Морган Райс

Le Royaume des Dragons


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voulons des armes,” dit le premier. Devin reconnut immédiatement le Prince Rodry, il avait entendu tant de récits à son sujet. “Une chasse est prévue demain, le mariage sera suivi d'un tournoi.”

      Gund, un des maîtres de forge, vint à leur rencontre. Devin continua de forger sa lame, la moindre erreur ou manquement pouvait faire pénétrer des bulles d'air, qui formeraient alors des fissures. Il mettait un point d'honneur à ce que les armes qu'il forgeait ne se brisent au combat.

      Bien que concentré sur le métal, Devin ne pouvait quitter des yeux les jeunes gentilshommes ici présents. Ils avaient à peu près son âge ; ils ressemblaient plus à des gamins désireux de copiner avec le prince, qu'aux Chevaliers d'Argent au service de son père. Gund leur montra des épées et des lances pouvant convenir à l'armée du roi mais ils les refusèrent.

      “Ces messieurs sont les fils du roi !” lança l'un des hommes en indiquant le Prince Rodry et un autre homme que Devin supposa être le Prince Vars, il n'était pas assez mince, taciturne et efféminé pour être le Prince Greave. “Ces armes sont indignes d'eux.”

      Gund leur montra leurs plus fines lames, aux poignées dorées ou décorées, à la garde marquetées, et même des lames fabriquées par de vrais maîtres, aux couches superposées d'acier le plus pur, aux motifs enchevêtrés grâce à l'application d'argile à chaud, au fil tranchant comme un rasoir.

      “Trop belles pour eux,” murmura Devin in petto. Il prit la lame qu'il était en train de forger et l'examina un moment. Elle était prête. Il la chauffa une fois de plus, il la plongerait bientôt dans le grand bain d'huile sombre qui n'attendait qu'elle.

      Vue leur façon de s'emparer et agiter les armes, la plupart n'avait visiblement pas la moindre idée de ce qu'ils faisaient. Le prince Rodry s'y connaissait peut-être mais il se trouvait au rez-de-chaussée de la Maison, il essayait une lance immense au bout en forme de feuille, la faisant tournoyer avec art, preuve d'une longue pratique. En comparaison, ses suivants avaient l'air de jouer aux chevaliers, et non d'être de vrais chevaliers. Devin observait leurs gestes maladroits, ils n'empoignaient pas leurs armes correctement.

      “Un homme doit savoir manier les armes qu'il fabrique et dont il se sert,” dit Devin en plongeant la lame qu'il venait de forger dans la trempe. Elle brilla et s'enflamma un moment avant de siffler tandis que l'arme refroidissait lentement.

      Il fabriquait ces lames, qu'il savait parfaites pour un guerrier entraîné. Il vérifia son équilibre, sa flexibilité et sa force, il lui semblait logique qu'un homme soit formé à ces pratiques. Il trouvait cela difficile ; apprendre lui venait facilement, fabriquer des outils parfaits, comprendre à quel moment—

      Son attention fut attirée par un bruit sourd provenant des gentilshommes, occupés à jouer avec les armes, Devin eut le temps d'apercevoir le prince Vars au beau milieu d'armures écroulées. Il regardait méchamment Nem, l'un des garçons travaillant à la Maison des Armes. Nem était ami avec Devin depuis toujours, grand et gras, ce n'était pas une lumière mais de ses mains sortaient les plus fines lames. Devin fut surpris de la violence avec laquelle le prince Vars le poussa.

      “Imbécile !” aboya le prince Vars. “Tu ne peux pas regarder où tu mets les pieds ?”

      “Pardonnez-moi, monseigneur,” répondit Nem, “mais vous m'êtes rentré dedans.”

      Devin eut le souffle coupé, répondre à un gentilhomme était risqué, d'autant plus s'il était saoul. Le prince Vars se releva et asséna une gifle sur l'oreille de Nem, l'envoyant valdinguer parmi les armures. Il cria, le bras en sang, il avait dû tomber sur un objet pointu.

      “Tu oses me répondre ?” lança le prince. “Je viens de te dire que tu m'es rentré dedans, tu me prends pour un menteur ?”

      Un autre que lui se serait fâché ou aurait cherché la bagarre mais Nem était un gentil, malgré sa taille. Il semblait vexé et perplexe.

      Devin hésita un moment, attendant de voir si quelqu'un s'en mêlerait. Aucun suivant du prince Rodry ne fit mine d'intervenir, probablement trop occupés à insulter quelqu'un de plus haut placé qu'eux, bien qu'étant nobles, d'aucuns devaient penser que leur ami méritait une bonne raclée pour ce qu'il avait fait.

      Le prince Rodry maniait la lance à l'autre bout de la Maison, en admettant qu'il ait entendu l'échauffourée s'élevant du vacarme des forgerons au travail et des mugissements de la forge. Gund ne s'en mêlerait pas, le vieil homme avait survécu dans le milieu si particulier de la forge justement en ne se mêlant pas des affaires des autres.

      Devin savait qu'il ferait de même, bien qu'il vit le prince lever de nouveau sa main.

      “Tu vas t'excuser à la fin ?” demanda Vars.

      “J'ai rien fait !” insistait Nem, probablement trop sonné pour se rappeler des règles de la bienséance, son manque d'intelligence n'arrangeait à vrai dire pas les choses. Il croyait à un monde juste, n'avoir rien fait de mal constituait selon lui une excuse valable.

      “Personne ne me parle sur ce ton,” dit le prince Vars avant de frapper Nem. “Je vais t'apprendre les bonnes manières, tu me remercieras quand j'en aurais terminé avec toi. Tu t'es trompé d'adversaire, tu mérites une bonne raclée, ou plutôt, une bonne leçon.”

      Devin savait qu'il ne ferait rien, il n'était pas aussi jeune que Nem, il savait pertinemment comment les choses se passaient. Si un prince de sang vous marchait sur les pieds, vous deviez vous excuser et le remercier de cet honneur. S'il voulait votre meilleure arme, il fallait la lui donner, même s'il ne savait pas s'en servir. Il ne fallait pas s'en mêler, ne pas intervenir, les conséquences pouvaient être gravissimes pour vous et votre famille.

      Devin avait une famille, hors les murs de la Maison des Armes. Il ne voulait pas qu'il leur arrive malheur parce qu'il avait perdu son sang-froid et manqué à ses devoirs. Il ne pouvait pas rester planté là et regarder un gamin se faire massacrer pour les caprices d'un prince ivre. Devin affermit sa prise sur le marteau et l'abattit, prenant sur lui pour ne pas s'en mêler.

      Le prince Vars saisit la main de Nem et la tira de force sur l'enclume.

      “Voyons si tu seras un aussi bon forgeron lorsque ta main sera cassée.” Il prit un marteau qu'il leva, Devin comprit à cet instant précis ce qui se passerait s'il n'intervenait pas. Son cœur battait la chamade.

      Sans réfléchir, Devin plongea et attrapa le bras du prince. Il ne dévia pas le coup de beaucoup mais suffisamment pour qu'il manque la main de Nem et s'abatte sur l'enclume.

      Devin ne le lâcha pas, au cas où le prince s'y reprendrait à deux fois.

      “Quoi ?” lâcha le prince Vars. “Ôte tes sales pattes.”

      Devin luttait pour bloquer sa main ; Devin sentait son haleine avinée.

      “Pas tant que vous continuerez à frapper mon ami,” répondit Devin.

      Attraper le prince suffisait pour lui attirer de graves ennuis, mais il était désormais trop tard.

      “Nem ne comprend pas tout, les armures ne sont pas tombées par sa faute, mais plutôt à cause de l'alcool.”

      “J'ai dit 'retire tes sales pattes',” répéta le prince, sa main se déplaça vers le couteau à sa ceinture.

      Devin le repoussa aussi doucement que possible. Il espérait que les choses s'arrangeraient à l'amiable, bien qu'il ne sache que trop, désormais, ce qui risquait d'arriver.

      “Vous n'allez pas faire ça, Votre Altesse.”

      Vars lui lança un regard noir haineux, le souffle court.

      “Je n'ai pas fait d'erreur, moi, espèce de traître,” gronda le prince Vars, d'une voix n'augurant rien de bon.

      Vars posa son marteau et s'empara d'une épée posée sur un banc, Devin comprit sur le champ qu'il ne savait pas la manier.

      “C'est exact—tu es un traître. Agresser un membre de la famille royale équivaut à une