Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor


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les Gardes du Roi s'élancèrent comme un flot dans la brèche, s'épandant à droite et à gauche, forçant les haies, franchissant les fossés, sabrant de la pointe et du tranchant les cavaliers qui fuyaient.

      Toute la scène, ces chevaux qui frappaient du pied, ces crinières agitées, ces cris de triomphe ou de désespoir, ces halètements pénibles, cette sonorité musicale de l'acier qui heurte l'acier, ce fut pour nous, qui étions sur la hauteur, comme une vision désordonnée, tant elle fut prompte à paraître et à disparaître.

      Un coup de clairon sec, impérieux, ramena les Bleus sur la route, où ils se reformèrent et partirent au petit trop avant que de nouveaux escadrons eussent le temps de venir du camp.

      Le soleil continuait à briller, la rivière à se rider.

      Il ne restait plus rien qu'un long amas d'hommes et de chevaux pour marquer le passage de la tempête infernale qui avait éclaté sur nous si brusquement.

      Pendant que les Bleus s'éloignaient, nous remarquâmes un officier isolé qui formait l'arrière-garde.

      Il chevauchait très lentement, comme s'il trouvait fort mauvais de tourner le dos même à une armée entière.

      L'intervalle entre l'escadron et lui ne cessait de s'accroître, mais il ne faisait rien pour hâter le pas.

      Il allait tranquillement son train, jetant de temps à autre un regard en arrière pour voir s'il était suivi.

      La même idée surgit simultanément dans l'esprit de mon camarade et dans le mien, et nous la devinâmes en échangeant un coup d'œil.

      – Prenons ce sentier, cria-t-il avec vivacité. Il nous mènera au delà du bouquet d'arbres et il est encaissé dans toute sa longueur.

      – Conduisons les chevaux à la main, jusqu'à ce que nous soyons sur un meilleur terrain, répondis-je. Nous lui couperons la retraite, si nous avons de la chance.

      Sans prendre le temps d'en dire davantage, nous nous hâtâmes de descendre par le sentier inégal, où nous glissions et faisions des rainures dans le gazon détrempé par la pluie.

      Puis nous remettant en selle, nous parcourûmes le défilé, traversâmes le bouquet d'arbre, et nous nous trouvâmes sur la route assez tôt pour voir l'escadron disparaître dans le lointain et nous trouver face à face avec l'officier isolé.

      C'était un homme brûlé par le soleil, aux traits fortement marqués, aux moustaches noires.

      Il montait un grand cheval osseux, de robe châtain.

      À notre apparition sur la route, il fit halte pour nous examiner de près.

      Puis s'étant convaincu de nos intentions hostiles, il dégaina son épée, tira de son arçon un pistolet, avec la main gauche, puis mettant la bride entre ses dents, il planta ses éperons dans les flancs de son cheval, et se lança sur nous à fond de train.

      Comme nous nous élancions sur lui, Ruben à sa gauche, et moi à droite, il me lança un violent coup de sabre, et en même temps fit feu sur mon camarade.

      La balle effleura la joue de Ruben, laissant sur son passage une ligne rouge semblable à celle qu'aurait produite un coup de fouet, en même temps que la poudre lui noircissait la figure.

      Mais le coup de sabre ne m'atteignit pas.

      Au moment où nos chevaux se touchaient presque dans leur course, je l'arrachai de sa selle et l'attirai en travers de la mienne, la figure en haut.

      Le brave Covenant partit un peu ralenti par son double fardeau, et avant que les Gardes se fussent aperçus qu'ils avaient perdu leur officier, nous avions amené celui-ci, malgré, ses efforts et ses mouvements désespérés jusqu'en vue du camp de Monmouth.

      – Il m'a rasé de près, l'ami, dit Ruben en portant la main à sa joue; il m'a tatoué la figure avec de la poudre, si bien qu'on va me prendre pour le frère cadet de Salomon Sprent.

      – Grâce à Dieu, vous n'avez pas de mal, dis-je. Regardez, voici notre cavalerie qui s'avance sur le haut de la route. Lord Grey est à sa tête. Ce que nous avons de mieux à faire, c'est d'amener notre prisonnier au camp, puisque nous ne servons à rien ici.

      – Au nom du Christ, s'écria celui-ci, tuez-moi ou mettez-moi à terre, je ne saurais souffrir d'être porté de cette façon comme un enfant à moitié sevré, à travers tout votre campement de rustauds qui ricanent.

      – Je ne veux nullement me divertir aux dépens d'un brave, répondis-je. Si vous consentez à donner votre parole de rester avec nous, vous marcherez entre nous.

      – Volontiers, dit-il en se laissant glisser à terre et rajustant son uniforme froissé. Par ma foi, messieurs, vous m'aurez appris à ne point faire fi de mes ennemis. Je serais resté auprès de mon escadron, si j'avais cru à la possibilité de rencontrer des avant-postes ou des vedettes.

      – Nous étions sur la hauteur, avant de vous avoir coupé, dit Ruben. Si cette balle de pistolet était allée plus droit, c'est plutôt moi qui aurais été coupé. Diable! Micah! Il n'y a qu'un instant je grognais parce que j'avais maigri, mais si j'avais eu la joue aussi ronde que jadis, le morceau de plomb l'aurait traversée.

      – Où vous ai-je déjà vus? demanda notre prisonnier, en fixant sur moi ses yeux noirs. Ah! oui, j'y suis, c'était à l'hôtellerie de Salisbury, où notre écervelé de camarade, Horsford, a dégainé contre un vieux soldat qui était avec vous. Pour moi, je me nomme Ogilvy… Major Ogilvy, des Horseguards bleus. J'ai été vraiment enchanté d'apprendre que vous aviez échappé aux mâtins. Après votre départ, quelques mots ont fait entrevoir votre véritable destination, et un ou deux faiseurs d'embarras, en qui le zèle étouffe l'humanité, ont lancé les chiens sur votre piste.

      – Je me souviens bien de vous, répondis-je. Vous allez trouver au camp le colonel Décimus Saxon, mon ancien compagnon. Sans doute vous serez bientôt échangé contre quelqu'un de nos prisonniers.

      – Il est bien plus probable que je serai égorgé, dit-il en souriant. Je crains que Feversham, dans ses dispositions présentes, ne s'arrête guère à faire des prisonniers et Monmouth sera peut-être tenté de le payer de la même monnaie. Après tout, c'est la fortune de la guerre et je dois expier mon défaut de prudence militaire. À dire vrai, j'avais à ce moment là l'esprit bien loin des batailles et des embuscades, car il errait dans la direction de l'eau régale et de son action sur les métaux, jusqu'au moment où votre apparition m'a rappelé à l'état militaire.

      – La cavalerie est hors de vue, dit Ruben, en jetant un coup d'œil derrière lui, la nôtre aussi bien que la leur. Mais je vois un groupe d'hommes, là-bas, de l'autre côté de l'Avon, et ici, sur le flanc de la hauteur, n'apercevez-vous pas le reflet de l'acier?

      – Il y a là de l'infanterie, dis-je, en fermant à demi les yeux. Il me semble que je peux distinguer quatre ou cinq régiments et autant d'étendards de cavalerie. Il faut informer de cela, sans aucun retard, le Roi Monmouth.

      – Il est au fait, dit Ruben. Le voici là-bas, sous les arbres, entouré du conseil. Voyez, l'un d'eux arrive à cheval de ce côté-ci.

      En effet, un cavalier s'était détaché du groupe et galopait vers nous.

      – Monsieur, dit-il, en saluant, si vous êtes le Capitaine Clarke, le roi vous ordonne de vous rendre au Conseil.

      – Alors, m'écriai-je, je laisse le major sous votre garde, Ruben. Veillez à ce qu'il soit aussi bien que le comportent nos ressources.

      Sur ces mots, j'éperonnai mon cheval et je rejoignis bientôt le groupe formé autour du Roi.

      Il y avait là Grey, Wade, Buyse, Ferguson, Saxon, Hollis, et une vingtaine d'autres.

      Tous avaient l'air très grave et examinaient la vallée à l'aide de leurs longues-vues.

      Monmouth lui-même avait mis pied à terre et était adossé au tronc d'un arbre, les bras croisés sur sa poitrine, et le plus profond désespoir était peint sur sa figure.

      Derrière l'arbre, un laquais allait et venait, promenant son cheval noir à la robe lustrée,