François Villon

Œuvres complètes de François Villon


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saisit sans exception.

      XL.

      Et mourut Paris et Hélène.

      Quiconques meurt, meurt à douleur.

      Celluy qui perd vent et alaine,

      Son fiel se crève sur son cueur,

      Puys sue Dieu sçait quelle sueur!

      Et n'est qui de ses maulx l'allège:

      Car enfans n'a, frère ne soeur,

      Qui lors voulsist estre son pleige.

      XLI.

      La mort le faict frémir, pallir,

      Le nez courber, les veines tendre,

      Le col enfler, la chair mollir,

      Joinctes et nerfs croistre et estendre.

      Corps féminin, qui tant est tendre,

      Polly, souef, si precieulx,

      Te faudra-il ces maulx attendre?

      Ouy, ou tout vif aller ès cieulx.

      BALLADE

      DES DAMES DU TEMPS JADIS.

      Dictes-moy où, n'en quel pays,

      Est Flora, la belle Romaine;

      Archipiada, ne Thaïs,

      Qui fut sa cousine germaine;

      Echo, parlant quand bruyt on maine

      Dessus rivière ou sus estan,

      Qui beauté eut trop plus qu'humaine?

      Mais où sont les neiges d'antan!

      Où est la très sage Heloïs,

      Pour qui fut chastré et puis moyne

      Pierre Esbaillart à Sainct-Denys?

      Pour son amour eut cest essoyne.

      Semblablement, où est la royne

      Qui commanda que Buridan

      Fust jetté en ung sac en Seine?

      Mais où sont les neiges d'antan!

      La royne Blanche comme ung lys,

      Qui chantoit à voix de sereine;

      Berthe au grand pied, Bietris, Allys;

      Harembourges, qui tint le Mayne,

      Et Jehanne, la bonne Lorraine,

      Qu'Anglois bruslèrent à Rouen;

      Où sont-ilz, Vierge souveraine?...

      Mais où sont les neiges d'antan!

      

      ENVOI

      Prince, n'enquerez de sepmaine

      Où elles sont, ne de cest an,

      Que ce refrain ne vous remaine:

      Mais où sont les neiges d'antan!

      BALLADE

      DES SEIGNEURS DU TEMPS JADIS

      Suyvant le propos précèdent.

      Qui plus? Où est le tiers Calixte,

      Dernier decedé de ce nom,

      Qui quatre ans tint le Papaliste?

      Alphonse, le roy d'Aragon,

      Le gracieux duc de Bourbon,

      Et Artus, le duc de Bretaigne,

      Et Charles septiesme, le Bon?...

      Mais où est le preux Charlemaigne!

      Semblablement, le roy Scotiste,

      Qui demy-face eut, ce dit-on,

      Vermeille comme une amathiste

      Depuys le front jusqu'au menton?

      Le roy de Chypre, de renom;

      Hélas! et le bon roy d'Espaigne,

      Duquel je ne sçay pas le nom?...

      Mais où est le preux Charlemaigne!

      D'en plus parler je me désiste;

      

      Ce n'est que toute abusion.

      Il n'est qui contre mort résiste,

      Ne qui treuve provision.

      Encor fais une question:

      Lancelot, le roy de Behaigne,

      Où est-il? Où est son tayon?...

      Mais où est le preux Charlemaigne!

      ENVOI.

      Où est Claquin, le bon Breton?

      Où le comte Daulphin d'Auvergne,

      Et le bon feu duc d'Alençon?...

      Mais où est le preux Charlemaigne!

      BALLADE

      A ce propos, en vieil françois.

      Mais où sont ly sainctz apostoles,

      D'aulbes vestuz, d'amys coeffez,

      Qui sont ceincts de sainctes estoles,

      Dont par le col prent ly mauffez,

      De maltalent tout eschauffez?

      Aussi bien meurt tilz que servans;

      De ceste vie sont bouffez:

      Autant en emporte ly vens.

      Voire, où sont de Constantinobles

      L'emperier aux poings dorez,

      Ou de France ly roy tresnobles,

      Sur tous autres roys décorez.

      Qui, pour ly grand Dieux adorez,

      

      Bastist eglises et convens?

      S'en son temps il fut honorez,

      Autant en emporte ly vens.

      Où sont de Vienne et de Grenobles

      Ly Daulphin, ly preux, ly senez?

      Où, de Dijon, Sallins et Dolles,

      Ly sires et ly filz aisnez?

      Où autant de leurs gens privez,

      Heraulx, trompettes, poursuyvans?

      Ont-ilz bien bouté soubz le nez?...

      Autant en emporte ly vens.

      ENVOI.

      Princes à mort sont destinez,

      Et tous autres qui sont vivans;

      S'ils en sont coursez ou tennez,

      Autant en emporte ly vens.

      XLII.

      Puys que papes, roys, filz de roys,

      Et conceuz en ventres de roynes,

      Sont enseveliz, mortz et froidz,

      En aultruy mains passent leurs resnes;

      Moy, pauvre mercerot de Renes,

      Mourray-je pas? Ouy, se Dieu plaist;

      Mais que j'aye faict mes estrenes,

      Honneste mort ne me desplaist.

      XLIII.

      Ce monde n'est perpetuel,

      Quoy que pense riche pillart;

      Tous sommes soubz coutel