Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor


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de Frome, très mouillés, dans un état lamentable, car la pluie avait recommencé, et toutes les routes étaient des fondrières boueuses.

      De là, nous partîmes le lendemain pour Wells.

      On y passa la nuit et tout le jour suivant, pour donner aux hommes le temps de sécher leurs habits et de se refaire après leurs privations.

      Dans l'après-midi, une revue de notre régiment du comté de Wills eut lieu dans le parvis de la cathédrale, et Monmouth nous fit des éloges, bien mérités d'ailleurs, pour les progrès accomplis en si peu de temps dans notre allure martiale.

      Comme nous retournions à nos quartiers, après avoir renvoyé nos hommes, nous aperçûmes une grande foule des grossiers mineurs d'Oare et de Bagworthy rassemblés sur la place en face de la cathédrale, et écoutant l'un d'eux, qui les haranguait du haut d'un char.

      Les gestes farouches et violents de cet homme prouvaient que c'était un de ces sectaires extrêmes en qui la religion court le danger de tourner à la folie furieuse.

      Les bruits sourds et les gémissements qui montaient des rangs de la foule marquaient, cependant, que ses paroles ardentes étaient bien d'accord avec les dispositions de son auditoire.

      Aussi nous fîmes une halte tout près de la foule, pour écouter son discours.

      C'était un homme à barbe rouge, à la figure farouche, avec une toison en désordre qui retombait sur ses yeux luisants, et doué d'une voix rauque qui retentissait dans toute la place.

      – Que ne ferons-nous pas pour le Seigneur, criait-il, que ne ferons-nous pas pour le Saint des Saints? Pourquoi sa main s'appesantit-elle sur nous? Pourquoi n'avons-nous pas délivré ce pays, ainsi que Judith délivra Béthulie?

      Voyez-vous, nous avons attendu en paix, et il n'en est résulté rien de bon, et pour un temps de santé, nous vivons dans la peine.

      Pourquoi cela, vous dis-je?

      En vérité, frères, c'est parce que nous avons agi à la légère avec le Seigneur, parce que nous n'avons pas été entièrement de cœur avec lui.

      Oui, nous l'avons loué en paroles, mais par nos actions, nous lui avons témoigné de la froideur.

      Vous le savez bien, le Prélatisme est chose maudite, qui mérite les sifflets, une chose qui est une abomination aux yeux du Tout-Puissant.

      Et cependant, qu'est-ce que nous avons fait pour lui en cette circonstance, nous, ses serviteurs?

      N'avons-nous pas vu des églises prélatistes, églises des formes et des apparences, où la créature est confondue avec le Créateur?

      Ne les avons-nous pas vues, dis-je, et cependant n'avons-nous pas négligé de les balayer au loin, et ainsi ne les avons-nous pas sanctionnées?

      Le voilà le péché d'une génération tiède et prête à reculer!

      La voilà la cause pour laquelle le Seigneur regarde avec froideur son peuple!

      Voyez, à Shepton et à Frome, nous avons laissé derrière nous de pareilles églises.

      À Gastonbury aussi, nous avons épargné ces murailles coupables qui furent élevées par les mains des idolâtres de jadis.

      Malheur à vous, si après avoir mis la main à la charrue du Seigneur, vous tournez le dos à la besogne!

      Regardez par ici…

      Et sur ces mots, il se tourna vers la belle cathédrale:

      – Que signifie cet amas de pierre? N'est-ce point un autel de Baal?

      Ne fut-il point construit pour le culte de l'homme et non pour celui de Dieu.

      N'est-ce point ici que le nommé Ken, paré de son sot rochet, de ses joyaux puérils, peut prêcher des doctrines sans âme, et menteuses, lesquelles ne sont que le vieux ragoût du Papisme servi sous un nom nouveau?

      Est-ce que nous souffririons pareille chose?

      Est-ce que nous, les enfants choisis du Grand Être, nous laisserons subsister cette tache pestiférée!

      Pouvons-nous compter sur l'aide du Tout-Puissant, si nous n'étendons pas la main pour venir à son aide?

      Nous avons laissé derrière nous les autres temples du Prélatisme, laisserons-nous aussi celui-ci debout, mes frères?

      – Non, non, hurla la foule, agitée par des mouvements d'orage.

      – Allons-nous le démolir jusqu'à ce qu'il n'en reste pas pierre sur pierre?

      – Oui! Oui! cria-t-on.

      – Maintenant? Tout de suite?..

      – Oui, oui!

      – Alors, à l'œuvre! cria-t-il, et s'élançant à bas de son char, il se précipita vers la cathédrale, suivi de près par la tourbe d'enragés fanatiques.

      Les uns s'amassèrent, hurlant, vociférant, pour franchir les portes ouvertes.

      D'autres, en essaims, grimpaient aux piliers et aux piédestaux de la façade, martelaient les ornements sculptés, se cramponnaient aux vieilles et grises statues de pierre qui occupaient chaque niche.

      – Il faut mettre un terme à ce désordre, dit Saxon d'un ton bref. Nous ne pouvons laisser insulter et salir toute l'Église d'Angleterre pour plaire à une bande de braillards à la tête échauffée. Le pillage de cette cathédrale ferait plus de tort à notre cause que la perte d'une bataille rangée. Amenez votre compagnie, Sir Gervas. Pour nous, nous ferons de notre mieux pour les retenir jusque-là.

      – Hé, Masterton, cria le baronnet, apercevant un de ses sous-officiers dans un groupe qui se contentait de regarder, sans aider ni empêcher les émeutiers. Courez au quartier et dites à Barker de former la compagnie, la mèche allumée. Je puis être de quelque utilité ici.

      – Ah! voici Buyse, s'écria joyeusement Saxon, en voyant le colosse allemand se frayer passage à travers la foule, et, Lord Grey aussi. Il faut que nous sauvions la cathédrale, mylord. Ils la mettraient à sac et la brûleraient.

      – Par ici, gentilshommes, s'écria un homme âgé, aux cheveux gris, qui accourait à nous les bras tendus, un trousseau de clef sonnant à sa ceinture. Oh! hâtez-vous, gentilshommes, si vous avez vraiment quelque autorité sur ces gens sans principes. Ils ont abattu saint Pierre, et ils finiront par démolir saint Paul, s'il n'arrive pas de secours. Il ne restera pas un Apôtre. Ils ont apporté un tonneau de bière et ils sont en train de le défoncer sur le maître-autel. Oh! Hélas! Peut-on voir chose pareille dans un pays chrétien!

      Il eut un bruyant sanglot et frappa du pied dans son désespoir et sa souffrance.

      – C'est le sacristain, messieurs, dit quelqu'un de la ville. Il a vieilli dans la cathédrale.

      – Voilà le chemin de la Sacristie, mylords et gentilshommes, dit le vieillard en s'ouvrant courageusement passage à travers la foule. Maintenant, quel malheur, le saint Paul est tombé aussi!

      Comme il parlait, un craquement multiple s'entendit à l'intérieur de la cathédrale, annonçant une nouvelle profanation des fanatiques.

      Notre guide redoubla de vitesse, et parvint enfin à une porte basse en chêne qu'il ouvrit à force de faire grincer des barreaux et craquer des gonds.

      Nous nous glissâmes tant bien que mal par cette ouverture et suivîmes du pas le plus rapide le vieillard dans un corridor dallé qui débouchait dans la cathédrale par une petite porte tout près du maître-autel.

      Le vaste édifice était plein d'émeutiers qui couraient de tous côtés, détruisant, brisant tout ce qu'ils pouvaient atteindre.

      Un grand nombre d'entre eux étaient des fanatiques sincères, disciples du prédicant que nous avions entendu dehors, mais il y en avait d'autres que leurs figures suffisaient à désigner comme des coquins et des simples voleurs, tels que toute armée en ramasse sur son passage.

      Pendant que les premiers arrachaient les statues des murailles ou lançaient les livres de prières à travers les vitraux des fenêtres, les