Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I


Скачать книгу

dit-il d'une voix terrible, en montrant sa carte et en se retirant dans un angle du passage: mon nom est Slammer! Le docteur Slammer, monsieur! 97e régiment, caserne de Chatham. Ma carte, monsieur! ma carte! Il aurait voulu poursuivre, mais son indignation l'étouffait.

      – Ah! répliqua l'étranger négligemment, Slammer, bien obligé; merci, merci de votre attention délicate, pas malade maintenant, Slammer, quand je le serai, m'adresserai a vous.

      – Vous… vous êtes un intrigant… un poltron… un lâche… un menteur… un… un… Vous déciderez-vous à me donner votre carte, monsieur?

      – Ah! je vois, dit l'étranger à demi-voix, punch trop fort, hôte libéral. La limonade beaucoup meilleure, des chambres trop chaudes, gentlemen d'un certain âge, s'en ressentent le lendemain, cruelles souffrances… et il fit quelques pas.

      – Vous demeurez dans cette maison, monsieur? cria le petit homme furieux; vous êtes ivre maintenant, monsieur! Vous entendrez parler de moi, monsieur! Je vous retrouverai, monsieur! je vous retrouverai!

      – Vous ferez bien d'abord de retrouver votre lit,» répondit l'impassible étranger.

      Le docteur Slammer le regarda avec une férocité inexprimable, et en s'éloignant il enfonça son chapeau sur sa tête d'une manière qui indiquait toute son indignation.

      Cependant l'étranger et M. Tupman montèrent dans la chambre de celui-ci pour restituer le plumage qu'ils avaient emprunté à l'innocent M. Winkle. Ils le trouvèrent profondément endormi, et la restitution fut bientôt faite. L'étranger était extrêmement facétieux, et M. Tupman, étourdi par le vin, par le punch, par les lumières, par la vue de tant de femmes, regardait toute cette affaire comme une excellente plaisanterie. Après le départ de son nouvel ami, il éprouva quelque difficulté à découvrir l'ouverture de son bonnet de nuit: dans ses efforts pour le mettre sur sa tête, il renversa son flambeau, et ce fut seulement par une série d évolutions très-compliquées qu'il parvint à entrer dans son lit. Malgré ces petits accidents il ne tarda pas à trouver le repos.

      Le lendemain matin, sept heures avaient à peine cessé de sonner, quand l'esprit universel de M. Pickwick fut tiré de l'état de torpeur où l'avait plongé le sommeil, par des coups violents frappés à sa porte.

      «Qui est la? cria-t-il, se dressant sur son séant.

      – Le garçon, monsieur.

      – Que voulez-vous?

      – Pourriez-vous me dire, monsieur, quelle personne de votre société a un habit bleu à boutons dorés, avec P.C. dessus?»

      On le lui aura donné pour le brosser, pensa M. Pickwick, et il a oublié à qui il appartient. «M. Winkle, cria-t-il, la troisième chambre à droite.

      – Merci, monsieur, dit le garçon; et il passa.

      – Qu'est-ce que c'est? demanda M. Tupman, en entendant frapper violemment à sa porte.

      – Puis-je parler à M. Winkle, monsieur? répliqua le garçon du dehors.

      – Winkle! Winkle! cria M. Tupman.

      – Ohé! répondit une faible voix qui sortait du lit de la chambre intérieure.

      – On vous demande… Quelqu'un à la porte; et ayant articulé avec effort ces paroles, M. Tupman se retourna et se rendormit immédiatement.

      – On me demande? dit M. Winkle en sautant hors de son lit et en s'habillant rapidement. A cette distance de Londres, qui diable peut me demander?

      – Un gentleman, en bas, au café, monsieur. Il dit qu'il ne vous dérangera qu'un instant, monsieur; mais il ne veut accepter aucun délai.

      – Fort étrange! répliqua M. Winkle. Dites que je descends.»

      Il s'enveloppa d'une robe de chambre; mit un châle de voyage autour de son cou, et descendit. Une vieille femme et une couple de garçons balayaient la salle du café. Auprès de la fenêtre était un officier en petite tenue, qui se retourna en entendant entrer M. Winkle, le salua d'un air roide, fit retirer les domestiques, ferma soigneusement les portes, et dit: «M. Winkle, je présume.

      – Oui, monsieur, mon nom est Winkle.

      – Je viens, monsieur, de la part de mon ami, le docteur Slammer, du 97e. Cela ne doit pas vous surprendre.

      – Le docteur Slammer! répéta M. Winkle.

      – Le docteur Slammer. Il m'a chargé de vous dire de sa part que votre conduite d'hier au soir n'était pas celle d'un gentleman, et qu'un gentleman ne pouvait pas la supporter.»

      L'étonnement de M. Winkle était trop réel et trop évident pour n'être pas remarqué par le député du docteur Slammer, c'est pourquoi il poursuivit ainsi: «Mon ami, le docteur Slammer, m'a paru fermement convaincu que, pendant une partie de la soirée vous étiez gris, et peut-être hors d'état de sentir l'étendue de l'insulte dont vous vous êtes rendu coupable. Il m'a chargé de vous dire que si vous plaidiez cette raison comme une excuse de votre conduite, il consentirait à recevoir des excuses, écrites par vous sous ma dictée.

      – Des excuses écrites! répéta de nouveau M. Winkle avec le ton de la plus grande surprise.

      – Autrement, reprit froidement l'officier, vous connaissez l'alternative.

      – Avez-vous été chargé de ce message pour moi nominativement? demanda M. Winkle, dont l'intelligence était singulièrement désorganisée par cette conversation extraordinaire.

      – Je n'étais pas présent à la scène, et, en conséquence de votre refus obstiné de donner votre carte au docteur Slammer, j'ai été prié par lui de rechercher qui était porteur d'un habit très-remarquable: un habit bleu clair avec des boutons dorés, portant un buste, et les lettres P.C.»

      M. Winkle chancela d'étonnement, en entendant décrire si minutieusement son propre costume. L'ami du docteur Slammer continua:

      «J'ai appris dans la maison que le propriétaire de l'habit en question était arrivé ici hier avec trois messieurs. J'ai envoyé auprès de celui qui paraissait être le principal de la société, et c'est lui qui m'a adressé à vous.»

      Si la grosse tour du château de Rochester s'était soudainement détachée de ses fondations, et était venue se placer en face de la fenêtre, la surprise de M. Winkle aurait été peu de chose, comparée avec celle qu'il éprouva en écoutant ce discours. Sa première idée fut qu'on avait pu lui voler son habit, et il dit à l'officier: «Voulez-vous avoir la bonté de m'attendre un instant?

      – Certainement;» répondit son hôte malencontreux.

      M. Winkle monta rapidement les escaliers; il ouvrit son sac de nuit d'une main tremblante, l'habit bleu s'y trouvait à sa place habituelle; mais, en l'examinant avec soin, on voyait clairement qu'il avait été porté la nuit précédente.

      «C'est vrai, dit M. Winkle, en laissant tomber l'habit de ses mains. J'ai bu trop de vin hier, après dîner, et j'ai une vague idée d'avoir ensuite marché dans les rues, et d'avoir fumé un cigare. Le fait est que j'étais tout à fait dedans. J'aurai changé d'habit; j'aurai été quelque part; j'aurai insulté quelqu'un: je n'en doute plus, et ce message en est le terrible résultat.» Tourmenté par ces idées, il redescendit au café avec la sombre résolution d'accepter le cartel du vaillant docteur et d'en subir les conséquences les plus funestes.

      Il était poussé à cette détermination par des considérations diverses. La première de toutes était le soin de sa réputation auprès du club. Il y avait toujours été regardé comme une autorité imposante dans tous les exercices du corps, soit offensifs, soit défensifs, soit inoffensifs. S'il venait à reculer, dès la première épreuve, sous les yeux de son chef, sa position dans l'association était perdue pour toujours. En second lieu, il se souvenait d'avoir entendu dire (par ceux qui ne sont point initiés à ces mystères) que les témoins se concertent ordinairement pour ne point mettre de balles dans les pistolets. Enfin, il pensait qu'en choisissant M. Snodgrass pour second et en lui dépeignant avec force le danger, ce gentleman pourrait bien en