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Les naturalistes


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il ne croyait pas que toutes les «races» étaient issues d’une même «souche», mais qu’elles provenaient de racines différentes (polygénisme). Comme elle, il considérait les races dans un rapport profondément hiérarchique. Les Africains lui faisaient, par exemple, «irrésistiblement […] penser à des singes».41 D’autres naturalistes partageaient, certes, la thèse de Darwin selon lequel les espèces évoluaient, mais ils tenaient à l’idée de la création divine, pour des raisons religieuses. Ils divisaient l’humanité en différentes «races», qui n’étaient toutefois pour eux que des variations d’une seule et même espèce. Ils s’exprimaient avec plus de retenue et s’engageaient surtout pour la «protection» des «peuples primitifs» menacés d’extinction.42 Louis Agassiz, le maître de Carl Vogt, constitue un cas à part. Il rejette le darwinisme pour des motifs religieux, mais défend, à l’instar de ce dernier, un racisme polygénique qu’il ne propagera pas, à la différence de Clémence Royer et de Carl Vogt, dans ses publications, mais lors de propos tenus en privé.43

      Pour Clémence Royer, la hiérarchie entre les «races» était, à la différence de celle entre les sexes, non seulement fondamentale et insurmontable, mais beaucoup plus grande qu’aux yeux de ses contemporains. Alors que ces derniers mettent surtout en exergue la proximité phylogénétique des «races primitives» et des primates, Clémence Royer souligne:

      «On peut même dire, sans crainte, que [au point de vue intellectuel] un Mincopie, un Boschmen, un Papou ou même un Lapon est plus proche parent, non-seulement du singe, mais du kangouroo, que d’un Descartes, d’un Newton, d’un Goethe ou d’un Lavoisier.»44

      Si l’on combine la théorie des genres prônée par Clémence Royer et sa théorie raciale, on peut considérer sa position comme une sorte de «racisme féministe» ou de «féminisme raciste». Sa pensée s’oriente toujours sur le «progrès» de la «race» blanche. Toutefois, à la différence de ses collègues masculins, pour elle, les femmes ne jouaient pas un rôle passif et accessoire, mais un rôle actif, et même capital, ainsi qu’elle l’explique dans un passage sur les relations sexuelles («mélanges du sang») entre différentes «races»:

      «La répugnance au mélange du sang se manifesta d’abord chez les races supérieures et chez les femelles plus encore que chez les mâles. De nos jours, c’est un fait universel que, si des croisements s’opèrent entre la race blanche et les races inférieures, l’union, à moins qu’elle ne soit le résultat de la violence, s’opère entre le blanc et la nègresse, l’indienne ou l’australienne; et ce n’est qu’exceptionnellement que l’on trouve des exemples de métissage entre la femme blanche et l’homme d’autres races.»45 Les raisons pour lesquelles les relations sexuelles entre des Européens et des femmes de couleur étaient plus fréquentes que l’inverse étaient d’ordre politique et culturel: les puissances coloniales s’efforçaient de limiter les contacts entre femmes blanches et hommes de couleur dans les plantations et dans les comptoirs commerciaux d’outre-mer afin de protéger l’hégémonie revendiquée par les Blancs.46 Clémence Royer s’expliquait néanmoins cet état de choses comme un phénomène biologique, à savoir une «répugnance» prétendue innée des femmes blanches à l’égard des hommes de couleur. Selon elle, la femme blanche veillait donc à la «pureté» et à la prétendue supériorité de sa «race».

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      Ill. 8: A un âge avancé, Clémence Royer reçut plusieurs récompenses en France. Ce portrait a été réalisé en 1902, peu avant sa mort. Elle porte le ruban rouge de la Légion d’honneur.

      CONCLUSION

      Ainsi, Clémence Royer s’avère-t-elle être une philosophe à la fois fascinante et ambivalente. Elle s’élève de manière originale contre la justification scientifique de la discrimination des femmes. Mais, contrairement aux futures générations de féministes, elle ne dénonce pas les différences prétendues biologiques et les hiérarchies entre les sexes comme étant l’expression du pouvoir culturel dans une société dominée par les hommes. Elle essaye plutôt d’esquisser une biologie féministe alternative. Son racisme, qui n’était pas un élément accessoire de sa philosophie, mais plutôt un élément constitutif de son féminisme, constitue le revers de la médaille. Sa conception de l’émancipation n’incluait pas tous les êtres humains, mais, avant tout, les femmes européennes instruites, comme elle. Elle voyait l’histoire de l’humanité comme une lutte pour la survie entre la «race» européenne «civilisée» et toutes les autres «races». L’émancipation des femmes européennes constituait pour Clémence Royer une nécessité, d’un intérêt vital pour la «race blanche». Car elle seule pouvait préserver la «civilisation» européenne, et en même temps, sa supériorité sur toutes les autres. Pour cela, il était toutefois nécessaire de lutter aussi contre les menaces internes que représentaient «les faibles, les malades, les incurables et les personnes malveillantes», comme elle le suggère dans sa préface à la traduction de l’ouvrage de Darwin.

      Clémence Royer ne développera pas ses théories dans l’isolement de son bureau. Elle échangeait ses idées avec des scientifiques de Suisse et de l’étranger. Son cas éclaire ainsi un pan de l’histoire de la Suisse intellectuelle et cultivée. Il illustre le fait que les théories raciales et eugéniques n’ont pas été «importées» de l’étranger, mais que la Suisse elle-même, véritable carrefour au sein de réseaux scientifiques largement ramifiés, fut un lieu où de telles théories virent le jour.

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