Anonyme

Les Douze Étapes et les Douze Traditions


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Que ta volonté soit faite ». Nous n’avions jamais rien compris à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain. Nous étions donc toujours déçus et donc incapables de recevoir assez de grâce pour nous redonner la raison.

      Ils sont rares en effet les alcooliques qui ont quelque notion de leur manque de logique, ou qui, l’ayant constaté, ont eu le courage d’y faire face. Quelques-uns se reconnaîtront comme « buveurs à problèmes », mais ne supporteront pas l’idée qu’ils soient mentalement malades. L’aveuglement de leur condition est provoqué par la société qui ne sait pas faire la distinction entre alcoolisme et consommation normale d’alcool. « Avoir la raison », c’est être « sain d’esprit ». Pourtant, aucun alcoolique ne peut se dire « sain d’esprit » quand il analyse sa conduite passée, qu’il ait détruit le mobilier de la salle à manger ou sa propre moralité.

      Ainsi donc, la Deuxième Étape constitue notre point de ralliement à tous. Agnostiques, athées ou anciens croyants, nous pouvons tous nous y retrouver. L’humilité authentique et l’ouverture d’esprit peuvent nous conduire à la foi, et chaque réunion des AA nous offre l’assurance que Dieu nous rendra la raison si nous établissons avec Lui des rapports sains.

      Troisième Étape

      « Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevions. »

      PRATIQUER la Troisième Étape équivaut à ouvrir une porte qui, de toute apparence, est encore fermée à clef. Il suffit d’avoir la clef et de prendre la décision d’ouvrir la porte. Quant à la clef, il n’y en a qu’une et c’est notre bonne volonté. Une fois déverrouillée par notre bonne volonté, la porte s’ouvre presque toute seule, et en regardant par l’ouverture, on aperçoit un sentier avec une inscription sur le côté : « Voici le chemin qui mène à une foi efficace. » Dans les deux premières Étapes, on nous invitait à la réflexion. Nous avons découvert que nous étions impuissants devant l’alcool mais nous avons aussi perçu qu’une certaine foi, ne serait-ce que la foi dans le Mouvement lui-même, est accessible à tout le monde. Ces constatations n’exigeaient pas de passer à l’action ; elles ne demandaient que l’acceptation.

      Comme toutes les autres qui la suivent, la Troisième Étape amène à une action positive, car seule l’action pourra nous détacher de cette volonté propre qui a toujours bloqué l’entrée de Dieu dans notre vie – ou d’une Puis­sance supérieure, si vous préférez. La foi, c’est certain, est indispensable, mais la foi seule ne peut servir à rien. Nous pouvons avoir la foi et continuer de maintenir Dieu à l’extérieur de notre vie. La difficulté consiste donc maintenant à bien savoir comment et par quels moyens précis nous pourrons Le laisser entrer. C’est par la Troisième Étape que nous faisons une première tentative. À vrai dire, l’efficacité de tout le programme des AA dépendra du sérieux de nos efforts pour tenter d’en arriver à la « décision de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevions.

      Pour tout nouveau membre à l’esprit pratique, cette Troisième Étape semble difficile, voire impossible. On a beau le vouloir de toutes ses forces, comment exactement peut-on faire pour confier sa volonté et sa vie aux soins de ce Dieu dont on reconnaît l’existence ? Par bonheur, nous en avons fait l’expérience, en y croyant tous plus ou moins, et nous pouvons attester que n’importe qui, vraiment n’importe qui, peut commencer à le faire. Nous pouvons même ajouter qu’un tout petit pas, même le plus modeste, est largement suffisant. Dès que nous avons mis dans la serrure la clef de notre bonne volonté et que la porte s’est ouverte, même légèrement, nous avons constaté qu’il est toujours possible de l’ouvrir davantage. Même si notre propre volonté pourra la refermer brutalement, comme c’est souvent le cas, elle s’ouvrira toujours dès que nous reprendrons la clef de la bonne volonté.

      Tout cela peut paraître mystérieux et lointain, un peu comme la théorie de la relativité d’Einstein ou un théorème de physique nucléaire. Il n’en est rien. Voyons combien c’est facile en réalité. Hommes et femmes, tous ceux qui ont joint les rangs des AA avec l’intention d’y rester, ont déjà, sans s’en rendre compte, franchi le pas de la Troisième Étape. N’est-il pas exact que pour tout ce qui touche l’alcool, chacun d’eux a décidé de placer sa vie sous les soins, la protection et les bons conseils des Alcooliques anonymes ? C’est déjà un geste de bonne volonté que d’abandonner, en ce qui concerne l’alcool, sa volonté et ses positions personnelles pour adopter les suggestions des AA. Tous les nouveaux bien disposés sont persuadés qu’il n’existe pas pour leur navire fatigué d’autre port de salut que le Mouvement. Si ce n’est pas là confier sa volonté et sa vie à la Providence telle qu’on vient de la découvrir, alors qu’est-ce que c’est ?

      Supposons, par contre, que notre nature se rebelle encore, et elle n’y manquera certainement pas : « D’accord, en ce qui concerne l’alcool, je suppose que je dois m’en remettre aux AA, mais pour tout le reste, je dois conserver mon indépendance. Rien ne me fera perdre mon identité. Si je persiste à confier ma vie et ma volonté à Quelqu’un ou à Quelque Chose, que vais-je devenir ? Je ne serai plus rien. » C’est ainsi, bien sûr, que l’instinct et la logique cherchent toujours à maintenir le culte de soi et de ce fait, retardent le progrès spirituel. L’ennui, c’est que cette attitude ne tient pas vraiment compte de la réalité. La réalité semble indiquer que plus nous acceptons de dépendre d’une Puissance supérieure, plus nous devenons vraiment indépendants. La dépendance, par conséquent, telle que les AA la pratiquent, est vraiment un moyen d’acquérir une authentique indépendance de l’esprit.

      Prenons un instant pour examiner cette question de la dépendance dans la vie de tous les jours. Il est surprenant de constater à quel point nous sommes dépendants et combien nous en sommes inconscients. Dans chaque maison moderne, un réseau de fils électriques apporte le courant et la lumière. Nous sommes ravis de cette dépendance : nous espérons seulement que rien ne viendra couper le courant. En acceptant ainsi notre dépendance envers cette merveille de la science, nous nous retrouvons plus indépendants personnellement. Et en plus, nous avons un meilleur confort et une plus grande sécurité. Le courant se rend exactement aux endroits voulus. Fidèlement et sans bruit, l’électricité, cette énergie étrange dont bien peu de gens comprennent la nature, répond à nos besoins quotidiens les plus courants comme à nos besoins les plus désespérés. Interrogez les victimes de la polio qui sont enfermées dans un poumon d’acier et qui s’en remettent en toute confiance à un moteur pour entretenir dans leur corps le souffle de la vie.

      Mais dès que notre autonomie intellectuelle ou émotive est remise en cause, comme nous changeons d’attitude ! Avec quelle obstination nous invoquons le droit de choisir nous-mêmes le cours de nos pensées et de nos actes ! Bien sûr, nous pèserons le pour et le contre de toute question. Nous écouterons poliment tous ceux qui voudraient nous donner des conseils, mais nous prendrons seuls toutes les décisions. Dans ces domaines, personne ne viendra attenter à notre indépendance personnelle. D’ailleurs, nous sommes convaincus de n’avoir personne à qui faire vraiment confiance. Nous avons la certitude que notre intelligence, soutenue par la force de notre volonté, peut fort bien conduire notre vie intérieure et nous assurer le succès dans ce monde où nous vivons. Cette philosophie courageuse, qui donne à chacun le rôle de Dieu, se défend bien en paroles, mais elle doit encore subir l’épreuve décisive : est-elle vraiment efficace ? Un coup d’œil attentif dans le miroir devrait suffire à tout alcoolique pour trouver la bonne réponse.

      Si le miroir lui renvoie une image trop répugnante (ce qui est ordinairement le cas), il pourrait se tourner vers les gens normaux et observer les résultats de cette autosuffisance. Partout, il voit des gens pleins de haine et de peur, une société éclatée en mille morceaux. Chaque morceau accuse l’autre : « Nous avons raison, vous avez tort ». Et le plus fort impose sa volonté aux autres. Partout, le même phénomène se reproduit à l’échelle individuelle. Ce gigantesque exercice n’a réussi, somme toute, qu’à faire fondre la paix et la fraternité. Cette philosophie de l’autosuffisance ne rapporte rien qui vaille. Manifestement, il s’agit