François Villon

Œuvres complètes de François Villon


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de la panse vient la danse.

      XXVI.

      Bien sçay se j'eusse estudié

      Ou temps de ma jeunesse folle,

      Et à bonnes meurs dedié,

      J'eusse maison et couche molle!

      Mais quoy? je fuyoye l'escolle,

      Comme faict le mauvays enfant...

      En escrivant ceste parolle,

      A peu que le cueur ne me fend.

      XXVII.

      Le dict du Saige est très beaulx dictz,

      Favorable, et bien n'en puis mais,

      Qui dit: «Esjoys-toy, mon filz,

      A ton adolescence; mais

      Ailleurs sers bien d'ung autre mectz,

      Car jeunesse et adolescence

      (C'est son parler, ne moins ne mais)

      Ne sont qu'abbus et ignorance.»

      XXVIII.

      Mes jours s'en sont allez errant,

      Comme, dit Job, d'une touaille

      Sont les filetz, quant tisserant

      Tient en son poing ardente paille:

      Lors, s'il y a nul bout qui saille,

      Soudainement il le ravit.

      Si ne crains rien qui plus m'assaille,

      Car à la mort tout assouvyst.

      XXIX.

      

      Où sont les gratieux gallans

      Que je suyvoye au temps jadis,

      Si bien chantans, si bien parlans,

      Si plaisans en faictz et en dictz?

      Les aucuns sont mortz et roydiz;

      D'eulx n'est-il plus rien maintenant.

      Respit ils ayent en paradis,

      Et Dieu saulve le remenant!

      XXX.

      Et les aucuns sont devenuz,

      Dieu mercy! grans seigneurs et maistres,

      Les autres mendient tous nudz,

      Et pain ne voyent qu'aux fenestres;

      Les autres sont entrez en cloistres;

      De Celestins et de Chartreux,

      Bottez, housez, com pescheurs d'oystres:

      Voilà l'estat divers d'entre eulx.

      XXXI.

      Aux grans maistres Dieu doint bien faire

      Vivans en paix et en requoy.

      En eulx il n'y a que refaire;

      Si s'en fait bon taire tout quoy.

      Mais aux pauvres qui n'ont de quoy,

      Comme moy, Dieu doint patience;

      Aux aultres ne fault qui ne quoy,

      Car assez ont pain et pitance.

      XXXII.

      Bons vins ont, souvent embrochez,

      Saulces, brouetz et gros poissons;

      Tartres, flans, oeufz fritz et pochez,

      Perduz, et en toutes façons.

      Pas ne ressemblent les maçons,

      Que servir fault à si grand peine;

      Ils ne veulent nulz eschançons,

      Car de verser chascun se peine.

      XXXIII.

      En cest incident me suys mys,

      Qui de rien ne sert à mon faict.

      Je ne suys juge, ne commis,

      Pour punyr n'absouldre meffaict.

      De tous suys le plus imparfaict.

      Loué soit le doulx Jésus-Christ!

      Que par moy leur soit satisfaict!

      Ce que j'ay escript est escript.

      XXXIV.

      Laissons le monstier où il est;

      Parlons de chose plus plaisante.

      Ceste matière à tous ne plaist:

      Ennuyeuse est et desplaisante.

      Pauvreté, chagrine et dolente,

      Tousjours despiteuse et rebelle,

      Dit quelque parolle cuysante;

      S'elle n'ose, si le pense-elle.

      XXXV.

      Pauvre je suys de ma jeunesse,

      De pauvre et de petite extrace.

      Mon pere n'eut oncq grand richesse.

      Ne son ayeul, nommé Erace.

      Pauvreté tous nous suyt et trace.

      Sur les tumbeaulx de mes ancestres,

      Les ames desquelz Dieu embrasse,

      On n'y voyt couronnes ne sceptres.

      XXXVI.

      De pouvreté me guermentant,

      Souventesfoys me dit le cueur:

      «Homme, ne te doulouse tant

      Et ne demaine tel douleur,

      Se tu n'as tant qu'eust Jacques Cueur.

      Myeulx vault vivre soubz gros bureaux

      Pauvre, qu'avoir esté seigneur

      Et pourrir soubz riches tumbeaux!»

      XXXVII.

      Qu'avoir esté seigneur!... Que dys?

      Seigneur, lasse! ne l'est-il mais!

      Selon ce que d'aulcun en dict,

      Son lieu ne congnoistra jamais.

      Quant du surplus, je m'en desmectz.

      Il n'appartient à moy, pécheur;

      Aux théologiens le remectz,

      Car c'est office de prescheur.

      XXXVIII.

      Si ne suys, bien le considère,

      Filz d'ange, portant dyadème

      D'etoille ne d'autre sydère.

      Mon père est mort, Dieu en ayt l'ame,

      Quant est du corps, il gyst soubz lame...

      J'entends que ma mère mourra,

      Et le sçait bien, la pauvre femme;

      Et le filz pas ne demourra.

      XXXIX.

      

      Je congnoys que pauvres et riches,

      Sages et folz, prebstres et laiz,

      Noble et vilain, larges et chiches,

      Petitz et grans, et beaulx et laidz,

      Dames à rebrassez colletz,

      De quelconque condicion,

      Portant