Eugène Scribe

Robert le Diable (Robert der Teufel)


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      Vous ne devez jamais la revoir ni l'entendre.

      ROBERT.

      O ciel!

      ALICE.

      Elle n'est plus.

      ROBERT.

      Quoi! ma mère? ô tourment!

      Romance.

      ALICE.

      Premier couplet.

      Va, dit-elle, va, mon enfant,

      Dire au fils qui m'a délaissée

      Qu'il eut la dernière pensée

      D'un cœur qui s'éteint en l'aimant.

      Adoucis sa douleur amère,

      Il ne reste pas sans appui:

      Dans les cieux comme sur la terre,

      Sa mère va prier pour lui.

      Deuxième couplet.

      Dis-lui qu'un pouvoir ténébreux

      Veut le pousser au précipice;

      Sois son bon ange, pauvre Alice,

      Il doit choisir entre vous deux.

      Puisse-t-il fléchir la colère

      Du Dieu qui m'appelle aujourd'hui,

      Et dans les cieux suivre sa mère,

      Sa mère qui priera pour lui!

      ROBERT.

      Je n'ai pu fermer sa paupière!

      ALICE.

      Elle m'a confié sa volonté dernière.

      Un jour, a-t-elle dit,

      Quand il en sera digne, il lira cet écrit.

      Alice se met à genoux et présenta à Robert le testament de sa mère.

      ROBERT.

      Non, je ne le suis pas! non, je me rends justice!

      Plus tard ...Conserve encor ce dépôt, chère Alice.

      Tout m'accable à la fois! En proie à la douleur,

      Je nourris les tourments d'une ardeur inutile.

      ALICE

      Vous aimez?

      ROBERT.

      Sans espoir! Connais tout mon malheur:

      De la princesse de Sicile

      Les charmes ont touché mon cœur;

      Je crus sa conquête facile,

      Je la vis s'attendrir! ...mais troublé, mais jaloux,

      Je voulus l'enlever; j'osai braver son père,

      De tous ses chevaliers je défiai les coups!

      ALICE.

      O ciel!

      ROBERT.

      Je succombais, lorsque, dans la carrière,

      Bertram, un chevalier, mon ami, mon sauveur,

      Aux plus hardis fit mordre la poussière;

      Je lui dus la victoire et perdis le bonheur.

      ALICE.

      Eh quoi! la princesse Isabelle ...

      ROBERT.

      Depuis je n'ai pu la revoir.

      ALICE.

      A ses premiers serments elle sera fidèle.

      ROBERT.

      Et comment le savoir?

      ALICE.

      Demandez-le vous-mêmes;

      Écrivez!

      ROBERT fait un signe; son chapelain sort de la tente et apporte ce qui est nécessaire pour écrire.

      Tu le veux ...Mais qui remettra?

      ALICE.

      Moi! ...

      L'esprit vient aisément quand on sert ceux qu'on aime.

      ROBERT.

      Mon ange tutélaire! Ah! comment envers toi

      Pourrai-je m'acquitter? ...

      Pendant le couplet d'Alice, il dicte un billet au chapelain.

      ALICE.

      Vous le pouvez sans peine.

      De ce pauvre Raimbaut vous connaissez l'amour:

      Souffrez qu'un saint homme en ce jour,

      Près des rochers de Sainte-Irène

      L'unisse avec moi sans retour!

      ROBERT applique le pommeau de son épée sur le billet et le donne à Alice.

      De grand cœur! Tiens.

      Scène V.

      Les Mêmes; Bertram qui vient d'entrer et s'approche de Robert.

      ALICE, l'apercevant et faisant un geste de frayeur. – Bas à Robert.

      Quel est ce sombre personnage?

      ROBERT.

      Le chevalier Bertram, mon plus fidèle ami;

      Pourquoi d'un air d'effroi le regarder ainsi?

      ALICE, tremblante.

      C'est qu'il est en notre village

      Un beau tableau représentant

      L'archange saint Michel qui terrasse Satan,

      Et je trouve ...

      ROBERT.

      Achevez! quel trouble est donc le vôtre?

      ALICE, bas à Robert.

      Qu'il ressemble ...

      ROBERT, souriant.

      A l'archange.

      ALICE, de même.

      Eh! non vraiment ... à l'autre.

      ROBERT, bas.

      Quelle folie

       Haut.

      Allez, et qu'un hymen heureux,

      Ce soir, mes bons amis, vous unisse tous deux!

      Alice