Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor


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le velours cramoisi qu'il jetait dans la foule.

      Un autre avait renversé le pupitre, où on lisait les livres saints, et s'évertuait à tordre la monture de bronze pour l'enlever.

      Au milieu d'une des ailes, un petit groupe avait passé une corde au cou de l'évangéliste Marc et tirait avec ardeur, si bien qu'au moment même de notre entrée, la statue oscilla quelques instants et finit par s'abattre à grand bruit sur les dalles de marbre.

      Les vociférations, qui accompagnaient chaque nouvelle profanation, le craquement des boiseries démolies, des fenêtres brisées, le bruit sourd de la maçonnerie qui tombait, tout cela faisait un vacarme des plus assourdissants, auquel s'ajoutait le ronflement de l'orgue, que plusieurs émeutiers firent taire enfin en crevant les soufflets.

      Le spectacle qui nous frappa le plus vivement, ce fut la scène qui se passait juste en face de nous au maître-autel.

      On y avait placé un tonneau de bière.

      Une douzaine de bandits s'étaient groupés tout autour.

      L'un d'eux, avec des gestes indécents, avait grimpé dessus et s'occupait à défoncer le tonneau à coups de hachette.

      Au moment de notre entrée, il venait de réussir à l'ouvrir.

      La liqueur brune sortait en moussant, pendant que la foule, avec de bruyants éclats de rire, faisait circuler des cuillers à pot et des gobelets.

      Le soldat allemand lança un juron grossier, d'une voix saccadée, à ce spectacle, se frayant à coups d'épaules un passage à travers les tapageurs.

      Il sauta sur l'autel.

      Le meneur de l'orgie était penché sur son baril, la cruche à la main, quand la poigne de fer du soldat s'abattit sur son collet.

      En un instant, ses talons battaient l'air, il avait la tête plongée d'une profondeur de trois pieds dans le tonneau, dont le contenu jaillit en écumant de tous côtés.

      Par un effort vigoureux, Buyse saisit le tonneau avec le mineur à demi-noyé qui s'y trouvait et lança le tout à grand bruit sur les larges degrés de marbre qui partaient du centre de l'église.

      En même temps, aidés d'une douzaine de nos hommes, qui nous avaient suivis dans la cathédrale, nous repoussâmes les camarades de l'individu et les rejetâmes derrière la grille qui séparait le chœur de la nef.

      Notre attaque eut pour effet de mettre un terme à la dévastation, mais en détournant sur nous la furie des fanatiques qui, jusque là, s'exerçait sur les murs et les fenêtres.

      Statues, sculptures de pierre, boiseries, tout fut abandonné par les vandales et la bande entière se précipita avec un rauque bourdonnement de rage.

      Toute discipline, tout ordre disparut dans leur frénésie pieuse.

      – Abattez les Prélatistes! hurlaient-ils. À bas les partisans de l'Antéchrist! Massacrons-les aux cornes mêmes de l'autel. À bas! À bas!

      Ils se massèrent des deux côtés, en une cohue sauvage, à demi folle, les uns armés, les autres sans armes, mais tous, jusqu'au dernier, pleins de cette fièvre, de cette rage qui aboutissent au meurtre.

      – C'est une guerre civile compliquée d'une autre guerre civile, dit Lord Grey, avec un calme sourire. Nous n'avons rien de mieux à faire que de dégainer, gentilshommes, et de défendre l'ouverture de la grille, si nous pouvons tenir bon jusqu'à ce qu'il arrive de l'aide.

      Et en disant ces mots, il tira vivement sa rapière et se posta au haut des marches, entre Saxon et Sir Gervas d'un côté, Buyse, Ruben et moi de l'autre.

      Il y avait juste l'espace nécessaire pour permettre à six hommes de manier efficacement leurs armes.

      En conséquence, notre faible troupe d'auxiliaires se répartit le long de la grille.

      Heureusement elle était assez haute et assez solide pour qu'il fût périlleux de l'escalader en présence d'adversaires.

      Le désordre avait fait place à une véritable mutinerie parmi ces hommes des marais et des mines.

      Les piques, les faux, les couteaux brillaient dans le demi-jour.

      Les clameurs de rage étaient renvoyées en échos par les hautes voûtes du toit, comme les hurlements d'une meute de loups.

      – Marchez en avant, mes frères, criait le prédicant fanatique qui avait déterminé l'explosion, marchez en avant contre eux. Peu importe qu'ils soient à une place dominante. Il y en a un qui est plus haut qu'eux. Reculerons-nous devant son œuvre à cause d'une épée nue? Souffrirons-nous que l'autel prélatiste soit sauvé par ces fils d'Amalek? En avant, en avant, au nom du Seigneur!

      – Au nom du Seigneur! s'écria la foule, avec une sorte de voix haletante, accompagnée d'une sorte de sifflement, comme celui d'un homme sur le point de se lancer dans un bain glacé. Au nom du Seigneur!

      Et ils arrivèrent des deux côtés, gagnant en nombre et en impulsion, si bien qu'enfin, avec un cri sauvage, ce flot se trouva devant la pointe même de nos épées.

      Je ne saurais dire ce qui se passa à ma droite ou à ma gauche pendant la mêlée, car il y avait tant de gens qui nous serraient de près, et la lutte était si vive que chacun de nous ne pouvait faire plus que de se maintenir.

      Le nombre même de nos agresseurs était une circonstance favorable pour nous, car il les gênait dans le maniement de l'épée.

      Un gros mineur me lança un furieux coup de faux, mais il me manqua et perdit l'équilibre par suite de l'élan qu'il avait pris pour frapper, et je lui passai mon épée à travers le corps avant qu'il pût se remettre debout.

      Ce fut la première fois, mes chers enfants, qu'il m'arriva de tuer un homme dans un moment de colère, et je n'oublierai jamais la figure pâle, effarée, qu'il tourna vers moi par-dessus son épaule avant de tomber.

      Un autre me prit corps à corps avant que j'eusse dégagé mon arme, mais je l'écartai violemment de ma main gauche, puis j'abattis sur sa tête le plat de mon épée, et je l'étendis sans connaissance sur le pavé.

      Dieu le sait, je n'avais nul désir d'ôter la vie à ces fanatiques égarés, ignorants, mais la nôtre était en jeu.

      Un homme des marais, qui avait plutôt l'air d'une bête sauvage velue que d'un être humain, s'élança au dessus de mon arme et me saisit par les genoux pendant qu'un autre abattait son fléau sur mon casque, d'où le coup glissa sur mon épaule.

      Un troisième me porta un coup de pique et m'atteignit à la cuisse, mais d'un coup je tranchai son arme en deux, et d'un autre je lui fendis la tête.

      À cette vue, l'homme au fléau recula.

      Une violente ruade me délivra de la créature sans armes, aux apparences simiesques, qui était à mes pieds, si bien que je me trouvai débarrassé de mes adversaires, sans avoir souffert de la rencontre, si ce n'est une égratignure à la cuisse et une certaine raideur dans le cou et l'épaule.

      Je regardai autour de moi et je vis que mes compagnons avaient également réussi à écarter leurs agresseurs.

      Saxon tenait de la main gauche sa rapière sanglante.

      Le sang coulait à petites gouttes d'une blessure légère qu'il avait reçue à la main droite.

      Devant lui gisaient, l'un sur l'autre, deux mineurs, mais aux pieds de Sir Gervas, il n'y avait pas moins de quatre corps entassés.

      Au moment où je le regardai, il avait tiré sa tabatière et il s'inclinait devant Lord Grey, et d'un gracieux mouvement, il la lui présentait, l'air aussi insouciant que s'ils s'étaient rencontrés dans un café de Londres.

      Buyse s'appuyait sur son grand sabre et considérait d'un air sombre un corps décapité, qui gisait devant lui, et qu'à ses vêtements je reconnus pour être celui du prédicant.

      Pour Ruben, il était sain et sauf, mais il témoignait une vive inquiétude au sujet de ma légère entaille, malgré tout ce que je fis pour lui prouver que c'était moins grave que tant de déchirures causées