Жюль Верн

Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre


Скачать книгу

que Monsieur est fou ? » me dit-elle.

      Je fis un signe affirmatif.

      « Et il vous emmène avec lui ? »

      Même affirmation.

      « Où cela ? dit-elle. »

      J’indiquai du doigt le centre de la terre.

      « À la cave ? s’écria la vieille servante.

      – Non, dis-je enfin, plus bas ! »

      Le soir arriva. Je n’avais plus conscience du temps écoulé.

      « À demain matin, dit mon oncle, nous partons à six heures précises. »

      À dix heures je tombai sur mon lit comme une masse inerte.

      Pendant la nuit mes terreurs me reprirent.

      Je la passai à rêver de gouffres ! J’étais en proie au délire. Je me sentais étreint par la main vigoureuse du professeur, entraîné, abîmé, enlisé ! Ma vie n’était plus qu’une chute interminable.

      Je me réveillai à cinq heures, brisé de fatigue et d’émotion. Je descendis à la salle à manger. Mon oncle était à table. Il dévorait. Je le regardai avec un sentiment d’horreur. Mais Graüben était là. Je ne dis rien. Je ne pus manger.

      À cinq heures et demie, un roulement se fit entendre dans la rue. Une large voiture arrivait pour nous conduire au chemin de fer d’Altona. Elle fut bientôt encombrée des colis de mon oncle.

      « Et ta malle ? me dit-il.

      – Elle est prête, répondis-je en défaillant.

      – Dépêche-toi donc de la descendre, ou tu vas nous faire manquer le train ! »

      Lutter contre ma destinée me parut alors impossible. Je remontai dans ma chambre, et laissant glisser ma valise sur les marches de l’escalier, je m’élançai à sa suite.

      En ce moment mon oncle remettait solennellement entre les mains de Graüben « les rênes » de sa maison. Elle embrassa son tuteur, mais elle ne put retenir une larme en effleurant ma joue de ses douces lèvres.

      « Graüben ! m’écriai-je.

      – Va, mon cher Axel, va, me dit-elle, tu quittes ta fiancée, mais tu trouveras ta femme au retour. »

      Je serrai Graüben dans mes bras, et pris place dans la voiture.

      VIII

      Altona, véritable banlieue de Hambourg, est tête de ligne du chemin de fer de Kiel, qui devait nous conduire au rivage des Belt[42]. En moins de vingt minutes, nous entrions sur le territoire du Holstein.

      À six heures et demie, la voiture s’arrêta devant la gare ; les nombreux colis de mon oncle, ses volumineux articles de voyage furent déchargés, transportés, pesés, étiquetés, rechargés dans le wagon de bagages, et à sept heures nous étions assis l’un vis-à-vis de l’autre dans le même compartiment. La vapeur siffla, la locomotive se mit en mouvement. Nous étions partis.

      Étais-je résigné ?[43] Pas encore. Cependant l’air frais du matin, les détails de la route rapidement renouvelés par la vitesse du train me distrayaient de ma grande préoccupation.

      Quant à la pensée du professeur, elle devançait évidemment ce convoi trop lent pour lui. Nous étions seuls dans le wagon, mais sans parler. Mon oncle revisitait ses poches et son sac de voyage avec une minutieuse attention. Je vis bien que rien ne lui manquait des pièces nécessaires à l’exécution de ses projets.

      Entre autres, une feuille de papier, pliée avec soin, portait l’entête de la chancellerie danoise[44], avec la signature de M. Christiensen, consul à Hambourg et l’ami du professeur. Cela devait nous donner toute facilité d’obtenir à Copenhague des recommandations pour le gouverneur de l’Islande.

      Trois heures après notre départ, le train s’arrêtait à Kiel, à deux pas de la mer.

      Nos bagages étant enregistrés pour Copenhague, il n’y eut pas à s’en occuper. Cependant le professeur les suivit d’un œil inquiet pendant leur transport au bateau à vapeur. Là ils disparurent à fond de cale.

      À dix heures un quart, les amarres furent larguées, et le steamer Ellenora[45]fila rapidement sur les sombres eaux du grand Belt.

      Au matin nous débarquions à Korsör, petite ville située sur la côte occidentale du Seeland. Là nous sautions du bateau dans un nouveau chemin de fer, qui nous emportait à travers un pays non moins plat que les campagnes du Holstein.

      C’était encore trois heures de voyage avant d’atteindre la capitale du Danemark. Mon oncle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Dans son impatience, je crois qu’il poussait le wagon avec ses pieds.

      J’espérais que les moyens de transport manqueraient absolument ; mais il n’en fut rien. Une petite danoise, la Valkyrie[46], devait mettre à la voile le 2 juin pour Reykjawik. Le capitaine, M. Bjarne, se trouvait à bord. Son futur passager, dans sa joie, lui serra les mains à les briser.

      « Soyez à bord mardi, à sept heures du matin, » dit M. Bjarne après avoir empoché un nombre respectable de dollars.

      IX

      Le jour du départ arriva. Le 2, à six heures du matin, nos précieux bagages étaient rendus à bord de la Valkyrie. Le capitaine nous conduisit à des cabines assez étroites et disposées sous une espèce de rouffle.

      Quelques instants plus tard, la goélette appareilla et donna à pleine toile dans le détroit[47]. Une heure après, la capitale du Danemark semblait s’enfoncer dans les flots éloignés, et la Valkyrie rasait la côte d’Elseneur. Dans la disposition nerveuse où je me trouvais, je m’attendais à voir l’ombre d’Hamlet errant sur la terrasse légendaire.

      « Quelle sera la durée de la traversée ? demanda mon oncle au capitaine.

      – Une dizaine de jours, répondit ce dernier, soyez tranquille, monsieur Lidenbrock,  nous arriverons. »

      La traversée n’offrit aucun incident remarquable. Je supportai assez bien les épreuves de la mer ; mon oncle, à son grand dépit, et à sa honte plus grande encore, ne cessa pas d’être malade.

      Il ne put donc entreprendre le capitaine Bjarne sur la question du Sneffels, sur les moyens de communication, sur les facilités de transport ; il dut remettre ces explications à son arrivée et passa tout son temps étendu dans sa cabine, dont les cloisons craquaient par les grands coups de tangage. Il faut l’avouer, il méritait un peu son sort.

      En sortant d’une tempête qui força la goélette de fuir à sec de toile[48], on releva dans l’est la balise de la pointe Skagen, dont les roches dangereuses se prolongent à une grande distance sous les flots. Un pilote islandais vint à bord, et, trois heures plus tard, la Valkyrie mouillait devant Reykjawik, dans la baie de Faxa.

      Mon oncle avait hâte d’abandonner sa prison flottante, pour ne pas dire son hôpital. Mais avant de quitter le pont de la goélette, il m’entraîna à l’avant, et là, du doigt, il me montra une haute montagne à deux pointes, un double cône couvert de neiges éternelles.

      « Le Sneffels ! s’écria-t-il, le Sneffels ! »

      Puis, après m’avoir recommandé du geste un silence absolu, il descendit dans le canot qui l’attendait. Je le suivis, et bientôt nous marchions sur le sol de l’Islande.

      Tout d’abord apparut un homme de bonne figure et revêtu d’un costume de général. Ce n’était cependant qu’un simple magistrat,