Marco Lupis

Entretiens Du Siècle Court


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qui sont payés à ne rien faire, dans le port de Palma. Vas-y toi, comme ça ils travailleront un peu ! Et tant que tu y es, fais-toi amener à Puerto de Andratx en bateau, comme ça tu fais une belle croisière par la même occasion !»

       Je ne me le fis pas répéter deux fois, et c’est ainsi que le jour convenu pour l’interview je débarquai dans le petit port, à deux heures de mer de Palma, en sautant du voilier de mon ami. Après avoir salué les marins, je me rendis au Cafè de la Vista, en face du môle encombré de yachts, le lieu convenu pour le rendez-vous, prévu à trois heures et demi.

       A coup sûr l’entrée en scène la plus spectaculaire dont ait jamais bénéficié un journaliste pour une interview !

      

      

       *****

       Une Audi 100 immatriculée à Düsseldorf arrive, légèrement en avance : ce sont eux. Devant, deux hommes, à l’arrière, Aline Soulier, son inséparable agente. Une petite déception : où est-elle ? Ça n’est qu’un instant. Un nuage blond apparaît derrière Aline et se penche en avant sur le siège. « Ciao, Claudia » dit-elle ; elle me tend la main, et sourit. Un charme qui étourdit, quelque part entre Lolita et la Madone.

       Aucun d’eux ne descend de voiture. « Les paparazzis sont partout » murmure son agente pendant le rapide trajet vers la maison, une villa basse, couleur brique, à un étage. En me précédant, Claudia tient à préciser que jusqu’à ce jour, aucun journaliste n’était jamais entré chez les Schiffer, puis elle fait les présentations : « Mon petit frère, ma sœur Caroline, ma mère ». Une dame très distinguée, très Allemande, les cheveux blonds courts, qui dépasse le mètre quatre-vingt-un de sa fille. Seul le père manque à l’appel ; avocat à Düsseldorf, il est le véritable metteur en scène et artisan, dans l’ombre, du succès de sa fille, disent les gens bien informés. Est-ce à lui que l’on doit la création d’un tel mythe de la beauté ?

      

      

       Tout a commencé dans une discothèque de Düsseldorf…

       J’étais très jeune. Un soir, le propriétaire de l’agence Metropolitan s’est approché de moi, et il m’a demandé de travailler pour lui…

      

      

       Quelle a été votre réaction ?

       « Si c’est du sérieux » ai-je répondu « va en parler demain avec mes parents ». Vous savez, il y a tellement de techniques de drague en discothèque, ça pouvait en être une, et pas spécialement nouvelle…

      

      

       Vous êtes très liée à votre famille ?

       Énormément. C’est une famille qui a les pieds sur terre. Mon père est avocat et ma mère l’aide pour l’administratif. Ils ne se sont pas laissés impressionner par mon succès. Ils sont difficiles à étonner. Ils sont très fiers de moi, ça oui, mais pour eux ce n’est rien d’autre que mon métier, et ils attendent de moi que je le fasse le mieux possible.

      

      

       Et vos frères et sœurs, ils ne sont pas jaloux ?

       Mais non ! Ils sont fiers de moi, au contraire. Et surtout mon petit frère, qui a douze ans. J’ai une sœur de dix-neuf ans qui va à l’université, il n’y a donc aucune rivalité entre elle et moi. Et puis j’ai un frère de vingt ans : un ami.

      

      

       Vous venez toujours à Majorque avec eux, pour les vacances ?

       Depuis que je suis toute petite. J’adore cet endroit.

      

      

       Mais maintenant que vous êtes grande, on dirait que vous avez du mal à vous promener par ici…

       Effectivement, il y a des paparazzis partout, dans les arbres… c’est gênant. Chacun de mes mouvements est observé, étudié, photographié… De ce point de vue ce n’est pas vraiment des vacances ! (Elle rit ).

      

      

       C’est le prix de la célébrité…

       Eh oui, c’est exactement ça. Mais je fais souvent faire du bateau avec maman, et mes frères et sœur. En mer, je me sens tranquille.

      

      

       Tout à fait tranquille ?

       Ah, pour les photos en topless ? Je ne comprends vraiment pas comment ils ont pu faire. J’étais en bateau avec maman et ma sœur Carolina. On était amarrés pour prendre le soleil. Il y avait aussi Peter Gabriel, qui est un ami proche…

      

      

       On l’a vu…

       Oui, c’est vrai. Il est sur ces photos, lui aussi. De toute façon je préfère ne pas en parler... Et puis j’ai engagé des avocats pour les dommages et intérêts…

      

      

       On dit que vous voudriez être actrice.

       J’aimerais essayer, c’est tout. On me propose des scénarios, et plus j’en lis, plus j’ai envie de tenter. En ce moment, j’ai envie de faire un film. Très envie.

      

      

       Mais nous ne jouerez pas pour Robert Altman, l’an prochain, dans “Prêt-à-porter”, consacré au monde de la mode ?

       C’est vraiment incroyable. La presse du monde entier continue à en parler, mais ce n’est absolument pas vrai. Et puis je ne voudrais pas faire un film dans lequel je joue encore mon propre rôle.

      

      

       Si vous deviez choisir entre top model et actrice ?

       Top model, ça ne dure pas toute la vie. C’est un métier pour les filles très jeunes, qu’on fait peu de temps, comme jouer au tennis, ou nager… Il faut en profiter tant qu’on peut, en somme. Ensuite, j’aimerais retourner à l’université et faire des études d’histoire de l’art.

      

      

       Vous avez toujours dit vouloir préserver votre vie privée à tout prix. Ce n’est pas contradictoire de tourner ce film sur votre vie, chez vous, chez vos parents ?

       Je ne pense pas. Les moments vraiment privés le sont restés. On ne voit dans le film que ce que j’ai volontairement décidé de montrer au public : ma famille, mes amis, mes vacances, mes hobbys… Les choses que j’aime, en somme. Et puis les voyages,