» avec Issak Mazepa, Panas Fadenko et Ivan Romanchenko, rejoint de façon surprenante par Mykola Porsh15. Durant ce congrès, les délégués ne pouvaient dormir dans leur lit de crainte d'être arrêtés16. Après que leur résolution eût été repoussée [par le congrès], les Nezalezhnyky partirent et lancèrent le journal Chervony Prapor (Drapeau rouge) le 22 janvier17. Il comportait une déclaration rédigée par Tkachenko et Richytsky établissant qu'il fallait maintenant passer « de l'attente passive au combat créatif et actif pour la reconstruction de tout l'ordre socio-politique et économique en Ukraine. »18 Réagissant à la crainte suscitée par la domination des « éléments urbains non ukrainiens », il précisait que « le prolétariat n'est pas entièrement étranger » et affirmait que « en Ukraine il peut et doit prendre le pouvoir de concert avec la paysannerie révolutionnaire »19, expliquant que dans la dynamique de la révolution les travailleurs non-Ukrainiens seraient de plus en plus impliqués dans toutes les formes de la vie interne de l'Ukraine et « se débarrasseraient eux-mêmes des vestiges de la vieille Russie en rejoignant le peuple et le prolétariat ukrainien. »
Khrystiiuk estime que les Nezaleznhyky sont restés liés beaucoup trop longtemps au Directoire20, et qu'en pratique leur approche dans la période allant de décembre 1918 à janvier 1920 a combiné des aspects réformistes et des aspects révolutionnaires. Ils n'avaient pas assez de force pour tirer le Directoire à eux, ni pour mettre en oeuvre leur objectif d'un « gouvernement ouvrier-paysan composé des représentants des partis et groupes reconnaissant le pouvoir des soviets. »21 Pour construire cette unité une réunion des socialistes ukrainiens et non ukrainiens s'est tenue mi-janvier avec la participation des Nezaleznhyky, du Bund, du Parti Socialiste Juif Unifié et des mencheviks internationalistes22, qui ne donna pas de résultats concrets et décida seulement de maintenir le contact « pour défendre la révolution ouvrière et paysanne en Ukraine, promouvoir la lutte nationale, corriger la ligne politique et les fautes tactiques des bolcheviks russes en Ukraine. »23
Les Nezaleznyky tentèrent aussi d'utiliser leurs positions [dans le Directoire] pour imposer une politique de paix avec la Russie soviétique24. Yurko Mazurenko fut nommé pour une mission diplomatique à Moscou le 15 janvier 1919.
« Je déclarai que j'irai à la condition que les décrets sur le transfert du pouvoir local aux soviets et que la convocation d'un congrès des soviets (et non d'un « congrès du travail ») soit lancée immédiatement, et que le parti communiste soit légalisé. Je fus, bien entendu, ostracisé par le Directoire. »25
La gauche affirme que la mission fut sabotée par l'aile droite du Directoire qui publia une déclaration de guerre à la Russie des soviets le 16 janvier 191926. Chekhivsky et Vynnychenko démissionnèrent alors en dénonçant le tournant pro-Entente du gouvernement27. Les Nezaleznhyky tournèrent, s'orientant désormais vers l'insurrection pour établir le pouvoir des soviets par la force sur la base des gardes rouges28. Le principal centre insurrectionnel fut la région de Kyiv ; en congrès à Hryhoriv la division Dniprovska se renomma Première Division du Soviet de Kyiv et élut Danylo Zeleny ataman (commandant) avec son Comité révolutionnaire rejoint par les Nezaleznhyky29.
2.2 La République Ukrainienne Socialiste des Conseils (1919)
Le 4 février 1919 le Directoire de l'UNR quitte Kyiv devant l'avancée des forces soviétiques. Chervony Prapor conclut « le rôle positif du Directoire est terminé »30. Yurii Lapchynsky écrit qu'en 1919 le « mouvement communiste et le pouvoir des Soviets en Ukraine sont engagés dans une situation politique totalement différente de la première période. »31 Les régiments paysans désertent en masse vers les forces adhérents à une plate-forme soviétique ; la situation semble ne jamais avoir été aussi favorable à une convergence des révolutions russe et ukrainienne et à la création d'une république basée sur les conseils avec une pluralité de partis pro-soviets plus viable qu'elle ne l'a jamais été. L'armée rouge entre à Kyiv le 5 février sans opposition, saluée par une déclaration de l'Exécutif du soviet de Kyiv signée des députés Nezaleznhyky, bocheviks et borotbistes actant que « le Directoire a quitté Kyiv et les bataillons rouges des soviets sous la direction du gouvernement ouvrier-paysan d'Ukraine sont entrés dans la ville »32. Mais les Nezaleznhyky n'ont pas abandonné leurs critiques :
« Si le Directoire a stupidement répété une politique dépassée et condamnée par l'histoire, les bolcheviks russes en sont arrivés au même point … Sous le solgan de la lutte pour le pouvoir des soviets arrive un gouvernement qui se proclame ukrainien, mais qui ne l'est pas et ne saurait être décrit comme tel. »33
Le KP(b)U avait de son propre fait constitué en Russie un « gouvernement provisoire ouvrier-paysan d'Ukraine »34 Formé indépendamment du processus révolutionnaire, il fut d'abord dirigé par Iouri Piatakov, ancien dirigeant du POSDR à Kyiv. En 1918 il était un dirigeant des « communistes de gauche » en Ukraine et un opposant à Lénine sur la question nationale – pour Piatakov la révolution [en Ukraine] était plus paysanne que nationale, mais sensible aux réalités locales il vit que l'indépendance était essentielle pour assurer son développement dans le cadre de la révolution ouvrière35. Piatakov fut remplacé en janvier 1919 par Christian Rakovsky36. Mais, malgré leur opposition au gouvernement Rakovsky, les Nezaleznhyky ne refusaient pas de collaborer avec lui. Leur Comité d'Organisation déclare qu'ils sont prêts
« … à entrer dans le gouvernement et à y prendre notre entière responsabilité, seulement si : 1. Tous les organes du gouvernement suprême – pas seulement ukrainien, mais aussi russe – reconnaissent l'indépendance et l'autonomie de la République Socialiste Ukrainienne, 2. Si une orientation clairement nationale et sociale est pris en Ukraine, et si l'ukrainien est la seule langue officielle37.
Rakovsky se présentait lui-même comme un spécialiste de la question ukrainienne ; dans les Izvestia, il avait expliqué que les différences ethniques entre Ukrainiens et Russes étaient insignifiantes, que la paysannerie ukrainienne manquait de conscience nationale et que le prolétariat était purement d'origine russe38. Rakovsky en tirait la conclusion que le mouvement national ukrainien était une pure invention de l'intelligentsia. Sur la base de tels principes, il fonça au désastre. Tkachenko rapporte que lorsque le gouvernement du KP(b)U fut établi :
« Toutes sortes d'éléments nationalistes russes allant des Centuries