rel="nofollow" href="#ulink_d2ff6238-9cc7-531f-b13f-2569f5749c4d">[86] Huitième journée du Décaméron; Sachetti, Nouvelles CLXI, CXCI et CXCII. Vasari, III, 80.
[87] Construit l'an de Rome 356. Voir Vulpii Latium vetus. Cet ouvrage est digne des plus grands rois, et le territoire de Rome ne s'étendait qu'à quelques milles.
On trouve l'histoire de l'architecture gothique depuis les édifices de Subiaco, et la Notre-Dame de Dijon, bâtie par saint Louis, jusqu'au Saint-Laurent de Florence par Brunelleschi, dans la septième livraison de M. Dagincourt.
[88] Il travaillait ordinairement avec un de ses frères, nommé Bernardo; ils eurent pour élèves un Bernardo Nello et Traïni, duquel il y a un tableau curieux à Pise; saint Thomas d'Aquin y est fort ressemblant. On le voit au-dessous du Rédempteur, duquel il reçoit des rayons de lumière, qui, de Thomas, vont se divisant à une foule de docteurs, d'évêques et même de papes. Arrien et d'autres novateurs gisent terrassés aux pieds du saint. Près de lui, Platon et Aristote lui présentent ouvert le livre de leur philosophie. Ce tableau gravé ferait une bonne note pour Mosheim; il montre bien le christianisme devenant une religion, d'un gouvernement qu'il était.
CHAPITRE XV.
DU GOÛT FRANÇAIS DANS LES ARTS.
Si l'on veut faire un compliment à Cimabue et à Giotto, on peut les comparer à Rotrou. On a fait, depuis Rotrou, des Hippolyte, des Cinna, des Orosmane; mais il n'a plus paru de Ladislas. J'aime à mettre aux prises, par la pensée, les Bajazet, les Achille, les Vendôme, si admirés il y a quarante ans[89], avec ce fougueux Polonais. La figure que ces grands seigneurs feraient devant ce grand homme venge ma vanité. Pour lui tenir tête, il faut aller chercher l'Hotspur de Shakspeare.
Michel-Ange est Corneille. Nos peintres modernes médisant de Masaccio ou de Giotto, c'est Marmontel, secrétaire perpétuel de l'Académie française, présentant en toute modestie ses petites observations critiques sur Rotrou.
Le malheur de Florence, au quatorzième siècle, n'était pas du tout la malhabileté des artistes, mais le mauvais goût du public.
Les Français admirent dans l'Achille de Racine des choses qu'il ne dit pas. C'est que l'idée qu'on a du fils de Pélée a été donnée bien plus par la Harpe, ou par Geoffroy, que par les vers du grand poëte. Voilà les dissertations sur le goût qui corrompent le goût, et vont jusque dans l'âme du spectateur fausser la sensation[90]. J'espère que vous n'aurez pas pour Raphaël ce culte sacrilége. Vous verrez ses défauts, et c'est pour cela que vous verserez un jour de douces larmes au palais de la Farnesina.
Le premier degré du goût est d'exagérer, pour les rendre sensibles, les effets agréables de la nature. C'est à cet artifice qu'eut souvent recours le plus entraînant des prosateurs français. Plus tard, on voit qu'exagérer les effets de la nature, c'est perdre sa variété infinie et ses contrastes, si beaux parce qu'ils sont éternels, plus beaux encore parce que les émotions les plus simples les rappellent au cœur[91].
En exagérant le moins du monde, en faisant du style autre chose qu'un miroir limpide, on produit un moment d'engouement, mais sujet à de fâcheux retours.
Le lecteur le plus sot craint le plus d'être dupe.
(L'Éteignoir, comédie.)
Sot ou non, soupçonne-t-il la bonne foi de l'auteur, il chasse le jugement tout fait qu'on voulait lui donner, la paresse l'empêche d'en former un autre; et le héros, comme le panégyriste, vont se confondre dans le même oubli.
Qui n'a pas éprouvé cette sensation au sortir de l'Académie française, ou en lisant les homélies des journaux sur nos gouvernements? Si le manque de vérité dans le discours empêche le jugement, en peinture il empêche la sensation; et je ne vois que cette différence du style de Dietrich à celui de Dupaty.
Un auteur très-froid peut faire frémir; un peintre qui n'est qu'un ouvrier en couleur, s'il est excellent, peut donner les sentiments les plus tendres: il n'a qu'à ne pas choisir et reproduire comme un miroir les beaux paysages de la Lombardie.
Pour plaire aux Anglais de son temps, Shakspeare laissa aux objets de la nature leurs justes proportions; et c'est pour cela que sa statue colossale nous paraît tous les jours plus élevée, à mesure que tombent les petits monuments des poëtes qui crurent peindre la nature en flattant l'affectation d'un moment, commandée par telle phase de quelque gouvernement puéril[92].
On peut dire des choses piquantes en prouvant que le pain est un poison, ou que le génie du christianisme est favorable au bonheur des peuples[93]. Rembrandt aussi arrête les spectateurs en changeant la distribution naturelle de la lumière. Mais, du moment que le peintre se permet d'exagérer, il perd à jamais la possibilité d'être sublime, il renonce à la véritable imitation de l'antique[94].
Nous verrons Raphaël, Annibal Carrache, le Titien, donner des émotions plus profondes en raison de ce qu'ils auront eu plus de respect pour la proportion des effets qu'ils apercevaient dans le vaste champ de la nature, tandis que Michel-Ange de Carravage et le Barroche, très-grands peintres d'ailleurs, en exagérant, l'un la force des ombres, l'autre le brillant des couleurs, se sont eux-mêmes exclus à jamais du premier rang.
La cause du mauvais goût chez les Français, c'est l'engouement. Ce qui tient à une autre circonstance plus fâcheuse, le manque absolu de caractère[95]. Il faut distinguer la bravoure du caractère, et voir dans l'étranger nos généraux être l'admiration de l'Europe, comme nos sénateurs en étaient le ridicule.
Le Français de 1770 avait-il les yeux assez pervertis pour trouver vraies les couleurs de Boucher? non, sans doute. Cela ne se peut pas. Mais l'on a trop de vanité pour oser être soi-même. Tel homme chez nous essuie les coups de pistolet sans sourciller, qui a toute la mine de l'anxiété la plus visible, s'il faut parler le premier, dans un salon, de la pièce nouvelle d'où il sort. Tout est exécrable ou divin, et quand on est las d'un de ces mots, pour un objet, l'on prend l'autre. Voyez Rameau, Balzac, Voiture.
Nous avions été religieux sous Louis XIV, Voltaire trouve une gloire facile à se moquer des prêtres. Heureusement ses plaisanteries sont excellentes, et l'on en rit encore.
Après les crimes de la terreur, l'on pouvait deviner, sans un grand effort d'esprit, que l'opinion publique attendait une impulsion contraire, et le Génie du Christianisme a pu être lu.
Actuellement, la religion triomphe, et se hâte de fermer la porte des temples aux pauvres actrices qui quittent la scène du monde[96]. Elle n'est plus forcée à la justice par l'œil terrible d'un caractère absolu. Nous allons revenir au simple, et l'emphase vide de pensée va perdre de son crédit. Mais ce quatrième mouvement dans l'opinion sera plus faible que la vague impétueuse dirigée par Voltaire. A son tour, il sera repoussé par une impulsion contraire, et ces vagues religieuses et antireligieuses, se succédant tous les dix ans, en s'affaiblissant sans cesse, finiront par se perdre dans l'ennui naturel au sujet.
La nature de l'admiration n'est pas pure en France. Voir des défauts dans ce que le public