Je t’ai donné un ultimatum il y a quelques semaines. J’y tiens toujours, mais ça… je pense que c’est OK. Il va juste falloir qu’on repense à tout ça quand je dirai définitivement au revoir au monde du travail. »
« Dans trois mois, » dit-elle, avec une grimace.
« Je sais. J’ai du mal à y croire. »
Le restaurant thaïlandais se trouvait à deux kilomètres de chez elle et ils avaient choisi d’y aller en marchant – c’était quelque chose qu’ils essayaient de faire au moins deux fois par semaine. La soirée était agréable et l’air commençait à se rafraîchir avec la tombée de la nuit.
« Alors, si je pars vers quatre heures et demie du matin, tu ne seras pas fâché ? » demanda-t-elle, quelques instants plus tard.
« Non. Je veux que tu continues à faire ce boulot tant qu’on arrive tous les deux à le supporter. Je ne serai pas fâché. Mais n’oublie pas de me faire un bisou avant de partir. »
Elle s’appuya contre lui, en se demandant comment elle avait fait pour trouver un homme aussi compréhensif que lui. Puis elle se demanda également combien de temps elle allait pouvoir continuer à faire ce boulot.
« Si tu continues à être aussi compréhensif, » dit-elle, « tu pourrais avoir beaucoup plus qu’un bisou. »
Il rit, la prit par la taille et ils continuèrent à marcher à travers la nuit.
CHAPITRE DEUX
Ça faisait une éternité que Kate n’avait plus conduit aux petites heures du matin. À 4h50, elle était déjà sortie du labyrinthe des routes entourant la ville de Washington et elle roulait en direction du Delaware. Elle avait consulté ses emails la veille et elle n’avait rien vu de Duran. Mais juste après s’être réveillée, elle avait à nouveau regardé et elle ne fut pas surprise de voir que Duran lui avait envoyé une copie des dossiers de l’affaire un peu après minuit.
Les meurtres avaient eu lieu dans la ville d’Estes, une petite ville située sur le lac Fallows. En voyant le soleil se lever, elle repensa aux vacances qu’elle venait de passer avec Allen en bord de mer. Ils étaient allés sur la plage un matin, pour regarder le soleil se lever en mangeant des bagels et des fraises. Bien qu’une ville en bordure de lac n’eût rien à voir avec des vacances à la mer, les deux devaient sûrement avoir le même genre de charme… surtout à cette époque de l’année, entre les derniers jours de l’été et les premières journées fraîches d’automne.
C’était un souvenir très agréable, mais qui la fit également se sentir un peu coupable. Allen avait eu l’air presque trop compréhensif au sujet de cette enquête. Et elle se demanda s’il allait réitérer son ultimatum dans trois mois, quand il prendrait sa retraite. Quelque part, il avait un peu le droit de le faire. Et cela voulait dire qu’elle allait devoir y réfléchir sérieusement.
Mais d’abord, elle devait se concentrer sur cette affaire. Et si la dernière enquête lui avait appris quelque chose, c’était qu’elle devait absolument trouver le moyen de séparer sa vie privée de sa vie professionnelle. Quelque part, c’était plus difficile aujourd’hui qu’à l’époque où elle était mariée et qu’elle avait un enfant à élever.
Elle entra dans la ville d’Estes à 7h40, vingt minutes avant l’heure à laquelle elle devait retrouver DeMarco sur les lieux de la dernière scène de crime. Bien que la ville se trouve à plus d’un kilomètre du lac, Estes était construite de manière à faire penser qu’elle se trouvait directement en bord de mer. À un tel point que certains éléments de l’endroit donnaient l’impression que c’était l’océan qui se trouvait au bout de la rue, et non pas un lac. Les maisons ressemblaient toutes à des maisons côtières et il y avait plusieurs magasins de souvenirs le long de la grand-rue qui semblaient tout droit venus des plages du Delaware, qui se trouvaient à cent-vingt kilomètres plus à l’Est. Vu qu’elle était à l’avance, Kate s’arrêta pour prendre un café avant de se rendre sur les lieux de la dernière scène de crime.
Quand elle y arriva, elle vit que DeMarco l’attendait déjà. Elle était garée dans l’allée devant la maison et buvait un café, appuyée contre une voiture qui appartenait visiblement au FBI. Elle sourit et fit un signe de la main à Kate, au moment où elle se gara à côté d’elle.
« Salut, » dit Kate, en sortant de voiture. « Désolée de venir m’imposer sur ton affaire. »
« Pour être tout à fait franche, » dit DeMarco. « J’étais assez contente quand Duran m’a appelée pour me dire qu’il t’envoyait. »
« Est-ce que c’est l’enquête en elle-même qui te pose des problèmes ? » demanda Kate.
« Non, pas vraiment. Mais c’était ma première affaire en solo et pour l’instant, il n’y a aucune piste. » Elle leva les yeux au ciel et sourit. « Je sais que ce n’est qu’un simple lac, mais est-ce que tu as déjà remarqué comme le ciel est différent quand tu te rapproches d’une étendue d’eau ? »
« Non, je n’avais jamais remarqué, » dit Kate, en regardant le ciel. Elle savait que DeMarco cherchait à éviter de parler du fait que Duran avait fini par faire appel à Kate parce qu’elle n’avait pas réussi à faire avancer l’enquête toute seule. Kate se demanda combien de temps DeMarco serait capable de tenir sans le dire à haute voix.
« Est-ce que Duran t’a envoyé les dossiers de l’enquête ? » demanda DeMarco, en s’avançant vers la maison. La propriété ressemblait à une maison de plage, qui semblait tout droit venue de la côte du Delaware. Il y avait une pancarte À VENDRE accrochée devant l’allée, avec la photo souriante d’une jolie femme. Son nom – Tamara Bateman – et son numéro étaient indiqués en-dessous.
« Oui, mais je me suis dit que ce serait plus rapide si tu m’en faisais un résumé. »
« Il n’y a pas grand-chose à dire, » dit DeMarco. « Deux meurtres à Estes à une semaine d’intervalle. La dernière victime est cette jolie jeune femme. » Elle fit un signe de la tête en direction de la pancarte À VENDRE.
« Quand est-ce qu’elle a été assassinée ? »
« Il y a deux jours. On m’a assigné l’affaire hier et je suis arrivée un peu trop tard à mon goût. J’ai parlé aux employés de l’agence immobilière mais ça ne m’a pas beaucoup aidée. Certains étaient sincèrement affligés. D’autres ont peur de parler à un agent du FBI, en craignant que ça ait un impact sur les ventes. Mais ils m’ont quand même donné la clé de l’endroit. »
DeMarco sortit la clé de sa poche, au moment où elles gravirent les marches menant au porche. Elle tourna la clé dans la serrure et elles entrèrent. L’endroit était entièrement vide. Il n’y avait pas un seul meuble. Kate sentit une odeur fraîche de peinture et de vernis.
« Et c’était la deuxième victime ? » demanda Kate, en refermant la porte derrière elle.
« Oui. La première était également agent immobilier et elle a été tuée dans une maison pareille à celle-ci, mais plus neuve, construite il y a à peine deux ans. Tandis que cette maison-ci doit avoir près d’une quinzaine d’années. »
« Et qu’en est-il de leur vie privée ? »
« Rien à signaler pour l’instant. J’ai consulté leurs antécédents et la police locale m’a donné accès à leur casier judiciaire. Il n’y a rien… juste quelques contraventions pour excès de vitesse et une seule amende pour conduite en état d’ébriété. Les familles ne nous ont pas beaucoup aidé non plus. Ils ne nous ont rien appris. Selon eux, c’étaient toutes les deux des femmes supers, qui ne feraient pas de mal à une mouche. Ce genre de choses. »
Kate regarda autour d’elle. Il y avait des éclaboussures de sang sur le sol, à l’entrée. Un escalier se trouvait juste après le vestibule.