Оскар Уайльд

OSCAR WILDE Premium Collection


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On rit beaucoup d’eux à Rome. L’empereur a fait un poème satirique contre eux. On le récite partout.

      HÉRODE. Ah! il a fait un poème satirique contre eux? César est merveilleux. Il peut tout faire … C’est étrange qu’il se soit tué, le jeune Syrien. Je le regrette. Oui, je le regrette beaucoup. Car il était beau. Il était même très beau. Il avait des yeux très langoureux. Je me rappelle que je l’ai vu regardant Salomé d’une façon langoureuse. En effet, j’ai trouvé qu’il l’avait un peu trop regardée.

      HÉRODIAS. Il y en a d’autres qui la regardent trop.

      HÉRODE. Son pére était roi. Je l’ai chassé de son royaume. Et de sa mère qui était reine vous avez fait une esclave, Hérodias. Ainsi, il était ici comme un hôte. C’était à cause de cela que je l’avais fait capitaine. Je regrette qu’il soit mort … Enfin, pourquoi avez-vous laissé le cadavre ici? Il faut l’emporter ailleurs. Je ne veux pas le voir … Emportez-le … [On emporte le cadavre.] Il fait froid ici. Il y a du vent ici. N’est-ce pas qu’il y a du vent?

      HÉRODIAS. Mais non. Il n’y a pas de vent.

      HÉRODE. Mais si, il y a du vent … Et j’entends dans l’air quelque chose comme un battement d’ailes, comme un battement d’ailes gigantesques. Ne l’entendez-vous pas?

      HÉRODIAS. Je n’entends rien.

      HÉRODE. Je ne l’entends plus moi-même. Mais je l’ai entendu. C’était le vent sans doute. C’est passé. Mais non, je l’entends encore. Ne l’entendez-vous pas? C’est tout à fait comme un battement d’ailes.

      HÉRODIAS. Je vous dis qu’il n’y a rien. Vous êtes malade. Rentrons

      HÉRODE. Je ne suis pas malade. C’est votre fille qui est malade. Elle a l’air très malade, votre fille. Jamais je ne l’ai vue si pâle.

      HÉRODIAS. Je vous ai dit de ne pas la regarder.

      HÉRODE. Versez du vin. [On apporte du vin.] Salomé, venez boire un peu de vin avec moi. J’ai un vin ici qui est exquis. C’est César lui-même qui me l’a envoyé. Trempez là-dedans vos petites lèvres rouges et ensuite je viderai la coupe.

      SALOMÉ. Je n’ai pas soif, tétrarque.

      HÉRODE. Vous entendez comme elle me répond, votre fille.

      HÉRODIAS. Je trouve qu’elle a bien raison. Pourquoi la regardez-vous toujours?

      HÉRODE. Apportez des fruits. [On apporte des fruits.] Salomé, venez manger du fruit avec moi. J’aime beaucoup voir dans un fruit la morsure de tes petites dents. Mordez un tout petit morceau de ce fruit, et ensuite je mangerai ce qui reste.

      SALOMÉ. Je n’ai pas faim, tétrarque.

      HÉRODE [à Hérodias] Voilà comme vous l’avez élevée, votre fille.

      HÉRODIAS. Ma fille et moi, nous descendons d’une race royale. Quant à toi, ton grand-père gardait des chameaux! Aussi, c’était un voleur!

      HÉRODE. Tu mens!

      HÉRODIAS. Tu sais bien que c’est la vérité.

      HÉRODE. Salomé, viens t’asseoir près de moi. Je te donnerai le trône de ta mère.

      SALOMÉ. Je ne suis pas fatiguée, tétrarque.

      HÉRODIAS. Vous voyez bien ce qu’elle pense de vous.

      HÉRODE. Apportez … Qu’est-ce que je veux? Je ne sais pas. Ah! Ah! je m’en souviens …

      LA VOIX D’IOKANAAN. Voici le temps! Ce que j’ai prédit est arrivé, dit le Seigneur Dieu. Voici le jour dont j’avais parlé.

      HÉRODIAS. Faites-le taire. Je ne veux pas entendre sa voix. Cet homme vomit toujours des injures contre moi.

      HÉRODE. Il n’a rien dit contre vous. Aussi, c’est un très grand prophète.

      HÉRODIAS. Je ne crois pas aux prophètes. Est-ce qu’un homme peut dire ce qui doit arriver? Personne ne le sait. Aussi, il m’insulte toujours. Mais je pense que vous avez peur de lui … Enfin, je sais bien que vous avez peur de lui.

      HÉRODE. Je n’ai pas peur de lui. Je n’ai peur de personne.

      HÉRODIAS. Si, vous avez peur de lui. Si vous n’aviez pas peur de lui, pourquoi ne pas le livrer aux Juifs qui depuis six mois vous le demandent?

      UN JUIF. En effet, Seigneur, il serait mieux de nous le livrer.

      HÉRODE. Assez sur ce point. Je vous ai déjà donné ma réponse. Je ne veux pas vous le livrer. C’est un homme qui a vu Dieu.

      UN JUIF. Cela, c’est impossible. Personne n’a vu Dieu depuis le prophète Élie. Lui c’est le dernier qui ait vu Dieu. En ce temps-ci, Dieu ne se montre pas. Il se cache. Et par conséquent il y a de grands malheurs dans le pays.

      UN AUTRE JUIF. Enfin, on ne sait pas si le prophète Élie a réellement vu Dieu. C’était plutôt l’ombre de Dieu qu’il a vue.

      UN TROISIÈME JUIF. Dieu ne se cache jamais. Il se montre toujours et dans toute chose. Dieu est dans le mal comme dans le bien.

      UN QUATRIÈME JUIF. Il ne faut pas dire cela. C’est une idée très dangereuse. C’est une idée qui vient des écoles d’Alexandrie où on enseigne la philosophie grecque. Et les Grecs sont des gentils. Ils ne sont pas même circoncis.

      UN CINQUIÈME JUIF. On ne peut pas savoir comment Dieu agit, ses voies sont très mystérieuses. Peut-être ce que nous appelons le mal est le bien, et ce que nous appelons le bien est le mal. On ne peut rien savoir. Le nécessaire c’est de se soumettre à tout. Dieu est très fort. Il brise au même temps les faibles et les forts. Il n’a aucun souci de personne.

      LE PREMIER JUIF. C’est vrai cela. Dieu est terrible. Il brise les faibles et les forts comme on brise le blé dans un mortier. Mais cet homme n’a jamais vu Dieu. Personne n’a vu Dieu depuis le prophète Élie.

      HÉRODIAS. Faites-les taire. Ils m’ennuient

      HÉRODE. Mais j’ai entendu dire qu’Iokanaan lui-même est votre prophète Élie.

      UN JUIF. Cela ne se peut pas. Depuis le temps du prophète Élie il y a plus de trois cents ans.

      HÉRODE. Il y en a qui disent que c’est le prophète Élie.

      UN NAZARÉEN. Mais, je suis sûr que c’est le prophète Élie.

      UN JUIF. Mais non, ce n’est pas le prophète Élie.

      LA VOIX D’IOKANAAN. Le jour est venu, le jour du Seigneur, et j’entends sur les montagnes les pieds de celui qui sera le Sauveur du monde.

      HÉRODE. Qu’est ce que cela veut dire? Le Sauveur du monde?

      TIGELLIN. C’est un titre que prend César.

      HÉRODE. Mais César ne vient pas en Judée. J’ai reçu hier des lettres de Rome. On ne m’a rien dit de cela. Enfin, vous, Tigellin, qui avez été à Rome pendant l’hiver, vous n’avez rien entendu dire de cela?

      TIGELLIN. En effet, Seigneur, je n’en ai pas entendu parler. J’explique seulement le titre. C’est un des titres de César.

      HÉRODE. Il ne peut pas venir, César. Il est goutteux. On dit qu’il a des pieds d’éléphant. Aussi il y a des raisons d’État. Celui qui quitte Rome perd Rome. Il ne viendra pas. Mais, enfin, c’est le maître, César. Il viendra s’il veut. Mais je ne pense pas qu’il vienne.

      LE PREMIER NAZARÉEN. Ce n’est pas de César que le prophète a parlé, Seigneur.

      HÉRODE. Pas de César?

      LE PREMIER NAZARÉEN. Non, Seigneur.

      HÉRODE. De qui donc a-t-il parlé?

      LE PREMIER NAZARÉEN. Du Messie qui est venu.

      UN