François Villon

Œuvres complètes de François Villon


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oppression d'oubliance,

      Qui en moy s'estoit espartie

      Pour montrer des sens l'alliance.

      XXXIX.

      Puis, mon sens qui fut à repos

      Et l'entendement desveillé,

      Je cuide finer mon propos;

      Mais mon encre estoit gelé,

      Et mon cierge estoit souflé.

      De feu je n'eusse pu finer.

      Si m'endormy, tout enmouflé,

      

      Et ne peuz autrement finer.

      XL

      Fait au temps de ladicte date,

      Par le bon renommé Villon,

      Qui ne mange figue ne date;

      Sec et noir comme escouvillon,

      Il n'a tente ne pavillon

      Qu'il n'ayt laissé à ses amys,

      Et n'a mais qu'un peu de billon,

      Qui sera tantost à fin mys.

      CY FINE LE TESTAMENT VILLON.

      CY COMMENCE LE GRANT TESTAMENT

      DE

      FRANÇOIS VILLON

      FAIT EN 1461.

      I.

      En l'an trentiesme de mon aage,

      Que toutes mes hontes j'eu beues,

      Ne du tout fol, ne du tout sage.

      Nonobstant maintes peines eues,

      Lesquelles j'ay toutes receues

      Soubz la main Thibault d'Aussigny.

      S'evesque il est, seignant les rues,

      Qu'il soit le mien je le regny!

      II.

      Mon seigneur n'est, ne mon evesque;

      Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;

      Foy ne luy doy, ne hommage avecque;

      Je ne suis son serf ne sa biche.

      Peu m'a d'une petite miche

      Et de froide eau, tout ung esté.

      Large ou estroit, moult me fut chiche.

      Tel luy soit Dieu qu'il m'a esté.

      III.

      Et, s'aucun me vouloit reprendre

      Et dire que je le mauldys,

      Non fais, si bien me sçait comprendre,

      Et rien de luy je ne mesdys.

      Voycy tout le mal que j'en dys:

      S'il m'a esté misericors,

      Jésus, le roy de paradis,

      Tel luy soit à l'âme et au corps!

      IV.

      S'il m'a esté dur et cruel

      Trop plus que cy ne le racompte,

      Je vueil que le Dieu éternel

      Luy soit doncq semblable, à ce compte!...

      Mais l'Eglise nous dit et compte

      Que prions pour nos ennemis;

      Je vous dis que j'ay tort et honte:

      Tous ses faictz soient à Dieu remis!

      V.

      Si prieray Dieu de bon cueur,

      Pour l'âme du bon feu Cotard.

      Mais quoy! ce sera doncq par cueur,

      Car de lire je suys faitard.

      Prière en feray de Picard;

      S'il ne le sçait, voise l'apprandre,

      S'il m'en croyt, ains qu'il soit plus tard

      A Douay, ou à Lysle en Flandre!

      VI.

      Combien souvent je veuil qu'on prie

      Pour luy, foy que doy mon baptesme,

      Obstant qu'à chascun ne le crye,

      Il ne fauldra pas à son esme.

      Au Psaultier prens, quand suys à mesme,

      Qui n'est de beuf ne cordoen,

      Le verset escript le septiesme

      Du psaulme de Deus laudem.

      VII.

      Si pry au benoist Filz de Dieu,

      Qu'à tous mes besoings je reclame,

      Que ma pauvre prière ayt lieu

      Verz luy, de qui tiens corps et ame,

      Qui m'a préservé de maint blasme

      Et franchy de vile puissance.

      Loué soit-il, et Nostre-Dame,

      Et Loys, le bon roy de France!

      VIII.

      Auquel doint Dieu l'heur de Jacob,

      De Salomon l'honneur et gloire;

      Quant de prouesse, il en a trop;

      De force aussi, par m'ame, voire!

      En ce monde-cy transitoire,

      Tant qu'il a de long et de lé;

      Affin que de luy soit memoire,

      Vive autant que Mathusalé!

      IX.

      Et douze beaulx enfans, tous masles,

      Veoir, de son très cher sang royal,

      Aussi preux que fut le grand Charles,

      Conceuz en ventre nuptial,

      Bons comme fut sainct Martial.

      Ainsi en preigne au bon Dauphin;

      Je ne luy souhaicte autre mal,

      Et puys paradis à la fin.

      X.

      Pour ce que foible je me sens,

      Trop plus de biens que de santé,

      Tant que je suys en mon plain sens,

      Si peu que Dieu m'en a presté,

      Car d'autre ne l'ay emprunté,

      J'ay ce Testament très estable

      Faict, de dernière voulenté,

      Seul pour tout et irrévocable:

      XI.

      Escript l'ay l'an soixante et ung,

      Que le bon roy me délivra

      De la dure prison de Mehun,

      Et que vie me recouvra,

      Dont suys, tant que mon cueur vivra,

      Tenu vers luy me humilier,

      Ce que feray jusqu'il mourra:

      Bienfaict ne se doibt oublier.

       Icy commence Villon à entrer en matière