VIII
PÉRENNITÉ DE L'IMAGE DE BÉATRICE
A M. CHARLES DEJOB
MAÎTRE DE CONFÉRENCES A LA FACULTÉ DES LETTRES
FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES ITALIENNES
Hommage
de grande estime et de vive affection.
MAX. DURAND FARDEL.
Octobre 1897.
PRÉFACE
La Vita nuova est un roman d'amour, hymne de l'amour glorieux, lamento de l'amour brisé. C'est aussi un roman psychologique, qui diffère de ceux qu'affectionne notre littérature contemporaine par l'élévation et la pureté des sentiments exprimés et le silence gardé sur les sensations éprouvées.
C'est encore un livre de mémoire où le poète retrace, presque jour par jour, les impressions nouvelles et naïves d'une âme que le contact du monde n'avait encore qu'à peine effleurée.
Si la Divine Comédie n'est que bien imparfaitement connue en France, et si, à la plupart de ceux-là mêmes qui la lisent dans sa langue, elle n'est à proprement parler familière que dans une partie de sa vaste conception, on peut dire que la Vita nuova est inconnue chez nous. Nous sommes bien habitués à unir le doux nom de Béatrice au grand nom de Dante, mais c'est tout.
La Bibliothèque nationale ne possède que deux traductions de la Vita nuova. L'une et l'autre se trouvent enfouies et sont demeurées très ignorées, dans une traduction de la Divine Comédie: l'une de Delescluze, annexée à une traduction de la Comédie de Brizeux (1891), dépourvue de notes ou commentaires, l'autre de Séb. Rhéal, celle-ci très incomplète.[1]
La Vita nuova n'est pas, comme la Divine Comédie, une création fantastique et sibylline, sortie tout entière d'une des imaginations les plus extraordinaires qui se soient imposées à là postérité. C'est une histoire vraie dont la forme romanesque ne fait qu'ajouter à la puissance de vie qui l'anime.
C'est l'histoire, enfantine d'abord, puis romanesque, puis pathétique, de doux amants du treizième siècle. Elle nous permet de plonger nos regards dans une époque curieuse, mal connue, époque de transition entre le crépuscule mourant du moyen âge et l'aurore naissante de la Renaissance.
Si, dans la traduction que j'ai publiée de la Divine Comédie[2] j'ai cru, à tort ou à raison, pouvoir changer la forme du récit tout en gardant l'intégrité du texte conservé, et en éliminer seulement des formes scolastiques et des détails topographiques et historiques qui ne pouvaient que la rendre difficile et confuse au lecteur français, et n'étaient propres à toucher que les compatriotes du poète, la traduction que je viens offrir de la Vita nuova est absolument littérale.
Cette publication m'a été conseillée, comme mes autres études sur la Divine Comédie et sur la personne de Dante, par le désir de vulgariser dans notre pays l'oeuvre du grand Italien, dont le nom a conquis l'immortalité, tandis que les produits de son génie sont à peine connus chez nous, en dehors d'un cercle bien restreint de lecteurs et d'admirateurs.
La Vita nuova est une oeuvre pleine de charme, et suggestive au plus haut point. C'est une oeuvre humaine, dont l'intérêt ne