Жюль Верн

Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre


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cet excellent homme en mit deux à notre disposition, et bientôt nous y fûmes installés avec nos bagages.

      « Eh bien, Axel, me dit mon oncle, cela va, et le plus difficile est fait.

      – Comment, le plus difficile ? m’écriai-je.

      – Sans doute, nous n’avons plus qu’à descendre.

      – Si vous le prenez ainsi, vous avez raison ; mais enfin, après avoir descendu, il faudra remonter, j’imagine ?

      – Oh ! cela ne m’inquiète guère ! Voyons ! il n’y a pas de temps à perdre. Je vais me rendre à la bibliothèque. Peut-être s’y trouve-t-il quelque manuscrit de Saknussemm, et je serais bien aise de le consulter.

      – Alors, pendant ce temps, je vais visiter la ville. Est-ce que vous n’en ferez pas autant ?

      – Oh ! cela m’intéresse médiocrement. Ce qui est curieux dans cette terre d’Islande n’est pas dessus, mais dessous. »

      Je sortis et j’errai au hasard.

      S’égarer dans les deux rues de Reykjawik n’eût pas été chose facile.

      La plus longue des deux rues de Reykjawik est parallèle au rivage ; là demeurent les marchands et les négociants ; l’autre rue, située plus à l’ouest, court vers un petit lac, entre les maisons de l’évêque et des autres personnages étrangers au commerce.

      J’eus bientôt arpenté ces voies mornes et tristes ; j’entrevoyais parfois un bout de gazon décoloré, comme un vieux tapis de laine râpé par l’usage, ou bien quelque apparence de verger, dont les rares légumes, pommes de terre, choux et laitues, eussent figuré à l’aise sur une table lilliputienne ; quelques giroflées maladives essayaient aussi de prendre un petit air de soleil.

      Entre le petit lac et la ville s’élevait l’église, bâtie dans le goût protestant et construite en pierres calcinées dont les volcans font eux-mêmes les frais d’extraction[49].

      Sur une éminence voisine, j’aperçus l’École Nationale, où, comme je l’appris plus tard de notre hôte, on professait l’hébreu, l’anglais, le français et le danois, quatre langues dont, à ma honte, je ne connaissais pas le premier mot.

      Après une bonne promenade, lorsque je rentrai dans la maison de M. Fridriksson, mon oncle s’y trouvait déjà en compagnie de son hôte.

      X

      Le dîner était prêt ; il fut dévoré avec avidité par le professeur Lidenbrock, dont la diète forcée du bord avait changé l’estomac en un gouffre profond. La conversation se fit en langue indigène, que mon oncle entremêlait d’allemand et M. Fridriksson de latin. Elle roula sur des questions scientifiques, comme il convient à des savants.

      Tout d’abord, M. Fridriksson s’enquit auprès de mon oncle du résultat de ses recherches à la bibliothèque.

      « Votre bibliothèque ! s’écria ce dernier, elle ne se compose que de livres dépareillés sur des rayons presque déserts.

      – Comment ! répondit M. Fridriksson, nous possédons huit mille volumes, dont beaucoup sont précieux et rares, des ouvrages en vieille langue Scandinave, et toutes les nouveautés dont Copenhague nous approvisionne chaque année.

      – Où prenez-vous ces huit mille volumes ? Pour mon compte…

      – Oh ! monsieur Lidenbrock, ils courent le pays. On a le goût de l’étude dans notre vieille île de glace ! Pas un fermier, pas un pêcheur qui ne sache lire et ne lise. Nous pensons que des livres, au lieu de moisir derrière une grille de fer, loin des regards curieux, sont destinés à s’user sous les yeux des lecteurs. Aussi ces volumes passent-ils de main en main, feuilletés, lus et relus, et souvent ils ne reviennent à leur rayon qu’après un an ou deux d’absence.

      – En attendant, répondit mon oncle avec un certain dépit, les étrangers…

      – Que voulez-vous ! les étrangers ont chez eux leurs bibliothèques, et, avant tout, il faut que nos paysans s’instruisent. Je vous le répète, l’amour de l’étude est dans le sang islandais. Maintenant veuillez m’indiquer les livres que vous espériez trouver à notre bibliothèque, et je pourrai peut-être vous renseigner à leur égard.

      Je regardai mon oncle. Il hésita à répondre. Cela touchait directement à ses projets. Cependant, après avoir réfléchi, il se décida à parler.

      « Monsieur Fridriksson, dit-il, je voulais savoir si, parmi les ouvrages anciens, vous possédiez ceux d’Arne Saknussemm ?

      – Arne Saknussemm ! répondit le professeur de Reykjawik. Vous voulez parler de ce savant du seizième siècle, à la fois grand naturaliste, grand alchimiste et grand voyageur ?

      – Précisément.

      – Une des gloires de la littérature et de la science islandaises ?

      – Comme vous dites.

      – Un homme illustre entre tous ?

      – Je vous l’accorde.

      – Et dont l’audace égalait le génie ?

      – Je vois que vous le connaissez bien. »

      Mon oncle nageait dans la joie à entendre parler ainsi de son héros.

      « Eh bien ! demanda-t-il, ses ouvrages ?

      – Ah ! ses ouvrages, nous ne les avons pas !

      – Quoi ! en Islande ?

      – Ils n’existent ni en Islande ni ailleurs.

      – Et pourquoi ?

      – Parce que Arne Saknussemm fut persécuté pour cause d’hérésie, et qu’en 1573 ses ouvrages furent brûlés à Copenhague par la main du bourreau.

      – Très bien ! Parfait ! s’écria mon oncle, au grand scandale du professeur de sciences naturelles.

      – Hein ? fit ce dernier.

      – Oui ! tout s’explique, tout s’enchaîne, tout est clair, et je comprends pourquoi Saknussemm, a dû enfouir dans un incompréhensible cryptogramme le secret…

      – Quel secret ? demanda vivement M. Fridriksson.

      – Un secret qui… dont…, répondit mon oncle en balbutiant.

      – Est-ce que vous auriez quelque document particulier ? reprit notre hôte.

      – Non. Je faisais une pure supposition.

      – Bien, répondit M. Fridriksson, qui eut la bonté de ne pas insister en voyant le trouble de son interlocuteur. J’espère, ajouta-t-il, que vous ne quitterez pas notre île sans avoir puisé à ses richesses minéralogiques ?

      – Certes, répondit mon oncle ; mais j’arrive un peu tard ; des savants ont déjà passé par ici ?

      – Oui, monsieur Lidenbrock. Mais, croyez-moi, il y a encore à faire.

      – Vous pensez ? demanda mon oncle d’un air bonhomme, en essayant de modérer l’éclair de ses yeux.

      – Oui. Que de montagnes, de glaciers, de volcans à étudier, qui sont peu connus ! Et tenez, sans aller plus loin, voyez ce mont qui s’élève à l’horizon. C’est le Sneffels.

      – Ah ! fit mon oncle, le Sneffels !

      – Oui, l’un des volcans les plus curieux et dont on visite rarement le cratère.

      – Éteint ?

      – Oh ! éteint depuis cinq cents ans.

      – Eh bien ! répondit mon oncle, qui se croisait frénétiquement les jambes pour ne pas sauter en l’air, j’ai envie de commencer mes études géologiques par ce Seffel… Fessel… comment dites-vous ?

      – Sneffels, reprit l’excellent