Блейк Пирс

Un mauvais pressentiment


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de m’appeler. Je vais lui donner toutes les informations. C’est bon ? Tu t’es libéré ?

      – Je suis en train de monter en voiture, dit-il sans mordre à l’hameçon. J’arrive dans un quart d’heure.

      – J’espère que tu as fait tes plus plates excuses à ta partenaire, qui qu’elle soit, ajouta Keri d’un ton moqueur.

      – Ce n’est pas le genre de nana avec qui je dois m’excuser, répondit-il.

      – Sans surprise. »

      Elle raccrocha sans plus de cérémonie.

*

      Un quart d’heure plus tard, Keri et Ray descendaient Main Street, au niveau où Ashley Penn était montée dans le fourgon – que ce soit de gré ou de force. Il n’y avait rien d’inhabituel à signaler. Du parc pour chiens bordant la route s’élevaient les jappements ravis des chiens et les cris de leurs maîtres, qui les appelaient de noms comme Théodore, Pavlov ou Deborah.

      Ah, Venice et ses riches bobos propriétaires de chiens.

      Keri s’appliqua à bannir ses pensées parasites et à se concentrer. Il n’y avait rien d’anormal dans la rue. Ray semblait du même avis.

      « Je me demande si elle peut avoir décidé de partir, ou de fuguer, fit-il.

      – Je n’exclus pas la possibilité. En tout cas, elle n’est certainement pas la petite princesse innocente que sa mère s’imagine.

      – Elles ne le sont jamais…

      – Quoi qu’il lui soit arrivé, c’est possible qu’elle l’ait voulu. Plus nous réussirons à nous immiscer dans sa vie, plus nous en saurons. Il nous faut parler à des gens qui ne nous serviront pas le discours officiel, comme le faisait ce sénateur. Je ne sais pas ce qu’il a, mais il était plutôt mal à l’aise à l’idée que je me renseigne à leur sujet.

      – Pourquoi, à ton avis ?

      – Aucune idée. J’ai juste le sentiment qu’il cache quelque chose. Je n’ai jamais vu un parent aussi indifférent à la disparition de son enfant. Il m’a servi une histoire sur les bêtises qu’il faisait à quinze ans – comme quoi il se serait complètement soûlé pour son anniversaire… Il en faisait trop. »

      Ray grimaça.

      « Tu as bien fait de ne pas insister, fit-il. C’est bien la dernière chose dont on ait besoin : un adversaire qui porte le titre de sénateur.

      – Je m’en fous, de son titre.

      – Tu ne devrais pas. Il lui suffirait de deux mots à Beecher ou à Hillman, et tu serais hors jeu.

      – Je l’étais il y a cinq ans.

      – Ne dis pas ça…

      – Tu sais que c’est vrai.

      – Bon, parlons d’autre chose » dit Ray.

      Hésitante, elle leva les yeux sur lui, puis observa le parc pour chiens. À quelques mètres d’eux, un chiot à la fourrure marron se roulait dans la terre avec délices.

      « Tu veux que je te raconte un truc que je ne t’avais jamais dit ? demanda-t-elle.

      – Pas sûr…

      – Après ce qui s’est passé, tu sais…

      – Avec Evie ? »

      Keri sentit son cœur se serrer en entendant le nom de sa fille.

      « Oui. Juste après que c’est arrivé, pendant un moment, j’ai essayé désespérément de tomber enceinte. Ça a duré deux ou trois mois. Stephen ne tenait pas le coup. »

      Ray restait silencieux.

      Elle poursuivit : « Et un matin, je me suis levée, et je me détestais. C’était comme si j’avais perdu un chien et que j’étais allée directement au chenil pour le remplacer. Je me sentais lâche, comme si je ne m’occupais que de moi-même alors que j’aurais du me concentrer sur Evie. Je laissais tomber Evie au lieu de me battre pour la retrouver.

      – Keri, tu dois arrêter ça. Tu te fais du mal, vraiment.

      – Ray, je sens qu’elle est là. Elle est en vie. Je ne sais pas où, ni comment, mais elle est en vie. »

      Il prit sa main. « Je sais, fit-il.

      – Elle a treize ans, maintenant.

      – Je sais. »

      Ils remontèrent la rue en silence. Lorsqu’ils arrivèrent au croisement de Westminster Avenue, Ray dit, d’un ton professionnel : « Écoute, on peut suivre toutes les pistes qu’on trouve. Mais il s’agit de la fille d’un sénateur. Si jamais elle a vraiment été enlevée, les gros bonnets vont se saisir de l’affaire. D’ici à demain matin, le FBI sera de la partie, et les hauts gradés du LAPD aussi. Toi et moi, on va être mis de côté. »

      C’était sans doute vrai, mais Keri n’en avait que faire – elle verrait bien, le lendemain matin. Pour le moment, elle voulait faire avancer son enquête. Elle soupira et ferma les yeux.

      Ray, étant son coéquipier depuis plus d’un an, avait appris à ne pas la déranger quand elle essayait de se concentrer.

      Au bout de trente secondes, elle rouvrit les yeux et parcourut la rue du regard. Elle montra du doigt un commerce situé de l’autre côté du carrefour. « Là-bas », fit-elle en se dirigeant vers l’endroit.

      Cette partie de Venice, au nord de Washington Boulevard et jusqu’à Rose Avenue, était une étrange mosaïque d’humanités. Au sud se trouvaient les demeures des canaux de Venice ; à l’est les magasins cossus de Abbot Kinney Boulevard ; au nord, la zone industrielle ; et enfin, le long de la plage, la zone parfois mal famée des skateurs et des surfeurs.

      Dans toute cette zone, il y avait des gangs. Ils étaient actifs de nuit, notamment du côté de la plage. La police de Los Angeles dénombrait quatorze gangs actifs dans le quartier étendu de Venice. Au moins cinq d’entre eux considéraient que l’endroit où se tenait Keri leur appartenait.

      Il y avait un gang de noirs, deux gangs de latinos, un groupe de motards suprématistes blancs, et un gang composé principalement de surfeurs trafiquants de drogues et d’armes. Ils coexistaient non sans difficultés sur les mêmes rues que les représentants branchés de la génération Y, les prostituées, les touristes béats, les vétérans de guerre sans-abri, et les riverains, fanatiques de graines germées de la première heure.

      En conséquence, les commerces dans le quartier allaient des bars clandestins de hipsters aux salons de tatouage au henné, en passant par les dispensaires de cannabis thérapeutique, ou encore les officines de garants de caution judiciaire, comme celui devant lequel se trouvait Keri.

      L’officine était située au deuxième étage d’un immeuble récemment rénové, juste au-dessus d’un bar à jus de fruits frais.

      « Regarde », dit-elle. Au-dessus de la porte d’entrée, un panneau indiquait : Garant de caution judiciaire Briggs.

      « Oui, et donc ? fit Ray.

      – Regarde au-dessus du panneau. »

      Il plissa son bon œil et distingua finalement une minuscule caméra de surveillance. Il se tourna pour voir ce qu’elle captait. La caméra était pointée sur le carrefour derrière eux. Un peu plus loin, on voyait la partie de Main Street qui longeait le parc pour chiens, où Ashley était supposément entrée dans un fourgon.

      « Bien vu », fit-il.

      Keri recula et étudia les environs. C’était sans doute plus animé qu’au moment de la disparition d’Ashley, mais ça n’était en aucun cas un endroit calme.

      « Si tu devais enlever quelqu’un, tu le ferais ici ? demanda-t-elle.

      – Moi ? Non, tu sais bien que je suis plutôt fan des ruelles sombres, fit-il.

      – Quel