gloire passée ?
Tant de choses s'étaient déroulées en même temps que Kyra avait peine à les comprendre. C'était comme si le monde partait en vrille, comme si, ces jours-ci, la seule chose de constante était le changement.
Kyra essaya de penser à autre chose et de se concentrer sur le voyage qui l'attendait : Marda. Alors qu'elle volait le cœur battant, Kyra se sentait imprégnée d'une sensation de détermination. Elle avait hâte d'arriver, de trouver le Bâton de Vérité. Alors qu'elle volait, elle plongeait dans les nuages et regardait vers le bas pour trouver des repères, essayait de voir si elle se rapprochait de la frontière, des Flammes. Alors qu'elle scrutait le paysage, elle eut le cœur serré de voir ce que sa patrie était devenue : elle vit une terre déchirée, marquée, brûlée par les flammes. Elle vit que des forteresses entières avaient été détruites. Elle ne savait pas si elles l'avaient été par des soldats pandésiens, des trolls en maraude ou des dragons furieux. Elle voyait une terre qui était tellement ravagée qu'elle n'arrivait pas à reconnaître l'endroit qu'elle avait autrefois connu et aimé. C'était dur à croire. L'Escalon qu'elle connaissait n'existait plus.
Tout ça lui semblait surréaliste. Elle avait peine à imaginer que de tels changements puissent se produire de façon aussi radicale et aussi rapide. Cela l'amenait à se poser des questions. Et si, cette nuit de neige, elle n'avait jamais rencontré Theos, le dragon blessé ? Est-ce que la destinée d'Escalon aurait suivi un cours différent ?
Ou est-ce que tout cela avait été prédestiné ? Était-elle responsable de tout ça, de tout ce qu'elle voyait en dessous ? Ou n'en était-elle que le vecteur ? Est-ce que ce serait quand même arrivé d'une autre façon ?
Kyra voulait désespérément plonger et atterrir en dessous, rester ici en Escalon pour aider à faire la guerre contre les Pandésiens, contre les trolls, pour aider à résoudre tous les problèmes qu'elle pourrait. Pourtant, malgré sa sensation de terreur imminente, elle se força à lever les yeux, à rester concentrée sur sa mission, qui était de voler vers le nord, quelque part vers les ténèbres de Marda.
Kyra frissonna. Elle savait que ce serait un voyage au cœur même des ténèbres. Depuis sa jeunesse, Marda avait toujours été un lieu de légende, un endroit si maléfique, tellement inaccessible que personne n'aurait jamais eu l'idée de s'y rendre. Au contraire, c'était un endroit à isoler du monde, contre lequel il fallait se protéger, un endroit mis à l'écart par les Flammes, séparation pour laquelle les concitoyens de Kyra remerciaient l'univers tous les jours. Or, aussi incroyable que ce soit, c'était un endroit où elle essayait de se rendre.
D'un côté, c'était de la folie. Pourtant, de l'autre côté, la mère de Kyra l'avait envoyée ici et, en son for intérieur, elle sentait que cette mission était authentique. Elle sentait que Marda était l'endroit où l'on avait besoin d'elle, où se trouvait sa dernière mise à l'épreuve, où se trouvait le Bâton de Vérité, qu'elle était la seule à pouvoir récupérer. C'était fou, mais elle sentait déjà, jusque dans ses tripes, le bâton l'appeler, l'attirer comme un vieil ami.
Pourtant, pour la première fois aussi loin qu'il lui souvienne, Kyra se sentait submergée par une vague de doute en elle-même. Était-elle vraiment assez forte pour faire ça ? Pour aller à Marda, un endroit où même les hommes de son père craignaient de s'aventurer ? Elle sentait qu'une bataille se déroulait en sa propre âme. Tout son être intérieur lui criait qu'aller à Marda serait aller à la rencontre de sa propre mort, et elle ne voulait pas mourir.
Kyra essaya de se forcer à être forte, à ne pas dévier de sa route. Elle savait qu'il fallait qu'elle fasse ce voyage et elle savait qu'elle ne pouvait pas éviter de faire ce qu'on exigeait d'elle. Elle essaya de ne pas penser aux horreurs qui l'attendaient de l'autre côté des Flammes. Une nation de trolls. Des volcans, de la lave, des cendres. Une nation de mal, de sorcellerie. Des créatures et des monstres inimaginables. Elle essaya de ne pas se souvenir des histoires qu'elle avait entendues quand elle était enfant. Un endroit où les gens se taillaient en pièces les uns les autres pour le plaisir, dirigés par leur chef, Vesuvius le démoniaque. Une nation qui vivait pour le sang, pour la cruauté.
Ils plongèrent un moment sous les nuages. Kyra baissa le regard et vit, loin au dessous, qu'ils survolaient la région nord-est d'Escalon. Son cœur bondit quand elle commença à reconnaître la campagne : Volis. Il y avait les collines de sa ville natale qui, autrefois si belle, n'était plus maintenant que l'ombre de ce qu'elle avait été. Elle eut le cœur serré par ce qu'elle vit. Là-bas, au loin, se trouvait la forteresse de son père. A présent, le fort était complètement en ruines. C'était un grand tas de gravats parsemé de cadavres abandonnés qui gisaient dans des positions contre nature, visibles même d'ici. On aurait dit qu'ils regardaient vers le ciel en demandant à Kyra comment elle avait pu permettre que cela leur arrive.
Kyra ferma les yeux et essaya de repousser cette image de son esprit, mais en vain. C'était trop dur de se contenter de survoler cet endroit qui avait autrefois tellement compté pour elle. Elle leva les yeux vers l'horizon, vers Marda. Elle savait qu'il fallait qu'elle poursuive sa route mais une chose en elle ne pouvait se résoudre à simplement survoler sa ville natale. Il fallait qu'elle s'arrête et voie la situation par elle-même avant qu'elle quitte Escalon pour ce qui pourrait être son dernier voyage.
Kyra ordonna à Theon de plonger vers le bas et elle sentit qu'il lui résistait, comme s'il se sentait lui aussi obligé de rester concentré sur leur mission et de se diriger vers Marda. Pourtant, à contrecœur, il céda.
Ils plongèrent et atterrirent au centre de ce qui était autrefois Volis, une forteresse débordante d'activité et pleine de vie, d'enfants, de danses, de chansons, d'odeurs de cuisine, des fiers guerriers de son père qui allaient çà et là fièrement. Kyra eut le souffle coupé quand elle mit pied à terre et avança. Elle laissa involontairement échapper un cri. Il n'y avait plus rien, ici. Rien que des gravats et un silence oppressant, seulement rompu par le son de la respiration lourde de Theon, qui raclait le sol de ses griffes comme s'il était lui-même furieux, comme s'il était impatient de partir. Elle ne pouvait pas lui en vouloir : cette ville était maintenant un tombeau.
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