Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)


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1792 a passé par là, et la plupart des figures placées dans les écoinçons ont été mutilées. Quant aux petits bas-reliefs rangés sous les tympans, ils ont servi de but aux pierres des enfants pendant fort longtemps. Ces bas-reliefs peuvent aller de pair avec ce que la sculpture antique a produit de plus beau.

      On voit peu à peu les arcatures ornements s'amaigrir vers la fin du XIIIe siècle; elles perdent leur caractère particulier pour se confondre avec les arcatures de soubassement dont nous avons donné des exemples. Les profils s'aplatissent sur les fonds, les colonnettes se subdivisent en faisceaux et tiennent aux assises de la construction, les vides prennent de l'importance et dévorent les parties moulurées. Cependant il est quelques-unes de ces arcatures qui conservent encore un certain caractère de fermeté; celles qui tapissent les ébrasements de deux des portes de la façade de la cathédrale de Bourges, rappellent un peu la belle arcature de Notre-Dame de Paris que nous venons de donner, mais appauvrie. Quelquefois les vides des fonds, comme dans l'arcature de la porte centrale de l'église de Semur en Auxois, sont remplis de semis, de rosaces, de quadrillés à peine saillants qui produisent un bel effet et conviennent parfaitement à un soubassement. Nous citerons encore les charmantes arcatures de la porte de droite de la façade de l'ancienne cathédrale d'Auxerre (fin du XIIIe siècle), et dans lesquelles on voit, représentée en figures ronde bosse, l'histoire de David et de Bethsabée; celles de la porte de droite de la façade de la cathédrale de Sens (XIVe siècle), décorées de petits pignons au-dessus des arcs, et de figures dans les entre-colonnements. Ces décorations disparaissent au XVe siècle, et les soubassements des portails ne sont plus occupés que par ces pénétrations de bases aussi difficiles à comprendre qu'elles sont d'un aspect monotone (voy. PÉNÉTRATION).

      Les petites arcatures jouent un grand rôle dans les tombeaux, les parements d'autels, les retables (voy. ces mots); généralement les socles des tombes qui portent les statues couchées des morts, sont entourés d'arcatures dans lesquelles sont représentés des pleureurs, des religieux, ou même les apôtres. Au commencement du XIIIe siècle cependant les arcatures sont le plus souvent vides et faites en pierre ou en marbre blanc se détachant sur un fond de marbre noir; telles étaient les arcatures des tombes refaites par le roi saint Louis à Saint-Denis, et dont il reste des fragments (23). Plus tard ces arcatures deviennent plus riches, sont surmontées de pignons à jour, finement sculptées dans la pierre, le marbre ou l'albâtre; elles encadrent des statuettes, quelquefois aussi des écus aux armes du mort; elles sont accoladées au XVe siècle, et forment des niches renfoncées entre des colonnettes imitées des ordres antiques au XVIe (voy. TOMBEAU). On peut juger par cet aperçu fort restreint de l'importance des arcatures dans l'architecture du moyen âge, et du nombre infini de leurs variétés; nous n'avons pu qu'indiquer des types principaux, ceux qui marquent par leur disposition ingénieuse le goût qui a présidé à leur exécution, ou leur originalité.

       ARCHE (D'ALLIANCE), s. f.

      Est souvent figurée dans les vitraux qui reproduisent les scènes de l'Ancien Testament. On lui donne généralement la forme d'une châsse. Devant le trumeau de la porte de gauche de la façade de Notre-Dame de Paris, était posée, avant 1793, une grande statue de la sainte Vierge, tenant l'enfant Jésus, et les pieds sur le serpent à tête de femme, enroulé autour de l'arbre de science; au-dessus de cette statue de la sainte Vierge, remplacée aujourd'hui par une figure du XVe siècle, deux anges supportent un dais couronné par l'Arche d'alliance (1), les prophètes sont assis des deux côtés sur le linteau; dans le tympan on voit deux grands bas-reliefs représentant la mort de la sainte Vierge et son couronnement. L'Arche d'alliance occupe donc là une place symbolique, elle est comme le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Quelquefois l'Arche d'alliance affecte la forme d'une armoire à deux battants supportée ou gardée par des lions; d'une table d'autel avec reliquaire. Les sculpteurs ou les peintres du moyen âge ne paraissent pas avoir donné à l'Arche d'alliance de l'ancienne loi une forme particulière; ils se bornaient, dans leurs bas-reliefs ou leurs peintures, à figurer les objets qu'ils avaient continuellement sous les yeux, les meubles par exemple, qu'il était d'usage de placer aux côtés des autels, et où l'on renfermait les reliquaires, les chartes, et tous objets précieux ou titres qui constituaient le trésor d'une église (voy. CHÂSSE, ARMOIRE).

       ARCHE DE NOÉ. Est représentée dans les bas-reliefs ou les vitraux sous la forme d'un navire surmonté d'une maison avec toit et fenêtres. Souvent les personnages composant la famille de Noé montrent la tête à ces fenêtres, et la colombe s'élance dans les airs, délivrée par le patriarche.

       ARCHE DE PONT, voy. PONT.

       ARCHITECTE, s. m. Il ne semble pas que ce nom ait été donné avant le XVIe siècle aux artistes chargés de la direction des constructions de bâtiments. L'architecture tenait sa place parmi les arts libéraux (voy. ARTS LIBÉRAUX) et était personnifiée par un homme ou une femme tenant une équerre ou un compas; mais l'artiste, l'homme de métier était qualifié de maître d'oeuvre, désignation bien autrement positive, du reste, que celle d'architecte, car par oeuvre on entendait tout ce qui constituait l'immeuble et le meuble d'un bâtiment, depuis les fondations jusqu'aux tapisseries, aux flambeaux, aux menus objets mobiliers. Il n'existe aucune donnée certaine sur le personnel des architectes avant le XIIIe siècle. Les grands établissements religieux qui renfermaient dans leur sein jusque vers la fin du XIIe siècle tout ce qu'il y avait d'hommes lettrés, savants, studieux dans l'Occident, fournissaient très-probablement les architectes qui dirigeaient non-seulement les constructions monastiques, mais aussi les constructions civiles et peut-être même militaires. Les écoles fondées par Charlemagne s'élevaient à l'abri des églises; c'était là que devaient nécessairement se réfugier toutes les intelligences vouées à l'étude des sciences et des arts. La géométrie, le dessin, la sculpture et la peinture ne pouvaient être enseignés que dans les seuls établissements qui conservaient encore un peu de calme et de tranquillité au milieu de cet effroyable chaos de l'époque carlovingienne. Vers la fin du Xe siècle, au moment où il semblait que la société allait s'éteindre dans la barbarie, une abbaye se fondait à Cluny, et du sein de cet ordre religieux, pendant plus d'un siècle, sortaient presque tous les hommes qui allaient avec une énergie et une patience incomparables arrêter les progrès de la barbarie, mettre quelque ordre dans ce chaos, fonder des établissements sur une grande partie de l'Europe occidentale, depuis l'Espagne jusqu'en Pologne. Il n'est pas douteux que ce centre de civilisation, qui jeta un si vif éclat pendant les XIe et XIIe siècles, n'ait eu sur les arts comme sur les lettres et la politique une immense influence. Il n'est pas douteux que Cluny n'ait fourni à l'Europe occidentale des architectes comme elle fournissait des clercs réformateurs, des professeurs pour les écoles, des peintres, des savants, des médecins, des ambassadeurs, des évêques, des souverains et des papes; car rayez Cluny du XIe siècle, et l'on ne trouve plus guère que ténèbres, ignorance grossière, abus monstrueux. Pendant que saint Hugues et ses successeurs luttaient contre l'esprit de barbarie, et par-dessus tout maintenaient l'indépendance du pouvoir spirituel avec une persévérance dont l'histoire des civilisations offre peu d'exemples, il se faisait dans le tiers état une révolution dont les conséquences eurent une immense portée. Un grand nombre de villes, les plus importantes du nord et de l'est de la France, se conjuraient et s'établissaient en communes. Ainsi les restes de la féodalité carlovingienne étaient sapés de deux côtés, par le pouvoir spirituel d'une part, et par les insurrections populaires de l'autre. L'esprit civil apparaît pour la première fois sur la scène avec des idées d'organisation; il veut se gouverner lui-même, il commence à parler de droits, de libertés; tout cela est fort grossier, fort incertain; il se jette tantôt dans les bras du clergé pour lutter contre la noblesse, tantôt il se ligue avec le suzerain pour écraser ses vassaux. Mais au milieu de ces luttes, de ces efforts, la cité apprend à se connaître, à mesurer ses forces, elle n'a pas plutôt détruit qu'elle se presse de fonder, sans trop savoir ce qu'elle fait ni ce qu'elle veut; mais elle fonde, elle se fait donner des chartes, des priviléges, elle se façonne à l'organisation par corporations,