Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I


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d'habits, ceux-là, faits à l'entreprise, sans mesures: voies mystérieuses de la providence, à tous les petits hommes, de longs habits; à tous les grands, des habits courts.»

      En babillant de cette manière, le nouveau compagnon de M. Tupman acheva d'ajuster son costume, ou plutôt celui de M. Winkle, et, bientôt après, les deux amateurs de fêtes montèrent ensemble l'escalier.

      «Quels noms, messieurs? dit l'homme qui se tenait à la porte. M. Tupman s'avançait pour énoncer ses titres et qualités, quand l'étranger l'arrêta en disant:

      – Pas de nom du tout; et il murmura à l'oreille de M. Tupman: «Les noms ne valent rien; inconnus, excellents noms dans leur genre, mais pas illustres; fameux noms dans une petite réunion, mais qui ne feraient pas d'effet dans une grande assemblée. Incognito, voilà la chose. Gentlemen de Londres, nobles étrangers, n'importe quoi.»

      La porte s'ouvrit à ces derniers mots prononcés à voix haute, et M. Tupman entra dans la salle de bal avec l'étranger.

      C'était une longue chambre garnie de banquettes cramoisies, et éclairée par des bougies, placées dans des lustres de cristal. Les musiciens étaient soigneusement retranchés sur une haute estrade, et trois ou quatre quadrilles se mêlaient et se démêlaient d'une manière scientifique. Dans une pièce voisine on apercevait deux tables à jouer, sur lesquelles quatre vieilles dames, avec un pareil nombre de gros messieurs, exécutaient gravement leur whist.

      La finale terminée, les danseurs se promenèrent dans la salle, et nos deux compagnons se plantèrent dans un coin pour observer la compagnie.

      «Charmantes femmes! soupira M. Tupman.

      – Attendez un instant. Vous allez voir tout à l'heure. Les gros bonnets pas encore venus. Drôle d'endroit. Les employés supérieurs de la marine ne parlent pas aux petits employés, les petits employés ne parlent pas à la bourgeoisie, la bourgeoisie ne parle pas aux marchands, le commissaire du gouvernement ne parle à personne.

      – Quel est ce petit garçon aux cheveux blonds, aux yeux rouges, avec un habit de fantaisie?

      – Silence, s'il vous plaît! yeux rouges, habit de fantaisie, petit garçon, allons donc! Chut! chut! c'est un enseigne du 97e, l'honorable Wilmot-Bécasse. Grande famille, les Bécasses, famille nombreuse.

      – Sir Thomas Clubber, lady Clubber et Mlles Clubber! cria d'une voix de stentor l'homme qui annonçait.»

      Une profonde sensation se propagea dans toute la salle, à l'entrée d'un énorme gentleman, en habit bleu, avec des boutons brillants; d'une vaste lady en satin bleu, et de deux jeunes ladies taillées sur le même patron et parées de robes élégantes de la même couleur.

      «Commissaire du gouvernement, chef de la marine, grand homme, remarquablement grand! dit tout bas l'étranger à M. Tupman, pendant que les commissaires du bal conduisaient sir Thomas Clubber et sa famille jusqu'au haut bout de la salle. L'honorable Wilmot-Bécasse et les meneurs de distinction s'empressèrent de présenter leurs hommages aux demoiselles Clubber, et sir Thomas Clubber, droit comme un i, contemplait majestueusement l'assemblée du haut de sa cravate noire.»

      M. Smithie, Mme Smithie et mesdemoiselles Smithie, furent annoncés immédiatement après.

      «Qu'est-ce que M. Smithie? demanda M. Tupman.

      – Quelque chose de la marine,» répondit l'étranger.

      M. Smithie s'inclina avec déférence devant sir Thomas Clubber, et sir Thomas Clubber lui rendit son salut avec une condescendance marquée. Lady Clubber examina à travers son lorgnon Mme Smithie et sa famille; et à son tour Mme Smithie regarda du haut en bas madame je ne sais qui, dont le mari n'était pas dans la marine.

      «Colonel Bulder, Mme Bulder et miss Bulder!

      – Chef de la garnison,» dit l'étranger, en réponse à un coup d'œil interrogateur de M. Tupman.

      Miss Bulder fut chaudement accueillie par les miss Clubber; les salutations entre Mme Bulder et lady Clubber furent des plus affectueuses; le colonel Bulder et sir Thomas s'offrirent mutuellement une prise de tabac, et tous deux regardèrent autour d'eux comme une paire d'Alexandre Selkirk, monarques de tout ce qui les entourait.

      Tandis que l'aristocratie de l'endroit, les Bulder, les Clubber et les Bécasse conservaient ainsi leur dignité au haut bout de la salle, les autres classes de la société les imitaient, au bas bout, autant qu'il leur était possible. Les officiers les moins aristocratiques du 97e se dévouaient aux familles des fonctionnaires les moins importants de la marine; les femmes des avoués et la femme du marchand de vin étaient à la tête d'une faction; la femme du brasseur visitait les Bulder; et Mme Tomlinson, directrice du bureau de poste, semblait avoir été choisie par un assentiment universel, pour diriger le parti marchand.

      Un des personnages les plus populaires dans son propre cercle était un gros petit homme, dont le crâne chauve était entouré d'une couronne de cheveux noirs et roides; c'était le docteur Slammer, chirurgien du 97e. Le docteur Slammer prenait du tabac avec tout le monde, riait, dansait, plaisantait, jouait au whist, était partout, faisait tout. A ces occupations, toutes nombreuses qu'elles fussent déjà, le docteur en joignait une autre, plus importante encore: il enveloppait des attentions les plus dévouées, les plus infatigables, une vieille petite veuve, dont la riche toilette et les nombreux bijoux annonçaient une fortune qui en faisait un parti fort désirable pour un homme d'un revenu limité.

      Les yeux de M. Tupman et de son compagnon avaient été fixés sur le docteur et sur la veuve depuis quelque temps, lorsque l'étranger rompit le silence.

      «Un tas d'argent, vieille fille, le docteur fait sa tête, excellente idée, bonne charge.»

      Tandis que ces sentences peu intelligibles s'échappaient de la bouche de l'étranger, M. Tupman le regardait d'un air interrogateur.

      «Je vais danser avec la veuve.

      – Qui est-elle?

      – N'en sais rien, jamais vue. Supplanter le docteur. En avant, marche!»

      En achevant ces mots, l'étranger traversa la pièce, s'appuya contre le manteau de la cheminée, et attacha ses regards, avec un air d'admiration respectueuse et mélancolique, sur la grosse figure de la vieille petite dame. M. Tupman regardait muet d'étonnement. L'étranger faisait évidemment des progrès rapides: le docteur dansait avec une autre dame! La veuve laissa tomber son éventail; l'étranger le releva, et le lui rendit avec empressement: un sourire, un salut, une révérence, quelques paroles de conversation. L'étranger retraversa hardiment la salle, pour chercher le maître des cérémonies, retourna avec lui près de la veuve, et, après quelques instants de pantomime introductrice, il saisit la main de sa conquête et prit place avec elle dans un quadrille.

      Grande fut la surprise de M. Tupman à ce procédé sommaire; mais l'étonnement du petit docteur paraissait encore plus grand. L'étranger était jeune; la veuve était flattée; elle ne prenait plus garde aux attentions du docteur, et l'indignation de celui-ci ne faisait aucune impression sur son imperturbable rival. Le docteur Slammer resta paralysé. Lui, le docteur Slammer, du 97e, être anéanti en un moment, par un homme que personne n'avait jamais vu, que personne ne connaissait! Le docteur Slammer! le docteur Slammer, du 97e! Incroyable! cela ne se pouvait pas. Et pourtant cela était. Bon, voilà que l'étranger présente son ami? Le docteur pouvait-il en croire ses yeux? Il regarda de nouveau et il se trouva dans la pénible nécessité de reconnaître la véracité de ses nerfs optiques. Mme Budger dansait avec M. Tupman, il n'y avait pas moyen de s'y tromper. Sa veuve elle-même est là devant lui, en chair et en os, bondissant avec une vigueur inaccoutumée. Là aussi était M. Tupman, sautant à droite et à gauche, d'un air plein de gravité, et dansant (ce qui arrive à beaucoup de personnes) comme si la contredanse était une épreuve solennelle, et qu'il fallût, pour s'en tirer, armer son moral d'une inflexible résolution.

      Silencieusement et patiemment le docteur supporta tout ceci. Il vit l'étranger offrir du vin chaud, remporter les verres, se précipiter sur des biscuits; il vit mille coquetteries échangées, et il ne dit rien: mais quelques secondes après que l'étranger eut disparu avec Mme Budger, pour la conduire à sa voiture, il s'élança hors