et ses amis prirent de nouveau leur place à l'extérieur de la voiture de Muggleton, pendant que miss Arabelle Allen, sous la conduite de son frère Benjamin et de l'ami intime dudit frère, se rendait à sa destination. Nous sommes obligé de confesser que nous ne pourrions pas dire quelle était cette destination; mais nous avons quelques raisons de croire que M. Winkle ne l'ignorait pas.
Quoi qu'il en soit, avant de quitter M. Pickwick, les jeunes étudiants le prirent à part d'un air mystérieux.
«Dites donc, vieux, où se trouve votre perchoir?» lui demanda M. Bob Sawyer, en introduisant son index entre deux des côtes du philosophe, démontrant à la fois, par cette action, sa gaieté naturelle et ses connaissances ostéologiques.
M. Pickwick répondit qu'il perchait, pour le moment, à l'hôtel du George et Vautour.
«Vous devriez bien venir me voir, reprit M. Bob Sawyer.
– Avec le plus grand plaisir, reprit M. Pickwick.
– Voici mon adresse, dit Bob, en tirant une carte. Lant-street, Borough. C'est commode pour moi, comme vous voyez, tout auprès de Guy's hospital. Quand vous avez passé l'église Saint-George, vous tournez à droite.
– Je vois cela d'ici.
– Venez de jeudi en quinze, et amenez ces autres individus avec nous. J'aurai quelques étudiants en médecine ce soir-là; Ben y sera, et nous n'engendrerons pas de mélancolie.»
M. Pickwick exprima la satisfaction qu'il éprouverait à rencontrer les étudiants en médecine; et, des poignées de main ayant été échangées, nos nouveaux amis se séparèrent.
Nous sentons qu'en cet endroit nous sommes exposé à ce qu'on nous demande si M. Winkle chuchotait, pendant ce temps, avec Arabelle Allen, et, dans ce cas, ce qu'il lui disait; et, en outre, si M. Snodgrass causait à part avec Émily Wardle, et, dans ce cas, quel était le sujet de leur conversation. Nous répondrons à ceci que, quoi qu'ils aient pu dire aux jeunes demoiselles en question, ils ne dirent rien du tout à M. Pickwick, ni à M. Tupman, pendant vingt-quatre milles, et que, durant tout ce temps, ils soupirèrent toutes les trois minutes et refusèrent d'un air ténébreux l'ale et l'eau-de-vie qui leur étaient offertes. Si nos judicieuses lectrices peuvent tirer de ces faits quelques conclusions satisfaisantes, nous ne nous y opposons nullement.
CHAPITRE II
Dans divers coins et recoins du Temple, se trouvent certaines chambres sombres et malpropres, vers lesquelles se dirigent sans cesse pendant toute la matinée, dans le temps des vacances, et, en outre, durant la moitié de la soirée, dans le temps des sessions, une armée de clercs d'avoués portant d'énormes paquets de papiers sous leurs bras et dans leurs poches. Il y a plusieurs grades parmi les clercs: d'abord le premier clerc, qui a payé une pension, qui est avoué en perspective, possède un compte courant chez son tailleur, reçoit des invitations de soirées, connaît une famille dans Gower-street et une autre dans Tavistock-Square, quitte la ville aux vacances pour aller voir son père, entretient d'innombrables chevaux vivants, et est enfin l'aristocrate des clercs. Il y a le clerc salarié, externe ou interne, suivant les cas: il consacre la majeure partie de ses trente shillings hebdomadaires à orner sa personne et à la divertir. Trois fois par semaine, au moins, il assiste à moitié prix1 aux représentations du théâtre d'Adelphi, et fait majestueusement la débauche dans les tavernes qui restent ouvertes après la fermeture des spectacles; il est enfin une caricature malpropre de la mode d'il y a six mois. Vient ensuite l'expéditionnaire, homme d'un certain âge, père d'une nombreuse famille: il est toujours râpé et souvent gris. Puis ce sont les saute-ruisseaux dans leur premier habit; ils éprouvent un mépris convenable pour les enfants à l'école, se cotisent en retournant à la maison, le soir, pour l'achat de saucissons et de porter, et pensent qu'il n'y a rien de tel que de faire la vie. Il y a, en un mot, des variétés de clercs trop nombreuses pour que nous puissions les énumérer, mais tout innombrables qu'elles soient, on les voit toutes, à certaines heures réglées, s'engouffrer dans les lieux sombres que nous venons de mentionner, ou en ressortir comme un torrent.
Ces antres, isolés du reste du monde, nous représentent les bureaux publics de la justice. Là sont lancées les assignations; là les jugements sont signés; là les déclarations sont remplies; là une multitude d'autres petites machines sont ingénieusement mises en mouvement pour la torture des fidèles sujets de Sa Majesté, et pour le profit des hommes de loi. Ce sont, pour la plupart, des salles basses, sentant le renfermé, où d'innombrables feuilles de parchemin qui y transpirent en secret depuis un siècle, émettent un agréable parfum, auquel vient se mêler, pendant la journée, une odeur de moisissure, et pendant la nuit, les exhalaisons de manteaux, de parapluies humides et de chandelles rances.
Une quinzaine de jours après le retour de M. Pickwick à Londres, on vit entrer dans un de ces bureaux, vers 7 heures et demie du soir, un individu dont les longs cheveux étaient scrupuleusement roulés autour des bords de son chapeau, privé de poil. Il avait un habit brun, avec des boutons de cuivre, et son pantalon malpropre était si bien tiré sur ses bottes à la Blücher, que ses genoux menaçaient à chaque instant de sortir de leur retraite. Il aveignit de sa poche un morceau de parchemin, long et étroit, sur lequel le fonctionnaire officier imprima un timbre noir et illisible. Ledit individu tira ensuite, d'une autre poche, quatre morceaux de papier de dimension semblable, contenant, avec des blancs pour les noms, une copie imprimée du parchemin. Il remplit les blancs, remit les cinq documents dans sa poche et s'éloigna d'un pas précipité.
L'homme à l'habit brun, qui emportait ces documents cabalistiques, n'était autre que notre vieille connaissance M. Jackson de la maison Dodson et Fogg, Freeman's Court, Cornhill. Mais au lieu de retourner vers l'étude d'où il venait, il dirigea ses pas vers Sun Court, et entrant tout droit dans l'hôtel du George et Vautour, il demanda si un certain M. Pickwick ne s'y trouvait pas.
«Tom, dit la demoiselle de comptoir, appelez le domestique de M. Pickwick.»
«Ce n'est pas la peine, reprit M. Jackson, je viens pour affaire. Si vous voulez m'indiquer la chambre de M. Pickwick, je monterai moi-même.»
«Votre nom, monsieur? demanda le garçon.
– Jackson,» répondit le clerc.
Le garçon monta pour annoncer M. Jackson, mais M. Jackson lui épargna la peine de l'annoncer, en marchant sur ses talons, et en entrant dans la chambre avant qu'il eût pu articuler une syllabe.
Ce jour-là, M. Pickwick avait invité ses trois amis à dîner, et ils étaient tous assis autour du feu, en train de boire leur vin, lorsque M. Jackson se présenta de la manière qui vient d'être indiquée.
«Comment vous portez-vous, monsieur,» dit-il, en faisant un signe de tête à M. Pickwick.
Le philosophe salua d'un air légèrement surpris, car la physionomie de M. Jackson ne s'était pas logée dans sa mémoire.
«Je viens de chez Dodson et Fogg,» dit M. Jackson d'un ton explicatif.
Notre héros s'échauffa à ce nom. «Monsieur, dit-il, adressez vous à mon homme d'affaire, Perker, de Gray's-Inn. – Garçon: reconduisez ce gentleman.
– Je vous demande pardon, monsieur Pickwick, rétorqua Jackson en posant son chapeau par terre, d'un air délibéré, et en tirant de sa poche le morceau de parchemin. Vous savez, monsieur Pickwick, la citation doit être signifiée par un clerc ou un agent, parlant à sa personne, etc., etc. Il faut de la prudence dans toutes les formalités légales, eh! eh!»
M. Jackson appuya alors ses deux mains sur la table, et regardant à l'entour avec un sourire engageant et persuasif il continua ainsi: «Allons, n'ayons pas de discussions pour si peu de chose, – qui de vous, messieurs, s'appelle Snodgrass?»
À cette demande, M. Snodgrass tressaillit si visiblement qu'il n'eut pas besoin de faire une autre réponse.
«Ah! je m'en doutais, dit Jackson d'une manière plus affable qu'auparavant. J'ai un petit papier à vous remettre, monsieur.
– À