Guillaume Villon, p. 9, 53; Jean Cotard, p. 22, 58; Louis XI, p. 23, 24; le Parlement, P. 103; Marie d'Orléans, p. 105, 107; le duc de Bourbon, p. 114.
Note 28: (retour) Ces deux vers de la page 34:
Et Jehanne, la bonne Lorraine,
Qu'Anglois brulèrent à Rouen,
lui font d'autant plus d'honneur qu'à l'époque où il les écrivit des gens éclairés regardaient Jeanne d'Arc comme sorcière, et les Anglais avaient en France de nombreux partisans.
Note 29: (retour) Grand Testament, huitain XXVI et suiv.
Puis, quelle influence n'eut-elle pas sur le talent du poète30! Formé, comme on dit aujourd'hui, à l'école du malheur, il vit les choses sous leur vrai jour, et il entra dans une voie tout à fait nouvelle. Il rompit en visière à l'Allégorie, qui régnait alors en souveraine, à toutes les afféteries de la poésie rhétoricienne cultivée par les beaux esprits du temps. Il fut le premier poète réaliste. Que l'on compare avec ses autres oeuvres les quelques pièces qu'il a composées selon la poétique de ses contemporains, la Ballade Villon (p. 109), la Requeste au Parlement (p. 103), et d'autres, et l'on ne sera point tenté de «regretter, avec Clément Marot, qu'il n'ait pas été «nourry en la court des rois et princes, où les jugemens s'amendent et les langaiges se pollissent,» car il y eût certainement plus perdu que gagné.
Note 30: (retour)
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote,
M'ouvrist plus que tous les Commens
D'Averroys sur Aristote. (P. 25.)
M. A. de Montaiglon a parfaitement caractérisé le rôle de Villon dans la poésie française. Je ne puis mieux faire que de lui emprunter ces quelques lignes:
«... Au moment où parut Villon, la littérature française en était précisément à cette période de transformation; de la poésie générale elle passait à la poésie personnelle; ses contemporains, subissant à leur insu cette phase littéraire, s'essayaient à l'individualité avec plus d'effort que de bonheur; Villon l'atteignit du premier coup. Sa force est là, et sa valeur s'augmente de l'intérêt que, sous ce rapport, offraient ses oeuvres. Elle est tellement saisissante qu'elle a été reconnue de tous, et le succès qui l'accueillit ne s'arrêta pas. François Ier lui fit l'honneur d«faire faire une édition de ses poésies par Clément Marot, qui le combla de ses louanges. Un peu plus tard, il est vrai, l'école de Ronsard protesta. Pasquier condamne Villon, et Du Verdier s'émerveille que Marot ait osé «louer un si goffe ouvrier et faire cas de ce qui ne vaut rien.» Cela marque moins un manque de goût que la force partiale du préjugé; la Pléiade, qui est en réalité aussi aristocratique que savante, ne pouvait admirer Villon sans se condamner elle-même; mais, ce moment passé, le charme recommence: Regnier est un disciple de Villon; Patru le loue; Boileau a senti quel était son rang; La Fontaine l'admire; Voltaire l'imite; les érudits littéraires du XVIIe et du XVIIIe siècle, Colletet, le P. Du Cerceau, l'abbé Massieu, l'abbé Goujet, parlent de lui comme il convient, en même temps que Coustelier et Formey le réimpriment, que La Monnoye l'annote, et que Lenglet-Dufresnoy prépare une nouvelle édition. De nos jours, une justice encore plus éclatante lui a été rendue. L'édition de Prompsault, à laquelle M. Lacroix est venu ajouter, pourrait être acceptée comme définitive, au moins quant au texte, si M. Vitu n'en promettait une, qui, en profitant des précédentes, donnera sans doute le dernier mot. Tous ceux qui ont parlé incidemment de Villon, MM. Sainte-Beuve, Saint-Marc Girardin, Chasles, Nisard, Geruzez, Demogeot, Génin, et d'autres encore, l'ont bien caractérisé. En même temps qu'eux, M. Daunou a écrit sur notre poète une longue étude, insérée dans le Journal des Savants, et M. Théophile Gautier, dans l'ancienne Revue française, des pages vives, aussi justes que pleines de verve, qui ont été recueillies dans ses Grotesques. Enfin, en 1850 M. Profillet, et en 1856 un professeur allemand, M. Nagel, ont pris Villon pour sujet d'un travail spécial; l'année dernière (1859), M. Campeaux lui a consacré un excellent travail, auquel, pour être meilleur, il ne manque peut-être qu'une plus ancienne et plus familière connaissance des alentours. Tous sont, avec raison, unanimes à reconnaître l'originalité, la valeur aisée et puissante, la force et l'humanité de la poésie de Villon. Pour eux tous, et ce jugement est aujourd'hui sans appel, Villon n'est pas seulement le poète supérieur du XVe siècle, mais il est aussi le premier poète, dans le vrai sens du mot, qu'ait eu la France moderne, et il s'est écoulé un long temps avant que d'autres fussent dignes d'être mis à côté de lui. L'appréciation est maintenant juste et complète; d'autres viendront qui le loueront avec plus ou moins d'éclat et de talent, qui le jugeront avec une critique plus ou moins solide ou brillante; mais désormais les traits de la figure de Villon sont arrêtés de façon à ne plus changer, et ceux qui entreprendront d'y revenir ne pourront rester dans la vérité qu'à la condition de s'en tenir aux mêmes contours.»
Plus loin, M. A. de Montaiglon, passant légèrement sur le Petit Testament, «qui n'est que spirituel, » et sur quelques pièces qu'il regrette de trouver dans le Grand Testament, ajoute:
«Ce n'est pas là qu'il faut chercher Villon, mais dans la partie populaire et humaine de son oeuvre. On ne dira jamais assez à quel point le mérite de la pensée et de la forme y est inestimable. Le sentiment en est étrange, et aussi touchant que pittoresque dans sa sincérité; Villon peint presque sans le savoir, et en peignant il ne pallie, il n'excuse rien; il a même des regrets, et ses torts, qu'il reconnaît en se blâmant, mais dont il ne peut se défendre, il ne les montre que pour en détourner. Je connais même peu de leçons plus fortes que la ballade: Tout aux tavernes et aux filles. La bouffonnerie, dans ses vers, se mêle à la gravité, l'émotion à la raillerie, la tristesse à la débauche; le trait piquant se termine avec mélancolie; le sentiment du néant des choses et des êtres est mêlé d'un burlesque soudain qui en augmente l'effet. Et tout cela est si naturel, si net, si franc, si spirituel; le style suit la pensée avec une justesse si vive, que vous n'avez pas le temps d'admirer comment le corps qu'il revêt est habillé par le vêtement. C'est bien mieux que l'esprit bourgeois, toujours un peu mesquin, c'est l'esprit populaire que cet enfant des Halles, qui écrivait: Il n'est bon bec que de Paris, a recueilli dans les rues et qu'il épure en l'aiguisant. Il en a le sentiment, il en prend les mots, mais il les encadre, il les incruste dans une phrase si vive, si nette, si bien construite, si énergique ou si légère, que cette langue colorée reçoit de son génie l'élégance et même le goût, sans rien perdre de sa force. Il a tout: la vigueur et le charme, la clarté et l'éclat, la variété et l'unité, la gravité et l'esprit, la brièveté incisive du trait et la plénitude du sens, la souplesse capricieuse et la fougue violente, la qualité contemporaine et l'éternelle humanité. Il faut aller jusqu'à Rabelais pour trouver un maître qu'on puisse lui comparer, et qui écrive le français avec la science et l'instinct, avec la pureté et la fantaisie, avec la grâce délicate et la rudesse souveraine que l'on admire dans Villon, et qu'il a seul parmi les gens de son temps...»
On ne connaît certainement pas la totalité des oeuvres de Villon, du moins sous son nom. Il est évident que le Petit Testament n'est pas son coup d'essai. Lors de son second procès, en 1457, il était probablement connu par d'autres compositions. Sans cela, il est douteux