Andrea Franc

En dialogue avec le monde


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désigne l’autodétermination juridique exclusive.

      La chambre de commerce de loin la plus ancienne de Suisse est la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Gall-Appenzell. À la fin du Moyen-Âge, des marchands saint-gallois se réunissent au sein de la société du Notenstein pour organiser leur commerce de toile de lin à l’échelle européenne. L’un des premiers registres des membres date du 15 août 1466. La famille de commerçants Zyli, membre de la société du Notenstein dès le début, se lance dans l’activité bancaire au XVIIIe siècle. Le siège de l’entreprise se trouve dans la « Haus zum Notenstein », près de la porte Brühl, en bordure des vieux quartiers de Saint-Gall. Dans les années 1630, la société moyenâgeuse du Notenstein est dépassée avec ses quelques familles membres. Les entrepreneurs de la ville se constituent alors en assemblée générale et, quelques années plus tard, c’est la naissance de la corporation commerciale de Saint-Gall, dirigée par un directoire. Le Directoire commercial de Saint-Gall - ainsi dénommé à partir de ce moment-là et jusque dans les années 1990 - assume localement des tâches de politique financière et de marché et défend les intérêts des négociants saint-gallois à l’encontre des cantons fédéraux et des pays étrangers. Les commerçants de Saint-Gall sont confrontés à la concurrence venant d’Appenzell. Au XVIIIe siècle, la famille Zellweger, réformée, façonne le commerce de toiles de lin, puis du coton brut et de tissus de coton. Cette famille dirige des entreprises textiles prospères et installe des filiales à Lyon, Gênes et Barcelone. Pendant le Blocus continental napoléonien au début du XIXe siècle, les commerçants suisses en général et ceux de Saint-Gall et d’Appenzell en particulier bataillent pour préserver le libreéchange. Président du Directoire de 1863 à 1886, le commerçant saint-gallois Carl Emil Viktor von Gonzenbach joue un rôle majeur lors de la création de l’Union suisse du commerce et de l’industrie. Comme cette corporation commerciale n’accepte que des citoyens de la ville de St-Gall, une chambre de commerce et de l’industrie se crée au niveau cantonal en 1875 ; à l’instar du Directoire commercial, elle devient également membre de l’USCI en 1887. Au XXe siècle, Ueli Forster, entrepreneur textile de Saint-Gall, est membre du Directoire commercial et, après la fusion de celui-ci avec la Chambre de commerce et d’industrie cantonale en la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Gall-Appenzell en 1991, il en devient le premier président. En 2001, Forster reprend la présidence d’Economiesuisse, nouvellement créée.

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      La maison de la société du Notenstein à côté de la porte Brühl à Saint-Gall, XVIIe siècle.

      Le Blocus continental napoléonien (1803–1813)

      La Suisse prise dans une guerre économique mondiale

      Les guerres napoléoniennes coûtent la vie à des millions de personnes. La domination napoléonienne s’accompagne par ailleurs d’une longue guerre économique – surtout contre l’Angleterre – qui appauvrit l’ensemble du continent européen. La France ayant connu un état proche de la guerre civile pendant la décennie qui suit la Révolution française de 1789, le règne de Napoléon paraît souvent sous un jour positif dans l’historiographie. Napoléon Bonaparte devient en 1799 l’un des trois consuls à la tête de la France, se fait sacrer empereur en 1804 et est exilé par les Alliés sur l’île britannique d’Elbe en 1815.

      Au XVIIIe siècle, la France, ancienne puissance économique, stagne et accumule les dettes sous le règne du Roi-Soleil Louis XIV et de ses successeurs. Pendant ce temps, l’Angleterre et les Pays-Bas se bâtissent un empire dans le Nouveau Monde, en Amérique et en Asie. La Suisse et certaines régions allemandes bénéficient de cette expansion politique au niveau économique en appuyant leur prospérité sur le commerce et la transformation industrielle de denrées coloniales. Au temps de la Révolution déjà, l’élite dirigeante de France considère cela d’un mauvais œil. Après sa prise du pouvoir, Napoléon s’attèle d’abord à briser la suprématie économique de l’Angleterre. Il annihile ensuite celle des Pays-Bas en les annexant purement et simplement et en intronisant son frère Louis comme roi. Napoléon exige des autres pays du continent européen qu’ils rompent tout contact avec l’Angleterre et s’inscrivent dès lors dans un système dit continental. Non seulement l’importation de marchandises anglaises est interdite, mais aucun Anglais n’est autorisé à fouler le sol du continent européen. Conscient qu’il n’a pas les moyens militaires de conquérir les colonies d’outre-mer des Anglais et des Néerlandais, il annexe sans autre forme de procès les Pays-Bas, puis coupe les flux commerciaux des colonies et des États-Unis d’Amérique – qui viennent d’acquérir leur indépendance – vers l’Angleterre. Il accepte que le Blocus précipite des millions d’européens dans la misère, d’autant plus qu’il sacrifie des centaines de milliers de soldats sur les champs de bataille. Napoléon a une piètre opinion de la Confédération et il l’exprime aux émissaires suisses dès 1802 : « Vous ne pouvez avoir de grandes finances. Vous êtes un pays pauvre. » Cela ne l’empêche pourtant pas de dilapider le trésor public de Berne qu’il s’est approprié pour financer sa campagne d’Égypte ni, une fois devenu empereur en 1804, d’ajouter officiellement en 1806, après la signature de l’acte de Médiation de 1803, le titre de « médiateur de la Confédération suisse » à sa titulature. Après le traité de Vienne, il y adjoindra celui de « seigneur de Rhäzüns » en 1810, les Autrichiens lui ayant cédé la seigneurie et le château.

      Les Britanniques savent mettre à profit leur victoire lors de la bataille de Trafalgar en 1805, et leurs forces navales coupent complètement la France de ses colonies d’outre-mer. Face au Blocus continental, les Britanniques contrôlent aussi les navires neutres, se prémunissent contre la piraterie et aident leur flotte marchande à ouvrir – plus que jamais – de nouveaux marchés outre-mer. Pays enclavé, la Suisse marche dans le sillage de la Grande-Bretagne. Ainsi s’esquisse, au début du XIXe siècle, le futur grand rôle géopolitique et économique de la Grande-Bretagne, même si la France de Napoléon paraît dans un premier temps invincible sur le continent. En Suisse, en plein bouleversements politiques à la suite de l’Helvétique et de la Médiation de 1803, l’heure des directoires commerciaux cantonaux est venue. L’appareil étatique de l’ancienne Confédération est dissous et, à partir de 1798, des formes de régime sans cesse différentes sont imposées à la Suisse, à la va-vite. Pendant ce temps, des organisations commerciales comme le Directoire commercial de Saint-Gall subsistent et défendent les intérêts des négociants suisses et de l’industrie. En 1798, il n’existe officiellement plus que les chambres de commerce de Saint-Gall et de Zurich, mais de nouvelles se forment aussitôt dans les autres cantons. Pendant que les chambres de commerce cantonales supervisent concrètement les activités de contrebande des commerçants, le canton directeur de Berne en la personne de Niklaus Rudolf von Wattenwyl, Landammann de la Suisse et président de la Diète, tente d’apaiser l’ambassadeur de France en Suisse et de négocier la réduction des droits de douane. Tandis que les incessantes hausses tarifaires et restrictions à l’importation imposées par Napoléon finissent par condamner de jure les débouchés en France, principal partenaire commercial de la Suisse pendant trois siècles, la Suisse devient de facto la plaque tournante du continent pour les matières premières. Que les commerçants suisses ne respectent pas le Blocus contrarie énormément le chargé d’affaires de France en Suisse. Il les qualifie d’ailleurs de « contrebandiers » et de « fraudeurs ». Au même moment, Napoléon lève une armée de 8000 mercenaires en Suisse, dont les derniers survivants défendent les ponts sur la rivière biélorusse Bérézina, lors de la campagne de Russie en 1812. Malgré l’intervention des Suisses sur les bords de la Bérézina, le fragile équilibre entre la France et la Suisse depuis la Paix perpétuelle de 1516 – privilèges commerciaux français contre mercenaires suisses – ne tient littéralement plus qu’à un fil de soie grège. Dans la principauté de Neuchâtel,