Джек Марс

Directive Principale


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Coucou, Audrey, dit Luke sans même se retourner.

      Becca se leva et tendit le bébé à Audrey. Elle baissa les yeux vers Luke, le regard dur. Maintenant, sous le coup de ses larmes, elle tremblait de tout son corps.

      — Et si tu meurs ? dit-elle. Nous avons un fils, maintenant.

      — Je sais ça. Je ne vais pas mourir. Comme toujours, je vais faire très attention. Encore plus maintenant, pour Gunner.

      Becca se tenait à côté de sa mère, les mains serrées. Elle ressemblait à un petit enfant qui allait se mettre à hurler au milieu du supermarché. Par contre, sa mère était calme, affectée, auto-satisfaite. Elle berçait le bébé dans ses bras minces d’oiseau et lui roucoulait discrètement des histoires dans la langue des bébés.

      — Tout ira bien, dit Luke. Tout ira bien. Je le sais.

      Soudain, Becca remonta furieusement la petite colline vers la maison. Un moment plus tard, la porte moustiquaire claqua une fois de plus.

      Maintenant, Luke et Audrey se regardaient fixement l’un l’autre. Audrey avait les yeux perçants et prédateurs d’un faucon. Elle ouvrit la bouche.

      Luke leva une main et secoua la tête.

      — Audrey, je vous en prie, ne dites rien.

      Audrey n’en tint pas compte.

      — Un jour, quand vous reviendrez ici, vous n’aurez plus de femme, dit-elle, ni de maison où habiter, d’ailleurs.

      CHAPITRE SIX

      20 h 35, Heure de l’Est

      Le ciel au-dessus de l’Océan Atlantique

      — Rock and roll, dit Mark Swann.

      — Hip-hop, mon gars, dit Ed Newsam. Hip-hop.

      Il tendit sa grosse main au travers de l’allée étroite entre les sièges du petit jet et Swann la lui tapota doucement et lentement. Ensuite, Swann retourna sa propre main et Ed fit mine de lui placer quelques pièces dans la paume. Ils venaient de faire tout le swing des mains entre frères « gimme five, keep the change ».

      Depuis la dernière mission, Newsam et Swann étaient devenus les plus improbables des amis.

      Luke les regardait. Ed se prélassait dans son siège, avec son regard d’acier, énorme, soigneusement vêtu d’un pantalon cargo kaki et d’un tee-shirt EIS moulant. Ed s’occupait des armes et de la stratégie. Ses cheveux et sa barbe étaient coupés ras et les bords étaient parfaitement rectilignes. Son apparence correspondait exactement à ce qu’il était : un homme qu’il valait mieux éviter de contrarier.

      De son côté, Swann ressemblait à tout sauf à un agent fédéral. Il portait des lunettes à monture noire. Ses cheveux formaient une longue queue de cheval. Il portait un tee-shirt qui indiquait DRAPEAU NOIR avec la photo d’un homme qui plongeait d’une scène dans une foule grouillante. Swann avait ses longues jambes étendues dans l’allée, un vieux jean déchiré sur ses jambes maigres et une paire de Chuck Taylor jaune vif. Le tout constituait un obstacle idéal pour empêcher qui que ce soit de passer. Il avait des pieds énormes.

      À l’origine, Swann et Newsam s’étaient liés parce qu’ils aimaient tous les deux Public Enemy, le groupe de rap des années 1980, et parce qu’ils avaient le même sens de l’humour sarcastique. Maintenant, ils avaient trouvé Dieu sait quel autre intérêt commun. L’énergie des jeunes mâles ? Des possibilités infinies ?

      Les hommes étaient heureux et se préparaient à un autre voyage au milieu de nulle part. C’était bien. Il fallait que ces hommes soient parfaitement compétents et aient l’esprit vif.

      De son côté, Luke était beaucoup moins enthousiaste. Il se sentait épuisé, plus sur le plan émotionnel que physique. Évidemment, il était le seul homme ici présent à avoir un nouveau-né, une femme en colère et une belle-mère de connivence avec sa fille. Il était aussi le seul à avoir fait l’aller-retour de trois heures de New-York à l’Eastern Shore.

      De leur côté, Newsam et Swann étaient allés au Red Lobster et paraissaient avoir bu quelques verres tout en mangeant leurs fruits de mer.

      — Êtes-vous prêts à travailler, les gars ? dit Luke.

      Ed haussa les épaules.

      — Depuis ma naissance.

      — Rock and roll, répéta Swann.

      Le jet Lear à six sièges fendait le ciel vers le nord-est. Le jet était bleu foncé et n’avait aucune marque de quelque sorte que ce soit. Ils étaient partis d’un petit aéroport privé situé à l’ouest de la ville vingt minutes auparavant. Cet avion aurait pu être celui d’un PDG en voyage d’affaires ou d’un groupe de gosses riches partis s’amuser en Europe.

      Derrière eux et à leur gauche, le soleil du début de soirée se couchait. Devant eux et à leur droite, la nuit arrivait rapidement.

      À des moments comme celui-là, Luke avait toujours l’impression de plonger dans quelque chose qui le dépassait. Les missions ne l’inquiétaient pas. Il était nerveux, mais il n’avait pas vraiment peur. Il avait vu tant de scènes de combat que très peu de choses le privaient de son assurance. Ce qu’il ne comprenait pas, c’était le contexte.

      Pourquoi ? Pourquoi faisaient-ils ça ? Pourquoi les acteurs principaux faisaient-ils ce qu’ils faisaient ? Pourquoi y avait-il des terroristes et des groupes de terroristes ? Pourquoi la Russie, l’Amérique et de nombreux autres pays s’affrontaient-ils toujours en coulisse, tiraient-ils les ficelles et agissaient-ils comme des éminences grises ?

      Quand il avait été plus jeune, ces questions ne l’avaient jamais préoccupé. La compréhension de la géopolitique ne faisait pas partie de son travail. Il y avait des hommes bons ici et des hommes mauvais là-bas.

      Il avait eu l’habitude de citer inexactement ces vers d’un poème célèbre : « La charge de la brigade légère ». Au lieu de « Ce n’est pas à eux de discuter ni de chercher à comprendre », il avait dit « Ce n’est pas à nous de discuter ni de chercher à comprendre ». Pendant des années, il avait utilisé ces vers comme une sorte de devise.

      Cependant, maintenant, il voulait en savoir plus. Il ne lui suffisait plus de tuer et de mourir pour des raisons que l’on n’expliquait jamais. Peut-être le suicide de Martinez lui avait-il finalement imposé la nécessité du doute.

      Pour le moment, la source de la plus grande partie de ce qu’il savait était une femme qui avait presque dix ans de moins que lui. Il se retourna vers Trudy Wellington, leur agent scientifique et de renseignement, qui était assise une rangée derrière eux.

      Elle était en tenue décontractée : un jean, un tee-shirt bleu et des chaussettes roses. Le tee-shirt avait deux mots courts imprimés sur le devant en petites lettres blanches : Soyez Gentil. Quand ils étaient montés dans l’avion, elle avait enlevé ses tennis. Elle était blottie sur son siège avec un porte-bloc, un dossier épais et un tas de papiers. Elle les lisait attentivement et y marquait des choses avec un stylo. Depuis le décollage, elle avait à peine parlé.

      Elle sentit que Luke la regardait et leva le regard. Elle avait de grands yeux derrière ses lunettes rouges rondes. Elle était belle.

      Trudy … que se passait-il donc dans sa tête ?

      — Oui ? dit-elle.

      Luke sourit.

      — Je me suis dit que vous pourriez nous expliquer ce que nous faisons tous ici. Au briefing, on ne nous a presque rien dit parce que la majorité de ces informations sont ultra-secrètes. Quand Don a accepté la mission, il a dit que vous sauriez ce qui se passait quand nous serions dans l’avion.

      À présent, Ed et Swann les regardaient.

      — Or, officiellement, nous