je vous ay exposé sur la marge, avecques les annotations, ce qui m'a semblé le plus dur à entendre, laissant le reste à vos promptes intelligences, comme ly Roys pour le Roy, homs pour homme, compaing pour compaignon; aussi force pluriers pour singuliers, et plusieurs autres incongruitez dont estait plain le langaige mal lymé d'icelluy temps.
Après, quand il s'est trouvé faulte de vers entiers, j'ay prins peine de les refaire au plus près (selon mon possible) de l'intention de l'autheur, et les trouverez expressément marquez de cette marque f, afin que ceulx qui les sçauront en la sorte que Villon les fist effacent les nouveaulx pour faire place aux vieulx.
Oultre plus, les termes et les vers qui estaient interposez, trouverez reduictz en leurs places; les lignes trop courtes, allongées; les trop longues acoursies; les mots obmys, remys; les adjoutez ostez, et les tiltres myeulx attiltrez.
Finalement, j'ay changé l'ordre du livre, et m'a semblé plus raisonnable de le faire commencer par le Petit Testament, d'autant qu'il fut faict cinq ans avant l'autre.
Touchant le Jargon, je le laisse à corriger et exposer aux successeurs de Villon en l'art de la pinse et du croq.
Et si quelqu'un d'adventure veult dire que tout ne soit racoustré ainsi qu'il appartient, je luy respons dès maintenant que, s'il estait autant navré en sa personne comme j'ay trouvé Villon blessé en ses Oeuvres, il n'y a si expert chirurgien qui le sceust panser sans apparence de cicatrice; et me suffira que le labeur qu'en ce j'ay employé soit agréable au Roy mon souverain, qui est cause et motif de ceste emprise et de l'exécution d'icelle, pour l'avoir veu voulentiers escouter et par très bon jugement estimer plusieurs passages des Oeuvres qui s'ensuyvent.
MAROT
AU ROY FRANÇOIS Ier.
Si à Villon on treuve encor à dire,
S'il n'est reduict ainsi qu'ay prétendu,
A moy tout seul en soit le blasme (Sire),
Qui plus y ay travaillé qu'entendu;
Et s'il est mieux en son ordre estendu
Que paravant, de sorte qu'on l'en prise,
Le gré à vous en doyt estre rendu,
Qui fustes seul cause de l'entreprise.
LE
PETIT TESTAMENT
DE MAISTRE
FRANÇOIS VILLON
FAIT L'AN 1456.
Mil quatre cens cinquante et six,
Je, François Villon, escollier,
Considérant, de sens rassis,
Le frain aux dents, franc au collier,
Qu'on doit ses oeuvres conseiller,
Comme Vegèce le racompte,
Saige Romain, grand conseiller,
Ou autrement on se mescompte.
II.
En ce temps que j'ay dit devant,
Sur le Noël, morte saison,
Lorsque les loups vivent de vent,
Et qu'on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison:
Cy me vint vouloir de briser
La très amoureuse prison
Qui souloit mon cueur desbriser.
III.
Je le feis en telle façon,
Voyant Celle devant mes yeulx
Consentant à ma deffaçon,
Sans ce que jà luy en fust mieulx;
Dont je me deul et plains aux cieulx,
En requérant d'elle vengence
A tous les dieux venerieux,
Et du grief d'amours allégence.
IV.
Et, se je pense à ma faveur,
Ces doulx regrets et beaulx semblans
De très decepvante saveur,
Me trespercent jusques aux flancs:
Bien ilz ont vers moy les piez blancs
Et me faillent au grant besoing.
Planter me fault autre complant
Et frapper en un autre coing.
V.
Le regard de Celle m'a prins,
Qui m'a esté félonne et dure;
Sans ce qu'en riens aye mesprins,
Veult et ordonne que j'endure
La mort, et que plus je ne dure.
Si n'y voy secours que fouir.
Rompre veult la dure souldure,
Sans mes piteux regrets ouir!
VI.
Pour obvier à ses dangiers,
Mon mieulx est, ce croy, de partir.
Adieu! Je m'en voys à Angiers,
Puisqu'el ne me veult impartir
Sa grace, ne me departir.
Par elle meurs, les membres sains;
Au fort, je meurs amant martir,
Du nombre des amoureux saints!
VII.
Combien que le départ soit dur,
Si fault-il que je m'en esloingne.
Comme mon paouvre sens est dur!
Autre que moy est en queloingne,
Dont onc en forest de Bouloingne
Ne fut plus alteré d'humeur.
C'est pour moy piteuse besoingne:
Dieu en vueille ouïr ma clameur!
VIII.
Et puisque departir me fault,
Et du retour ne suis certain:
Je ne suis homme sans deffault,
Ne qu'autre d'assier ne d'estaing.
Vivre aux humains est incertain,
Et après mort n'y a relaiz:
Je m'en voys en pays loingtaing;
Si establiz ce présent laiz.
IX.
Premièrement, au nom du Père,
Du Filz et du Saint-Esperit,
Et de la glorieuse Mère
Par qui grace riens ne périt,
Je laisse, de par Dieu, mon bruit
A maistre Guillaume Villon,
Qui en l'honneur de son nom bruit,
Mes tentes et mon pavillon.
X.
A celle