Anonymous

Blanche et Bleue ou les deux couleuvres-fées,


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      A peine la petite Bleue est-elle entrée dans l'intérieur de l'hôtel, qu'un vent parfumé vint réjouir Hân-wen. Soudain Blanche sort de la salle, et glisse vers le jeune homme d'un pas leste et gracieux. La petite Bleue marchait après elle.

      Dès que Hân-wen l'aperçoit, il se lève avec empressement et lui présente ses hommages.

      Blanche, à son tour, le salue en lui souhaitant mille félicités, et le prie de s'asseoir. «Monsieur, lui dit-elle, sans le sentiment d'humanité qui vous a porté à nous prêter votre précieux parapluie, la maîtresse et sa servante n'auraient peut-être pu s'en retourner chez elles.

      —C'est une bagatelle, lui répondit Hân-wen; je ne mérite point pour cela que vous daigniez m'accorder de pompeux compliments.»

      Ils s'assirent tous deux après les compliments d'usage; et au bout de quelques instants, la petite Bleue servit du thé qui répandait une odeur délicieuse.

      Dès que Hân-wen en eut pris quelques tasses, il se leva en remerciant, comme pour reprendre le parapluie et s'en retourner.

      «Je ne pouvais espérer, lui dit Blanche, de voir ici mon bienfaiteur, comment pourrais-je souffrir qu'il s'en retourne à jeun? Si vous ne dédaignez pas une modeste collation, je serai heureuse de vous l'offrir pour vous témoigner ma reconnaissance.

      —Mademoiselle, lui répondit Hân-wen en la remerciant, je suis confus de vous causer tant d'embarras; personne n'est plus indigne que moi d'une réception aussi distinguée.»

      Blanche lui fit de nouvelles instances.

      Quelques instants après la petite Bleue sert sur une table élégante les mets les plus rares et les plus exquis. Blanche cède poliment sa place à Hân-wen, et lui tient compagnie sur une petite table voisine de la sienne. La petite Bleue reste debout à leurs côtés, et les sert avec autant de grâce que de prévenance.

      Après qu'ils eurent pris quelques tasses de vin, Blanche rompit le silence: «Généreux bienfaiteur, dit-elle à Hân-wen, je dois vous dire que Pé-ing, mon père, avait jadis la charge de gouverneur des frontières, et que Lieou-chi, ma mère, avait reçu de l'empereur des lettres de noblesse. Ils n'eurent point de fils. Le seul fruit de leur mariage fut l'humble servante que vous voyez devant vous, et à qui ils donnèrent le surnom de Tchin-niang. Mais, hélas! mon père et ma mère quittèrent bientôt la vie et se suivirent dans la tombe. Me trouvant sans parents, sans appui, dans un âge encore tendre, je craignais de me perdre au milieu de la corruption du siècle, et je passais les jours et les nuits à pleurer et à gémir. Hier, comme j'étais allée sur la colline pour faire des offrandes funèbres à mon père et à ma mère, je fus assaillie par une pluie d'orage. Heureusement, monsieur, que je vous ai rencontré, et que vous avez eu la générosité de me prêter votre parapluie. Ce service précieux m'a montré la bonté de votre cœur. Si vous ne trouvez point mon origine trop obscure, j'oserai vous offrir de vous servir toute ma vie. J'ignore si vous daignerez exaucer mes vœux.»

      Hân-wen ne se possède plus; il est dans le ravissement, comme un homme qui aurait reçu ordre écrit de la main de l'empereur; mais il fait semblant de refuser du geste et de la voix.

      «Mademoiselle, lui dit-il, votre noble personne a grandi dans un appartement parfumé, et vous vous distinguez à la fois par l'éclat de la naissance et de la beauté. Mais moi, je ne suis qu'un pauvre étudiant, sans renom et sans fortune, et je flotte encore incertain entre le pinceau[18] et l'épée. Comment oserais-je prétendre à m'unir avec vous?

      —Monsieur, lui dit Blanche en souriant, il n'appartient qu'au vulgaire de se laisser guider par de telles considérations, et de faire attention, en se mariant, à l'éclat ou à l'obscurité de la naissance. Dès mon enfance j'ai appris la science de la physionomie; aussitôt que j'ai aperçu les traits de votre visage j'ai jugé que vous étiez destiné au bonheur. J'espère que mon bienfaiteur ne repoussera pas ma demande.

      —Je reçois avec joie l'expression de vos sentiments, lui répondit Hân-wen; mais, hélas! je suis sans fortune, et il me serait difficile d'acheter des présents de noces qui fussent dignes de vous.

      —Cela ne fait rien,» lui répondit Blanche.

      A ces mots elle appela la petite Bleue. «Va dans ma chambre, lui dit-elle, ouvre ma cassette d'or et prends deux lingots d'argent fin que tu donneras à monsieur.»

      La petite Bleue obéit, et revient promptement avec deux lingots d'argent qui pesaient cent onces, et les dépose sur la table.

      Blanche prit elle-même l'argent et le remit à Hân-wen. «Monsieur, lui dit-elle, emportez cet argent. Vous pouvez maintenant acheter les présents de noces.»

      Hân-wen est ravi de joie, et se lève pour recevoir l'argent. «Je vous remercie, lui dit-il, de cette générosité, qui est grande comme le ciel. Je vais aller trouver mon beau-frère et ma sœur aînée, et les prier de présider à mon mariage. Mademoiselle, ajouta-t-il, je ne vous quitte que pour quelque temps, et j'espère avoir bientôt le bonheur de vous revoir.»

      Au moment de partir, Blanche lui adressa les plus instantes prières. «Monsieur, lui dit-elle, gardez-vous d'oublier les sentiments que je vous ai voués.

      —Mademoiselle, lui dit Hân-wen en faisant un serment, si jamais je vous oublie je veux être en butte à toute la colère du ciel!»

      Blanche est ravie de joie, et aussitôt elle ordonne à la petite Bleue d'aller reconduire Hân-wen.

      Laissons maintenant les deux fées, et revenons à Hân-wen. Il partit tout joyeux, et, pendant la route, il ne songea qu'à son bonheur. Il arriva bientôt à la maison de son beau-frère.

      Or, il faut savoir que, la nuit précédente, on avait volé mille onces d'argent dans le trésor de Tsien-tang, dont la garde était confiée à Kong-fou. Le gouverneur de la ville lui avait fait donner vingt coups de bâton, et lui avait ordonné de chercher le coupable, en le menaçant des peines les plus rigoureuses si la somme n'était pas rapportée tout entière au bout de trois jours. Il raconta son malheur à sa femme.

      Les deux époux étaient plongés dans la plus profonde tristesse, lorsqu'ils virent venir Hân-wen avec un visage épanoui.

      «Mon frère, lui dit Hiu-chi, tu es sorti de bonne heure aujourd'hui; où as-tu pris cet air riant, et cette joie animée qui brille sur ton visage?

      —C'est qu'il m'est arrivé un grand bonheur, lui répondit gaîment Hân-wen; je vais vous l'apprendre dans tous ses détails. Hier, comme je revenais de visiter les tombes de mes parents, j'allai me promener sur les bords charmants du lac Si-hou; mais, tout à coup, le ciel fit tomber une pluie d'orage. Je descendis alors dans un bateau pour regagner votre maison. Je fis la rencontre d'une demoiselle et de sa suivante, qui demandèrent à passer sur le même bateau. Après que je leur eus adressé quelques questions, la servante causa avec moi, et m'apprit qu'elles demeuraient dans la rue des Deux-Thés; que sa maîtresse, qui a maintenant dix-sept ans, s'appelait mademoiselle Blanche, et que son surnom était Tchin-niang; la servante ajouta que son nom à elle, était la petite Bleue. Lorsque nous débarquâmes, la pluie tombait encore; je leur prêtai alors mon parapluie pour s'en retourner chez elles. Ce matin, comme j'étais allé demander mon parapluie, elles m'ont retenu pour m'offrir une petite collation. Ce n'est pas tout: la maîtresse, sans être arrêtée par l'idée de mon humble condition, m'a témoigné le désir généreux de se marier avec moi; et comme je refusais cet honneur, en alléguant que j'étais sans fortune, elle me fit cadeau de cent onces d'argent. Je suis revenu pour prier mon beau-frère et ma sœur aînée de présider à mon mariage.»

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