Andrea Franc

En dialogue avec le monde


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culture et la sécurité sociale. Il note ainsi qu’à Berne, les prisonniers apprennent à écrire. Bien plus qu’une documentation de l’histoire économique générale de la Suisse, le rapport Bowring dresse aussi un état des lieux des directoires commerciaux cantonaux. Il explique comment les commerçants s’organisent en associations et créent des instances régulatrices. Bowring évoque en particulier comment les commerçants suisses prônent le libre-échange et comment l’économie suisse prospère dans le même temps. Lui-même drapier et politicien, Bowring va en quelque sorte à la rencontre de ses homologues suisses. À Genève, il est ainsi accueilli par Marc-Antoine Fazy-Pasteur qui, après ses années d’apprentissage en Angleterre, a créé une filature à Carouge, dans la banlieue genevoise. Ce dernier dirige également une manufacture d’indiennes à Annecy, en France, et appartient à l’opposition libérale à Genève dans les années 1830. En Appenzell, John Bowring s’entretient longuement avec Johann Caspar Zellweger, déjà âgé. Propriétaire de la société Zellweger & Co., celui-ci est actif sur le plan tant politique que philanthropique, en tant que président de la Société suisse d’utilité publique. Outre par l’économie florissante, Bowring est surtout impressionné par le haut niveau d’éducation, le niveau de vie et la satisfaction générale des travailleurs dans les cantons.

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      Sir John Bowring (1792–1872), drapier, député britannique et futur gouverneur de Hong Kong.

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      Page de titre du rapport Bowring, 1836.

      Extrait de l’introduction du rapport Bowring, 1836

      It could not, indeed, but excite the attention of any reflecting person, that the manufactures of Switzerland – almost unobserved, and altogether unprotected, had been gradually, but triumphantly, forcing their way into all the markets of the world, however remote, or seemingly inaccessible. That such a remarkable result was not the consequence of geographical position is obvious, for Switzerland neither produces the raw material which she manufactures, nor, when manufactured, has she any port of outlet, except on the conditions which her maritime neighbours impose upon her. No one of her fabrics owes its prosperity to a protecting or interposing legislation; yet it is not the less true that without custom-houses to exclude or laws to prohibit the full action of foreign competition on her various industries, her progress has been almost unexampled in manufacturing prosperity. I anticipated, certainly, that Switzerland would exhibit a living and instructive example of the truth and importance of the great principles of political economy when brought into practical operation; but I scarcely expected to find that they had been instrumental in producing such a vast mass of content and happiness as I found existing in the manufacturing cantons, or that they would have raised so large a proportion of the labouring class to independence and comfort.

      La Suisse est donc confrontée à des barrières douanières, mais aussi à un développement incertain du commerce avec les États de l’Union douanière allemande. Ceux-ci allaient-ils aussi céder à la tentation du protectionnisme ? Le commerce avec les territoires d’outre-mer s’affirme dès lors comme la bouée de sauvetage de l’industrie suisse. Dès le XVIIIe siècle, le réseau des entrepreneurs suisses couvre le monde entier, et ces contacts sont développés plus avant pendant le Blocus continental. À Genève et à Neuchâtel, le Blocus a raison des manufactures d’indiennes (toiles de coton imprimées en couleur), mais en Suisse orientale, Glaris en tête, l’industrie textile prospère au milieu du XIXe siècle. Grâce aux tissus de confection imprimés à la mode orientale, indienne ou africaine, l’industrie textile y retrouve un bel essor. Les indiennes et mouchoirs colorés de l’atelier de tissage manuel du Toggenbourg ainsi que les célèbres sarongs et étoffes en batik de l’indiennerie de Glaris voyagent via la Turquie jusqu’en Perse (aujourd’hui l’Iran) et en Indochine, aux îles de Malaisie, aux Philippines et au Japon tout comme à l’intérieur du continent africain. Le financement moderne des entreprises industrielles va de pair avec l’expansion moderne des transactions commerciales. Ainsi, le Directoire commercial de Saint-Gall finance une expédition à Shanghai afin de trouver de nouveaux débouchés pour l’industrie textile de Suisse orientale. D’autres expéditions conduisent les marchands suisses en Afrique de l’Est et sur l’île de Zanzibar. Aujourd’hui encore, composer des délégations économiques pour toutes les régions du monde relève de la compétence d’econonomiesuisse.

      Au début de l’ère capitaliste, au XVIIIe siècle, la Suisse est le seul pays d’Europe à ne pas appliquer la politique commerciale mercantiliste qui, sous la houlette de la France, dissout lentement l’unité économique européenne initiale et donne naissance à une multitude de zones économiques plus ou moins fermées les unes aux autres. La Suisse est le premier, et très longtemps le seul, pays à opposer au protectionnisme du XIXe siècle sa tradition de libre-échange héritée de l’époque moderne. Du point de vue de la Suisse, la percée temporaire des idées de libre-échange au milieu du XIXe siècle – entraînée par la Grande-Bretagne – signifie que les tendances protectionnistes se rapprochent de la tradition suisse de libre-échange et non l’inverse.

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      Étiquette de la société Tschudi à Schwanden pour le marché ottoman, non datée, vraisemblablement fin du XIXe siècle.

      Tant que la Suisse consiste en une confédération de cantons souverains, la régale des monnaies se trouve entre les mains des cantons. La Suisse romande utilise alors différents pieds de monnaie, la Suisse orientale le florin, soit un vrai imbroglio monétaire pour les commerçants. Si la fondation de l’État fédéral en 1848 apporte enfin le franc suisse uniforme, des banques privées continuent pourtant d’émettre des billets. La Confédération obtient le monopole de leur émission en 1891, mais ne peut l’exercer qu’à partir de 1910, après que la Banque nationale suisse créée en 1905 soit devenue opérationnelle. La création d’une monnaie fédérale avait été tentée pour la première fois sous la République helvétique. Dès 1799, le système monétaire devait être uniformisé avec le franc suisse reprenant le pied de la pièce bernoise. Ce projet échoue à cause de la pénurie de métal précieux. Après la Médiation, les cantons détiennent à nouveau la régale des monnaies. La Diète tente bien de fixer un pied de monnaie uniforme, mais jusqu’à la réforme monétaire de l’État fédéral, des francs d’alliages, d’empreintes et de poids divers circulent – parallèlement à de nombreuses autres monnaies. Jusqu’en 1848, les monnaies cantonales demeurent donc valables en Suisse. Le nombre de banques passe de 74 à 171 entre 1830 et 1850. En 1848, la Confédération s’attribue la régale des monnaies en vertu de la nouvelle Constitution et définit le franc comme monnaie d’argent, divisée en 100 centimes. La valeur nominale, toujours actuelle, des pièces est fixée avec cinq, deux et un franc, ainsi que les pièces de centimes. Depuis, seule la pièce d’un centime a été officiellement retirée de la circulation, fin 2006. Émis depuis un demi-siècle par diverses banques d’émission et jusque-là peu populaires, les billets de banque s’imposent lors de la crise monétaire de 1870 qui suit la guerre. Par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France ou les États-Unis, le franc suisse ne cesse de s’apprécier. À l’aube de la Première Guerre mondiale, 100 francs suisses équivalent ainsi à tout juste 20 dollars – en 2020, ils en valent 105 environ. Le franc traverse sa première crise en 1936, lorsque la BNS le dévalue de 30 pour cent contre la volonté du Vorort. Rétrospectivement, cette décision s’est toutefois avérée juste et aurait même dû être prise plus tôt. La prochaine épreuve survient en janvier 1973, lorsque le Directoire de la BNS décide de quitter le système de Bretton Woods avec taux de change fixes. Depuis l’introduction de l’euro en 2000, le franc est soumis à une pression constante,