toutes les plaisanteries plus ou moins grivoises qui avaient cours à la fin du XVIIIe siècle. L'abbé Peyreuc se défendait et défendait «la religion» sérieusement. Tout le monde riait, surtout le général, qui méprisait «la prêtraille» et n'admettait le prêtre qu'individuellement «parce que, malgré tout, il y en a de bons: l'abbé, par exemple, qui est bien le meilleur homme que je connaisse.»
Mais au dessert ce que je craignais arriva: un mot dit en l'air par le négociant nous fit verser dans la politique, et instantanément nous y fûmes plongés jusqu'au cou.
—Il paraît qu'on a encore découvert des complots, dit M. Garagnon.
—On en découvrira tant que nous n'aurons pas un gouvernement assuré du lendemain, répliqua M. de Solignac; tant que les partis ne se sentiront pas impuissants, ils s'agiteront, surtout les républicains, qui croient toujours qu'on veut leur voler leur République. Ces gens-là sont comme ces mères de mélodrame à qui l'on «a volé leur enfant.»
Pendant que M. de Solignac s'exprimait ainsi, je remarquai en lui une particularité qui me parut tout à fait caractéristique. C'était à M. Garagnon qu'il répondait et il s'était tourné vers lui; mais, bien que par ses paroles, par la direction de la tête, par les gestes, il s'adressât au négociant, par ses regards circulaires, qui allaient rapidement de l'un à l'autre, il s'adressait à tout le monde. Cette façon de quêter l'approbation me frappa.
—Voilà qui prouve, conclut le général, qu'il nous faut au plus vite le rétablissement de l'empire, ou bien nous retombons dans l'anarchie.
—Je crois que la conclusion du général, reprit M. de Solignac, est maintenant généralement adoptée; je ne dis pas qu'elle le soit par tout le monde,—le regard circulaire s'arrondit jusqu'à moi,—mais elle l'est par la majorité du pays. Ce n'est plus qu'une affaire de temps.
—Et comment croyez-vous que cela se produira? demanda l'abbé Peyreuc.
—Ah! cela, bien entendu, je n'en sais rien. Mais peu importent la forme et les moyens. Quand une idée est arrivée à point, elle se fait jour fatalement; quelques obstacles qu'elle rencontre, elle les perce pour éclore.
—Vous prévoyez donc des obstacles? demanda l'abbé Peyreuc, qui décidément tenait à pousser à fond la question.
—Il faut toujours en prévoir.
—C'est là ce qui fait le bon officier, dit le général; il voit la résistance qu'on lui opposera, et il s'arrange de manière à l'enfoncer.
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