sera signe que l'Albanaise aura été obligée de nous quitter par force majeure.»
Le commandant paraît sur le pont à sept heures du matin.
L'officier de quart, après l'avoir salué respectueusement, lui apprit qu'on ne voyait plus la frégate.
«A-t-on bien regardé partout de dessus les barres? reprend le commandant avec vivacité, et en feignant un air d'inquiétude.
– Partout, commandant: moi-même j'y suis monté pour parcourir avec ma longue-vue tous les points de l'horizon. Je n'ai rien aperçu.
– Diable! diable! c'est contrariant.... Que lui sera-t-il donc arrivé?…» Tout l'équipage prit un air inquiet. Les passagers et les passagères arrivèrent bientôt sur le pont, et en voyant toutes les figures se rembrunir, ils se mirent aussi à prendre un air soucieux. On ne parla plus de l'Albanaise qu'à voix basse et toujours en arrière du commandant. Le vieux marin avait au mieux joué son rôle.
Six à sept jours se passent sans qu'on revoie la fidèle compagne de la Bramine; chaque matin les hommes placés en vigie se crèvent les yeux pour découvrir quelque chose à l'horizon, et chaque matin la Bramine fait de la route, et l'on finit par oublier l'Albanaise, sur laquelle on ne compte presque plus. Le plénipotentiaire, ce passager qui va si mal au vieux commandant, s'avise encore de lancer quelques épigrammes sur la séparation forcée des deux frégates, et sur l'insuffisance des moyens qu'a l'homme de mer à sa disposition pour lutter contre la puissance ou le caprice des élémens. Le commandant enrage toujours; mais il sait se contenir pourtant, car il espère bientôt se venger de la crânerie de son insupportable passager. L'heure de la vengeance, en effet, va sonner.
Un beau jour, vers midi, les officiers, armés de leurs cercles de réflexion ou de leurs sextans, observent la hauteur du soleil qui darde perpendiculairement ses rayons sur les tentes qui abritent les gaillards. On est par 4 degrés de latitude sud. Bientôt on fait le point, et l'on trouve que la longitude est de 15 degrés et quelques minutes ouest.
Le commandant, après s'être entretenu un moment avec l'officier de route chargé des montres marines, se promène sur le pont; il laisse échapper des mouvemens d'impatience.
La vigie du grand mât crie: Navire!
Toutes les têtes se dressent.
Le commandant continue de se promener, mais en riant sous cape, et en faisant demander où se trouve le navire aperçu. La vigie répond: Par le bossoir de tribord!
Tous les regards se portent sur les flots dans la direction indiquée.
Le navire approche: il est gros. La Bramine manoeuvre de manière à aller à sa rencontre. On n'est plus, au bout de quelque temps, qu'à une lieue de lui. Alors on l'observe.
«Ne serait-ce pas l'Albanaise? disent d'abord ceux qui croient avoir les meilleurs yeux.
– Mais l'Albanaise a un grand bord blanc et des mâts de catacois garnis, tandis que celui-ci est peint tout en noir et n'a que des mâts de perroquet à flèche.
– Cependant c'est bien une frégate que ce bâtiment!
– Et n'y a-t-il que l'Albanaise qui soit une frégate?»
Les officiers, qui tiennent leurs longues-vues braquées sur le navire qui s'avance toujours, ne prononcent pas une seule parole. Les passagers sont dans l'anxiété en voyant le commandant examiner avec une certaine préoccupation la manoeuvre du bâtiment dont on n'est plus qu'à deux portées de canon.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.