François Villon

Œuvres complètes de François Villon


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et dépourvus d'argent comme lui, il adopta leurs moeurs et façons de vivre. Bientôt il devint leur chef et leur providence9. Les Repues franches, singulier monument élevé à sa gloire par quelqu'un de ses disciples, nous font connaître par quelles combinaisons ingénieuses lui et ses compagnons se procuraient les moyens de mener joyeuse vie. Leurs friponneries étaient tout à fait dans les moeurs du temps, et ne dépassaient sans doute pas les proportions de ce qu'on serait volontiers tenté d'appeler des bons tours; mais ils étaient sur une pente glissante, et la justice n'entendait pas raillerie.

      C'estoit la mère nourricière

      De ceux qui n'avoient point d'argent;

      A tromper devant et derrière

      Estoit un homme diligent. (P. 190.)

      Rien ne prouve cependant que Villon ait eu maille à partir avec elle à cause de ses entreprises sur le bien d'autrui. On a parlé de ses deux procès: il en eut au moins trois, bien constatés par ses oeuvres, et le premier, qu'on n'avait pas fait ressortir jusqu'à présent, est le seul dont le sujet soit indiqué d'une manière certaine. C'est la suite d'une affaire d'amour.

       Quoy que je luy voulsisse dire,

      Elle estoit preste d'escouter, etc. (P. 47.)

       ... qui partout m'appelle

      L'amant remys et renié. (P. 48.)

       Quant chicanner me feit Denise,

      Disant que je l'avoye mauldite. P. 69.

       J'en fus batu, comme à ru telles,

      Tout nud... (P. 46, v. 24-25.)

      C'est à la suite de cette sentence que Villon, décidé à quitter Paris, composa les Lays ou legs auxquels on a donné depuis le titre de Petit Testament.

       On ne m'eust, parmi ce drapel,

      Faict boyre à celle escorcherie.

      Quoi qu'il en soit, Villon ne partagea pas leur sort. Il est vrai qu'il ne négligea rien pour se tirer d'affaire: il appela de la sentence, ce qui lui valut quelque répit; puis, du moins ceci paraît certain, à l'occasion de la naissance d'une princesse qu'il appelle Marie, il implora la protection du père de cette princesse. Cette démarche lui réussit: le prince intercéda pour lui, et le Parlement commua sa peine en celle du bannissement. Villon se montra pénétré de reconnaissance. Il adressa une requête au Parlement, pour lui rendre grâces autant que pour lui demander un délai de trois jours pour quitter Paris, et il composa pour la princesse qui venait de naître des vers pleins de sentiment. M. Prompsault a cru que cette princesse était Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, née le 13 février 1457; mais c'était une erreur. M. Auguste Vitu, qui prépare depuis nombre d'années une édition de Villon, a reconnu qu'il s'agissait de Marie d'Orléans, fille du poète Charles d'Orléans, née le 19 décembre 1457, et M. Campeaux a clairement démontré que cette opinion était fondée.

      A partir du moment où Villon quitte Paris, en exécution de l'arrêt du Parlement, nous perdons sa trace jusqu'en 1461. A cette époque nous le trouvons dans les prisons de Meung-sur-Loire, où le détient Thibault d'Aussigny, évêque d'Orléans. Quel nouveau méfait lui reprochait-on? Ceux qui supposent qu'il avait