nécessairement partie, mais qui s'y rattachaient assez naturellement. On n'y trouve pas une ballade, pas un rondeau composés antérieurement au Petit Testament. Villon ne paraît pas avoir été très-soucieux de recueillir ses oeuvres. La plupart sont sans doute perdues; d'autres sont disséminées dans des recueils manuscrits ou imprimés où il n'est pas facile de les reconnaître, soit parce qu'elles ne portent pas de nom d'auteur, soit parce qu'elles sont attribuées à d'autres. On ne connaît pas de manuscrit qui contienne tout ce qu'on sait positivement lui appartenir. Les premières éditions, qui furent faites sans son concours et probablement après sa mort, ne contiennent que le Grand et le Petit Testament, le Jargon, et un petit nombre de pièces détachées. Jean de Calais, l'éditeur présumé du Jardin de plaisance, dont la première édition est de 1499 ou de 1500, s'acquitta fort mal des fonctions d'exécuteur testamentaire que Villon lui avait confiées, si tant est qu'on doive prendre au sérieux les huitains CLX et CLXI du Grand Testament. Il fit entrer dans son recueil diverses pièces connues comme étant de Villon et beaucoup d'autres qu'on lui attribue avec plus ou moins de vraisemblance, mais sans dire des unes ni des autres qu'elles étaient de lui.
M. Brunet a donné, dans la dernière édition du Manuel du Libraire, une excellente notice des éditions de Villon. La première avec date est de Paris (Pierre Levet), 1489, in-4°. Il en parut plusieurs autres à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe. Celle de Paris, Galiot Du Pré, 1532, in-8, est la première à laquelle on ait joint les Repues franches, le Monologue du franc archier de Baignolet et le Dialogue des seigneurs de Mallepaye et de Baillevent 31
Note 31: (retour) Il avait été fait antérieurement plusieurs éditions des Repeues franches, qui s'ajoutaient aux éditions correspondantes des oeuvres de Villon, mais qui portaient des signatures ou une pagination séparées.
L'année suivante, le même Galiot Du Pré publia la première édition des oeuvres de Villon revues par Clément Marot.
En 1723 il parut chez Coustelier une édition de Villon, avec les remarques d'Eusèbe de Laurière et une lettre du P. Du Cerceau.
Les oeuvres de Villon furent réimprimées en 1742, à la Haye, avec les remarques de Laurière, Le Duchat et Formey, des mémoires de Prosper Marchand et une lettre critique extraite du Mercure de février 1724.
En 1832 parut l'édition de Prompsault, fruit de longues et laborieuses recherches, et qui, sans être parfaite, ne méritait pas le discrédit dont elle a été frappée pendant longtemps.
Dans l'édition de 1854, due aux soins de M.P.L. Jacob, bibliophile (M. Paul Lacroix), le texte de Prompsault a été revu, notablement amélioré, élucidé par des notes où brillent l'érudition et la sagacité bien connues de leur auteur.
Enfin, tout récemment, M. Paul Lacroix a publié le texte des deux Testaments d'après un manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal. Je n'ai pu faire usage de cette intéressante publication, d'abord parce que l'impression de mon édition était trop avancée, puis pour une autre raison: c'est que je ne pouvais m'écarter du texte que j'avais adopté.
On savait depuis longtemps que La Monnoye avait eu l'intention de faire une édition des oeuvres de Villon. A cet effet, il avait annoté un exemplaire de l'édition de 1723. Cet exemplaire, dont on avait perdu la trace depuis longtemps, a été retrouvé, en 1858, au British Museum, par M. Gustave Masson, qui m'a gracieusement offert une copie du travail de La Monnoye.
En tête de son exemplaire, La Monnoye avait inscrit d'abord ce titre, qui nous fait connaître le plan d'une vaste collection qu'il projetait:
L'Histoire et les Chefs de la poésie françoise, avec la liste des poètes provençaux et françois, accompagnée de remarques sur le caractère de leurs ouvrages.
Puis vient ce titre particulier:
Poésies de François Villon et de ses disciples, revues sur les différentes éditions, corrigées et augmentées sur le manuscrit de M. le duc de Coislin et sur plusieurs autres, et enrichies d'un grand nombre de pièces, avec des notes historiques et critiques.
La Monnoye n'eut pas le temps de mettre la dernière main à son édition de Villon. Son travail ne porta que sur l'établissement du texte. La comparaison des manuscrits et des anciennes éditions, faite par un homme tel que La Monnoye, devait donner d'excellents résultats. J'ai reproduit scrupuleusement, sauf deux ou trois exceptions indiquées dans les notes, le texte tel qu'il a été arrêté par lui, et ce texte est assurément le meilleur qu'on ait donné jusqu'à présent.
La Monnoye ne se contenta pas de revoir le texte de l'édition de 1723. Il y ajouta de sa main divers morceaux qui n'avaient pas encore été publiés, et qui ont paru pour la première fois dans l'édition Prompsault. Mais il ne put faire le choix des poésies qu'il voulait joindre aux oeuvres de Villon. Pour répondre de mon mieux à son plan, je donne à la fin du volume dix-sept pièces tirées du Jardin de plaisance. M. Campeaux en avait publié un plus grand nombre: j'ai fait un choix dans son choix, et si les pièces que je donne ne sont pas de Villon, elles sont au moins de son école, et souvent dignes de lui.
Pour toute la partie du texte établie par La Monnoye, je n'avais qu'une chose à faire: suivre la leçon adoptée par lui. A l'égard des pièces dont il ne s'était pas occupé, j'ai dû agir autrement: je les ai revues sur les manuscrits et les éditions originales.
A défaut des notes historiques et critiques promises par La Monnoye, et sans avoir la prétention de les suppléer, je donne à la suite du texte quelques renseignements qui m'ont paru nécessaires, puis un Glossaire-Index, dans lequel j'ai tenté d'expliquer les mots vieillis, de donner des renseignements sur les personnes et les choses. S'il n'a pas d'autre utilité, ce travail servira du moins de table.
Une édition de Villon n'est pas facile à faire. J'ai largement mis à profit les travaux de mes devanciers, et je me plais à le reconnaître. J'aurais pu relever bien des erreurs: je me suis contenté de les corriger. Je crois que cette édition vaut mieux que celles qui l'ont précédée. D'autres viendront après moi qui feront mieux. J'ai cru prudent de leur donner l'exemple de l'indulgence.
P. JANNET.
REMARQUES PHILOLOGIQUES.
La langue de Villon est encore la vieille et bonne langue française, riche et simple, claire, naturelle, à l'allure vive et franche. C'est encore la langue des fabliaux, assouplie, mais presque entièrement préservée de l'invasion des mots pédantesques forgés dans la seconde moitié du XVe siècle. Le Glossaire, dont l'étendue est grande relativement à celle du livre, n'offre qu'un petit nombre de ces mots. En revanche, il en contient beaucoup d'autres dont la perte est regrettable.
Villon était très-sévère pour la rime. Aussi, lorsque nous rencontrons à la fin de ses vers quelque chose qui nous paraît anormal, nous devons nous garder de l'expliquer par une négligence du poëte. Il faut chercher d'autres raisons; cela peut amener des observations intéressantes.
Par exemple, lorsqu'il fait rimer e avec a 32, cela prouve, ainsi que Marot l'a remarqué, que Villon prononçait, à la parisienne, a pour e.
Lorsqu'il fait rimer oi, oy, avec ai, ay, é 33, cela prouve que ce que nous appelons la diphtongue oi se prononçait é ou è.
S'il fait rimer Changon, Nygon, escourgon, avec donjon 34, c'est que, dans certains cas, le g se prononçait j.
Note