E. de Mme. Pressensé

Petite Mère


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       E. de Mme. Pressensé

      Petite Mère

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066083496

       I

       II

       III.

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XV

       XVI

       XVII

       XVIII

       XIX

       XX

       XXI

       XXII

       XXIII

       XXIV

       FIN

       Table des matières

      Deux enfants étaient seuls sans une chambre obscure. Ils attendaient leur père; l'heure où il avait coutume de rentrer était bien passée. Les deux pauvres petits s'étaient blottis l'un contre l'autre tout près de la fenêtre que les dernières lueurs du crépuscule éclairaient encore faiblement. Le plus jeune, un garçon de cinq ans, appuyait sa tête toute bouclée sur les genoux de sa soeur qui avait passé son bras autour de lui. Celle-ci était petite et menue; sa figure fine et pâle était à demi éclairée, tandis que celle du petit garçon se trouvait dans l'ombre; il eût été difficile de discerner l'expression de ses yeux baissés, mais son attitude avait quelque chose de protecteur et de maternel.

      — Tu as donc bien sommeil, mon Charlot, dit-elle à l'enfant, dont les paupières se fermaient et dont elle sentait la tête s'alourdir sur ses genoux.

      Il fit un mouvement, puis on entendit une voix dolente:

      — J'ai faim!…

      — Pauvre chéri, mais pourtant tu as mangé à midi.

      — Oui, mais je veux manger encore. Je ne peux pas dormir sans avoir dîné. Petite mère, donne-moi à manger!…

      — Mon pauvre Charlot, je n'ai rien… Je t'ai donné, à midi, le dernier morceau de pain. Le père rapportera aujourd'hui sa quinzaine, tu sais?…

      — Pourquoi est-ce qu'il ne revient pas? demanda Charlot d'un ton courroucé.

      — Je ne sais pas. Il n'est jamais rentré si tard. Il va venir, bien sûr.

      Les enfants se turent, et Charlot referma les yeux, un instant seulement. Un bruit de pas retentit dans l'escalier et l'enfant releva la tête, tandis que sa soeur disait:

      — Voilà le père.

      Mais les pas s'arrêtèrent à l'étage au-dessous; on entendit une porte s'ouvrir et se refermer, puis un bruit de voix irritées, puis le silence… et bientôt des ronflements sonores montèrent à travers le plancher. Il était bien tard.

      — Il faut te coucher, Charlot, dit la petite fille.

      — Mais je ne peux pas dormir sans avoir mangé.

      — Je n'ai rien, mon pauvre chéri… Essaie, tu verras… Une fois endormi, tu ne sentiras plus la faim.

      — Et demain?… demanda le prévoyant Charlot.

      — Demain, le père sera revenu, tu comprends?…

      La certitude exprimée par ces paroles calma le petit garçon, qui se laissa déshabiller et mettre au lit dans l'obscurité, car il n'y avait dans la pauvre demeure pas plus de chandelle que de pain.

      Lorsque Charlot fut couché dans le lit qu'il occupait d'habitude avec son père, sa soeur se rassit près de la fenêtre et se remit à écouter si elle entendait des pas dans la rue. Ce n'était pas rare; mais ils s'éloignaient toujours sans s'arrêter. Elle commençait à être bien inquiète. Depuis quatre ans que la mère était morte, le père n'avait pas manqué une seule fois de revenir après sa journée de travail. Les yeux de la pauvre enfant se fermaient malgré elle; elle sommeillait un instant, mais le plus léger bruit la faisait tressaillir. Charlot s'agitait dans son lit, gémissait en dormant et, de temps en temps, s'éveillait tout à fait en disant: J'ai faim! — Heureusement, le sommeil l'emportait bientôt, et sa respiration égale montrait que la souffrance de son jeûne prolongé n'était pas encore bien vive.

      Enfin, la petite fille se laissa glisser de sa chaise sur le carreau, et, la tête appuyée sur son bras, elle s'endormit profondément. Lorsqu'elle s'éveilla, il faisait jour. Elle s'étonna d'être couchée par terre, et se premier mouvement fut de regarder vers le lit. Voyant que Charlot avait profité de ce qu'il était seul pour se mettre en travers, et laissait sa tête frisée un peu en dehors du matelas, elle se rappela tout. Ses pauvres membres étaient si engourdis, qu'il lui fallut un bon moment pour en retrouver l'usage.

      Alors elle balaya, épousseta avec soin, comme elle avait coutume de faire chaque matin; puis elle ouvrit un vieux panier qui lui servait de garde-manger et eut peine à retenir un cri de joie lorsqu'elle découvrit tout au fond une croûte de pain qui y avait été oubliée. Elle la posa sur la table