de l'homme.—L'œuf de l'homme, comme celui de tous les autres Métazoaires, est une simple cellule et cette petite cellule sphérique (qui n'a que 0,2 millimètres de diamètre) a la même structure caractéristique que chez tous les autres mammifères vivipares. La petite masse protoplasmique, en effet, est entourée d'une épaisse membrane transparente, présentant de fines stries radiales: la zone pellucide, la petite vésicule germinative, elle aussi (le noyau cellulaire), incluse à l'intérieur du protoplasma (corps cellulaire) présente la même grandeur et la même structure que chez les autres Mammifères. On en peut dire autant des spermatozoïdes ou filaments spermatiques, animés de mouvements, du mâle, de ces minuscules cellules flagellées en forme de filaments et qu'on trouve par millions dans chaque gouttelette du sperme muqueux du mâle; on les avait pris autrefois, à cause de leurs mouvements rapides, pour des animalcules spermatiques spéciaux: les spermatozaires. L'apparition de ces deux importantes cellules sexuelles dans la glande sexuelle (gonade), se fait, elle aussi de la même façon chez l'homme et chez les autres Mammifères; les œufs dans l'ovaire de la femme (ovarium) aussi bien que les spermatozoïdes dans le testicule de l'homme (spermarium) se produisent partout de la même façon: ils dérivent de cellules, provenant originairement de l'épithélium cœlomique, de cette assise cellulaire qui revêt la cavité du corps.
Conception. Fécondation.—Le moment le plus important dans la vie de tout homme (comme de tout autre Métazoaire) c'est celui où commence son existence individuelle; c'est l'instant où les deux cellules sexuelles des parents se rencontrent et se fusionnent pour former une cellule unique. Cette nouvelle cellule, l'«ovule fécondé», est la cellule souche individuelle (cytula) dont proviendront, par des divisions successives, les cellules des feuillets germinatifs, et la gastrula. C'est seulement avec la formation de cette cytula, c'est-à-dire avec le processus de la fécondation lui-même, que commence l'existence de la personne, de l'individualité indépendante. Ce fait ontogénétique est essentiellement important, car de lui seul, déjà, on peut tirer des conséquences d'une portée immense. Et d'abord il s'en suit, ainsi qu'on le voit clairement, que l'homme, ainsi que tous les autres Métazoaires, tient toutes ses qualités personnelles, corporelles et intellectuelles, de ses deux parents qui les lui ont transmises en vertu de l'hérédité; il s'ensuit, en outre, qu'une certitude s'impose à nous, grosse de conséquences: c'est que la nouvelle personne, qui doit son origine à ces phénomènes, ne peut absolument pas prétendre à être immortelle.
Les détails du processus de fécondation et de reproduction sexuée, en général, prennent par suite une importance capitale; ils ne nous sont connus, avec toutes leurs particularités, que depuis 1875, depuis qu'Oscar Hertwig (alors mon élève et mon compagnon de voyage à Ajaccio) ouvrit la voie aux recherches ultérieures par celles qu'il fit sur la fécondation des œufs d'oursins. La belle capitale de l'île des romarins, où Napoléon naquit en 1769, est en même temps l'endroit où furent observés pour la première fois avec exactitude, et dans leurs moindres détails, les secrets de la fécondation animale. Hertwig trouva que le seul phénomène essentiel était la fusion des deux cellules sexuelles et de leurs noyaux. Parmi les millions de cellules flagellées mâles qui se pressent en essaim autour de l'ovule femelle, un seul pénètre dans le corps protoplasmique. Les noyaux des deux cellules (noyau du spermatozoïde et noyau de l'ovule), sont attirés l'un vers l'autre par une force mystérieuse considérée comme une activité sensorielle chimique, analogue à l'odorat: les deux noyaux s'approchent ainsi l'un de l'autre et se fusionnent. Ainsi, grâce à une impression sensible des deux noyaux sexuels et par suite d'un chimiotropisme érotique, il se produit une nouvelle cellule qui réunit en elle les qualités héréditaires des deux parents; le noyau du spermatozoïde transmet les caractères paternels, celui de l'ovule les caractères maternels à la cellule souche aux dépens de laquelle le germe se développe; cette transmission vaut aussi bien pour les qualités corporelles que pour ce qu'on appelle les qualités de l'âme.
Ebauche de l'embryon humain.—La formation des feuillets germinatifs par division répétée de la cellule souche, l'apparition de la gastrula et des formes embryonnaires issues d'elle, tout cela se produit chez l'homme absolument de la même manière que chez les Mammifères supérieurs, avec les mêmes détails caractéristiques qui différencient ce groupe de celui des Vertébrés inférieurs. Dans les premières périodes du développement embryologique, ces caractères propres des Placentaliens ne se distinguent pas encore. La forme très importante de la chordula ou «larve chordale», qui suit immédiatement le stade gastrula, présente chez tous les Vertébrés les mêmes traits essentiels: une simple baguette axiale, la chorda, s'étend tout droit suivant le grand axe du corps qui est ovale, en forme de bouclier («bouclier germinatif»); au-dessus de la chorda se développe, aux dépens du feuillet externe, la moelle épinière; au-dessous de la chorda le tube digestif. C'est alors seulement qu'apparaissent des deux côtés, à droite et à gauche de la baguette axiale, la chaîne des «vertèbres primitives», et l'ébauche des plaques musculaires avec lesquelles commence la segmentation du corps. Devant, sur la face intestinale, apparaissent de chaque côté les fentes branchiales, ouvertures du pharynx par lesquelles à l'origine, chez nos ancêtres les poissons, l'eau nécessaire à la respiration et avalée par la bouche ressortait ainsi sur les côtés. Par suite de la ténacité de l'hérédité, ces fentes branchiales, qui n'avaient d'importance que chez les formes ancestrales aquatiques, c'est-à-dire chez les animaux voisins des poissons, apparaissent aujourd'hui encore chez l'homme, comme chez tous les autres Vertébrés; elles disparaissent par la suite. Même après l'apparition, dans la région de la tête, des cinq vésicules cérébrales, après que, sur les côtés, les yeux et les oreilles se sont ébauchés, après que, dans la région du tronc, les rudiments des deux paires de membres ont fait saillie sous forme de bourgeons ronds un peu aplatis, même alors, l'embryon humain, en forme de poisson, est encore si semblable à celui de tous les Vertébrés, qu'on ne peut pas l'en distinguer.
Identité entre les embryons de tous les Vertébrés.—L'identité sur tous les points essentiels entre l'embryon humain et celui des autres Vertébrés, à ces premiers stades de la formation et tant en ce qui concerne la forme extérieure du corps que la structure interne—est un fait embryologique de première importance; on en peut déduire, en vertu de la grande loi biogénétique, des conséquences capitales. Car on ne peut pas l'expliquer autrement qu'en admettant qu'il y a eu hérédité à partir d'une forme ancestrale commune. Lorsque nous constatons qu'à un certain stade, l'embryon de l'homme et celui du singe, celui du chien et celui du lapin, celui du porc et celui du mouton, quoiqu'on les puisse reconnaître appartenir à des Vertébrés supérieurs, ne peuvent cependant pas être distingués l'un de l'autre, le fait ne nous semble pouvoir être expliqué que par une origine commune. Et cette explication se confirme si nous observons les différences, les divergences qui surviennent ensuite entre ces formes embryonnaires. Plus deux formes animales sont voisines dans l'ensemble de leur conformation et par suite dans la classification naturelle, plus aussi leurs embryons se ressemblent longtemps, plus aussi dépendent étroitement l'un de l'autre les deux groupes de l'arbre généalogique auxquels se rattachent ces deux formes: plus est proche leur «parenté phylogénétique». C'est pourquoi les embryons de l'homme et des singes anthropoïdes restent encore très semblables par la suite, à un degré très avancé de développement où les différences qui les distinguent des embryons des autres Mammifères sont immédiatement reconnaissables. J'ai exposé ce fait essentiel, tant dans mon Histoire de la Création naturelle (1898, tabl. 2 et 3) que dans mon Anthropogénie (1891, tabl. 6 à 9) en rapprochant, pour un certain nombre de Vertébrés, les stades correspondants du développement.
Les enveloppes embryonnaires chez l'homme.—La haute importance phylogénétique de la ressemblance dont nous venons de parler ressort non seulement de la comparaison des embryons de Vertébrés en eux-mêmes, mais aussi de celle de leurs enveloppes. Les trois classes supérieures de Vertébrés, en effet (Reptiles, Oiseaux et Mammifères) se distinguent des classes inférieures par la formation d'enveloppes embryonnaires caractéristiques: l'amnion (peau aqueuse) et le sérolemme (peau séreuse). L'embryon est inclus à l'intérieur de ces sacs pleins