Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II


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s'étaient pas déployées au plus haut degré pour le bonheur commun. M. Winkle s'insinua graduellement dans les bonnes grâces de M. Benjamin Allen, et entama même une conversation amicale avec M. Bob Sawyer, qui, grâce à l'eau-de-vie, au déjeuner et à la causerie, se trouvait dans une situation d'esprit des plus facétieuses. Il raconta avec beaucoup de verve comment il avait enlevé une tumeur sur la tête d'un vieux gentleman, illustrant cette agréable anecdote en faisant, avec son couteau, des incisions sur un pain d'une demi-livre, à la grande édification de son auditoire.

      Après le déjeuner, on se rendit à l'église, où M. Benjamin Allen s'endormit profondément, tandis que M. Bob Sawyer détachait ses pensées des choses terrestres par un ingénieux procédé, qui consistait à graver son nom sur le devant de son banc en lettres corpulentes de quatre pouces de hauteur environ.

      Après un goûter substantiel, arrosé de forte bière et de cerises à l'eau-de-vie, le vieux Wardle dit à ses hôtes:

      «Que pensez-vous d'une heure passée sur la glace? Nous avons du temps à revendre.

      – Admirable! s'écria Benjamin Allen.

      – Fameux! acclama Bob Sawyer.

      – Winkle! reprit M. Wardle. Vous patinez, nécessairement?

      – Eh!.. oui, oh! oui, répliqua M. Winkle. Mais… mais je suis un peu rouillé.

      – Oh! monsieur Winkle, dit Arabelle, patinez, je vous en prie; j'aime tant à voir patiner!

      – C'est si gracieux!» continua une autre jeune demoiselle.

      Une troisième jeune demoiselle ajouta que c'était élégant; une quatrième, que c'était aérien.

      «J'en serais enchanté, répliqua M. Winkle en rougissant; mais je n'ai pas de patins.»

      Cette objection fut aisément surmontée: M. Trundle avait deux paires de patins, et le gros joufflu annonça qu'il y en avait en bas une demi-douzaine d'autres. En apprenant cette bonne nouvelle, M. Winkle déclara qu'il était ravi; mais, en disant cela, il avait l'air parfaitement misérable.

      M. Wardle conduisit donc ses hôtes vers une large nappe de glace. Sam Weller et le gros joufflu balayèrent la neige qui était tombée la nuit précédente, et M. Bob Sawyer ajusta ses patins avec une dextérité qui, aux yeux de M. Winkle, était absolument merveilleuse. Ensuite il se mit à tracer des cercles, à écrire des huit, à inscrire sur la glace, sans s'arrêter un seul instant, une collection d'agréables emblèmes, à l'excessive satisfaction de M. Pickwick, de M. Tupman et de toutes les dames. Mais ce fut bien mieux encore, ce fut un véritable enthousiasme, quand le vieux Wardle et Benjamin Allen, assistés par ledit Bob, accomplirent nombre de figures et d'évolutions mystiques.

      Pendant tout ce temps, M. Winkle, dont le visage et les mains étaient bleus de froid, s'occupait à mettre ses patins avec la pointe par derrière et à emmêler les courroies de la manière la plus compliquée. Il avait été aidé dans cette opération par M. Snodgrass, qui se connaissait en patins à peu près aussi bien qu'un Hindou; néanmoins, grâce à l'assistance de Sam, les malheureux patins furent serrés assez solidement pour engourdir les pieds du patient, et il fut enfin levé sur ses jambes.

      «Voila, monsieur, lui dit Sam, d'un ton encourageant; en route, à cette heure, et montrez-leur comme il faut s'y prendre.

      – Attendez, attendez! cria M. Winkle, qui tremblait violemment et qui avait saisi Sam avec la vigueur convulsive d'un noyé. Comme c'est glissant, Sam!

      – La glace est presque toujours comme ça. Tenez-vous donc, monsieur.»

      Cette dernière exhortation était inspirée à Sam par un brusque mouvement du patineur, qui semblait avoir un désir frénétique de lever ses pieds vers le ciel et de briser la glace avec le derrière de sa tête.

      «Voilà… voilà des patins bien peu solides; n'est-ce pas, Sam? balbutia M. Winkle, en trébuchant.

      – Je crois plutôt, répliqua l'autre, que c'est le gentleman qui est dedans qui n'est pas solide.

      – Eh bien! Winkle! cria M. Pickwick, tout à fait ignorant de ce qui se passait, venez donc; ces dames vous attendent avec impatience.

      – Oui, oui, répondit l'infortuné jeune homme, avec un sourire qui faisait mal à voir; oui, oui, j'y vais à l'instant.

      – Voilà que ça va commencer! dit Sam en cherchant à se dégager. Allons, monsieur, en route!

      – Attendez un moment, Sam, murmura M. Winkle, en s'attachant à son soutien avec l'affection du lierre pour l'ormeau. Je me rappelle maintenant que j'ai à la maison deux habits qui ne me servent plus; je vous les donnerai, Sam.

      – Merci, monsieur.

      – Inutile de toucher votre chapeau, Sam, reprit vivement M. Winkle; ne me lâchez pas!.. Je voulais vous donner cinq shillings, ce matin, pour vos étrennes de Noël, mais vous les aurez cette après-midi, Sam.

      – Vous êtes bien bon, monsieur.

      – Tenez-moi d'abord un peu, Sam. Voulez-vous? Là… c'est cela. Je m'y habituerai promptement. Pas trop vite! pas trop vite! Sam!»

      M. Winkle, penché en avant, et le corps presque en deux, était soutenu par Sam, et s'avançait sur la glace d'une manière singulière, mais très-peu aérienne, lorsque M. Pickwick cria, fort innocemment, du bord opposé:

      «Sam!

      – Monsieur!

      – Venez ici, j'ai besoin de vous.

      – Lâchez-moi, monsieur! Est-ce que vous n'entendez pas mon maître, qui m'appelle? Lâchez-moi donc, monsieur!»

      En parlant ainsi, Sam se dégagea par un violent effort, des mains du malheureux M. Winkle et lui communiqua en même temps une vitesse considérable. Aussi, avec une précision qu'aucune habileté n'aurait pu surpasser, l'infortuné patineur arriva-t-il rapidement au milieu de ses trois confrères, au moment même où M. Bob Sawyer accomplissait une figure d'une beauté sans pareille; M. Winkle se heurta violemment contre lui, et tous les deux tombèrent sur la glace avec un grand fracas. M. Pickwick accourut. Quand il arriva sur la place, Bob Sawyer était déjà relevé, mais M. Winkle était trop prudent pour en faire autant, avec des patins aux pieds. Il était assis sur la glace et faisait des efforts convulsifs pour sourire, tandis que chaque trait de son visage exprimait l'angoisse la plus profonde.

      «Êtes-vous blessé? demanda anxieusement Ben Allen.

      – Pas beaucoup, répondit M. Winkle, en frottant son dos.

      – Voulez-vous que je vous saigne? reprit Benjamin, avec un empressement généreux.

      – Non! non! merci, répliqua vivement le pickwickien désarçonné.

      – Qu'en pensez-vous, M. Pickwick? dit Bob Sawyer.»

      Le philosophe était indigné! Il fit un signe à Sam Weller, en disant d'une voix sévère:

      «Otez-lui ses patins.

      – Les ôter? mais je ne fais que commencer, représente M. Winkle, d'un ton de remontrance.

      – Otez-lui ses patins, répéta M. Pickwick avec fermeté.»

      On ne pouvait résister à un ordre donné de cette manière. M. Winkle permit silencieusement à Sam de l'exécuter.

      «Levez-le,» dit M. Pickwick.

      Sam aida M. Winkle à se relever.

      M. Pickwick s'éloigna de quelques pas, et ayant fait signe à son jeune ami de s'approcher, fixa sur lui un regard pénétrant et prononça d'un ton peu élevé, mais distinct et emphatique, ces paroles remarquables:

      «Vous êtes un imposteur, monsieur.

      – Un quoi? demanda M. Winkle en tressaillant.

      – Un imposteur, monsieur. Et je parlerai plus clairement si vous le désirez: un blagueur, monsieur.»

      Ayant laissé tomber ces mots d'une lèvre dédaigneuse, le philosophe tourna lentement sur ses talons,