cela!..

      – Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris…

      Là, Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,

      Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose…

      Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,

      De la nacre et du jais aux reflets scintillants;

      Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,

      Ayant trois mots gravés en or: «À NOTRE MERE!»

      SENSATION

      Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,

      Picoté par les blés, fouler l’herbe menue:

      Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

      Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

      Je ne parlerai pas, je ne penserai rien:

      Mais l’amour infini me montera dans l’âme,

      Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,

      Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

      Mars 1870

      SOLEIL ET CHAIR

I

      Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,

      verse l’amour brûlant à la terre ravie,

      Et, quand on est couché sur la vallée, on sent

      Que la terre est nubile et déborde de sang;

      Que son immense sein, soulevé par une âme,

      Est d’amour comme dieu, de chair comme la femme,

      Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,

      Le grand fourmillement de tous les embryons!

      Et tout croît, et tout monte!

      – ô Vénus, à Déesse!

      Je regrette les temps de l’antique jeunesse,

      Des satyres lascifs, des faunes animaux,

      Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux

      Et dans les nénuphar baisaient la Nymphe blonde!

      Je regrette les temps où la sève du monde,

      L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts

      Dans les veines de Pan mettaient un univers!

      Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre;

      Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre

      Modulait sous le ciel le grand hymne d’amour;

      Où, debout sur la plaine, il entendait autour

      Répondre à son appel la Nature vivante;

      Où les arbres muets, berçant l’oiseau qui chante,

      La terre berçant l’homme, et tout l’Océan bleu

      Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu!

      Je regrette les temps de la grande Cybèle

      Qu’on disait parcourir gigantesquement belle,

      Sur un grand char d’airain, les splendides cités;

      Son double sein versait dans les immensités

      Le pur ruissellement de la vie infinie.

      L’Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,

      Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.

      – Parce qu’il était fort, l’Homme était chaste et doux.

      Misère! Maintenant il dit: Je sais les choses,

      Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.

      – Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux!

      L’Homme est Roi, L’Homme est Dieu!

      Mais l’Amour voilà la grande Foi!

      Oh! si l’homme puisait encore à ta mamelle,

      Grande mère des dieux et des hommes,

      Cybèle; S’il n’avait pas laissé l’immortelle

      Astarté Qui jadis, émergeant dans l’immense clarté

      Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,

      Montra son nombril rose où vint neiger l’écume,

      Et fit chanter Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,

      Le rossignol aux bois et l’amour dans les cœurs!

II

      Je crois en toi! je crois en toi! Divine mère,

      Aphrodité marine! – Oh! la route est amère

      Depuis que l’autre Dieu nous attelle à sa croix;

      Chair, Marbre, Fleur Vénus, c’est en toi que je crois!

      – Oui, l’Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste,

      Il a des vêtements, parce qu’il n’est plus chaste,

      Parce qu’il a sali son fier buste de dieu,

      Et qu’il a rabougri, comme une idole au feu,

      Son corps Olympien aux servitudes sales!

      Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles

      Il veut vivre, insultant la première beauté!

      – Et l’Idole où tu mis tant de virginité,

      Où tu divinisas notre argile, la Femme,

      Afin que l’Homme pût éclairer sa pauvre âme.

      Et monter lentement, dans un immense amour

      De la prison terrestre à la beauté du jour,

      La Femme ne sait plus même être Courtisane!

      – C’est une bonne farce! et le monde ricane

      Au nom doux et sacré de la grande Vénus!

III

      Si les temps revenaient, les temps qui sont venus!

      – Car l’Homme a fini! l’Homme a joué tous les rôles!

      Au grand jour fatigué de briser des idoles

      Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,

      Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux!

      L’Idéal, la pensée invincible, éternelle,

      Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle,

      Montera, montera, brûlera sous son front!

      Et quand tu le verras sonder tout l’horizon,

      Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,

      Tu viendras lui donner la Rédemption sainte!

      – Splendide, radieuse, au sein des grandes mers

      Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers

      L’Amour infini dans un infini sourire!

      Le Monde vibrera comme une immense lyre

      Dans le frémissement d’un immense baiser!

      – Le Monde a soif d’amour: tu viendras l’apaiser.

      ô! L’Homme a relevé sa tête libre et fière!

      Et