Петр Павлович Ершов

Le petit Cheval bossu


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en revanche

      Et s’asseoir vite sur son dos

      A l’inverse de comme il faut.

      La jument blanche de jeune âge,

      Brille des yeux d’une forte rage,

      Tourne la tête comme un serpent,

      Se lance comme une flèche. Aux champs,

      Elle saute et fait de grandes rondes,

      Sursaute des fossés en s’conde,

      Galope à travers des monts,

      Se cabre aux forêts de bonds,

      Par la force ou par la fraude,

      Pour le vaincre, elle cherche un mode.

      Mais Ivan n’est pas peureux –

      Il se tient bien par sa queue.

      Final’ment, elle devient lasse.

      “Ivan, – lui dit-elle, – de grâce!

      Si tu as pu te tenir,

      Je devrai t’appartenir.

      Donne pour mon repos une place,

      Comme tu peux, soigne-moi lasse.

      Attention! A l’aube, trois fois

      De suite, tu me permettras

      Seule en rase campagne de faire

      Une prom’nade volontaire.

      Après ces trois jours, il faut

      Que j’accouche de deux chevaux –

      Tels qu’on ne trouve pas au monde,

      Même si on fait une grande ronde,

      Et encore un p’tit Cheval,

      Haut de cinq pouces, mais spécial:

      Sur le dos, il a deux bosses,

      Des oreilles d’âne lui haussent.

      Si tu veux, vends ces deux ch’vaux,

      Ne vends, ni pour un chapeau, –

      Le p’tit, – ni pour une ceinture,

      Ni pour une sorcière; j’assure –

      Sur la terre et sous la terre,

      Il s’ra ton ami en clair;

      En hiver, du froid, il cache,

      Et du chaud en été, – sache

      Ça; si tu veux boire, manger –

      Il pourra te le donner.

      Après, je prendrai la chance

      Aux champs de toute ma puissance”.

      Ivan pense: “Soit, c’est assez”,

      Et dans la grange des bergers,

      Il mène la jument en hâte,

      La ferme avec une natte

      Et, à l’arrivée du jour,

      Au village, est de retour,

      En chantant comme une casse-pierres:

      “Un gars vient à la rivière…”

      Alors, il monte au perron,

      Saisit par sa main le rond,

      Frappe si fort que tout le monde

      Ait peur que le toit ne tombe;

      Pour faire du chahut, il crie,

      Comme si c’est une incendie.

      Les frères sautent vite de leurs couches,

      Bègues de peur de quelque louche:

      “Qui frappe fort au logis clos?” –

      “Mais c’est moi, Ivan l’Idiot!”

      Les frères ouvrent vite la porte,

      Il entre et se tient de sorte,

      Qu’ils se mettent à le gronder:

      Comment il ose effrayer!

      Ivan, sans qu’ils réussissent,

      En chaussures et en pelisse,

      Se dirige vers le four,

      De là, il tient son discours,

      Concernant son aventure,

      Etonnant des oreilles pures:

      “Eh bien, je n’ai pas dormi,

      Comptant les étoiles la nuit;

      La lune a pu aussi luire, –

      Je n’ai pas vu, – rien à dire.

      Soudain, un diable est venu,

      Tout barbu et moustachu;

      Il a la gueule comme une chatte

      Et les yeux comme deux grandes jattes!

      Et il s’est mis à sauter,

      A battre par la queue le blé.

      Je ne fais point de blagues sottes,

      Alors, sur son cou, je saute.

      Il m’a tant traîné, traîné,

      Même, il m’a failli casser

      La tête, pour que je le laisse,

      Mais je l’ai tenu en presses.

      Il battait fort, mon malin,

      Et il m’a prié enfin:

      “Ne fais pas me détruire:

      Toute l’année, pour te suffire,

      Je vais me conduire bien –

      Laisser en paix des chrétiens”.

      Je ne suis pas trop aimable,

      Mais j’ai cru mon petit diable”.

      En bâillant, il le dit, or,

      Après une s’conde, il s’endort.

      Quoiqu’ils soient fâchés, les frères

      Rient trop, malgré leur colère.

      Ils se tiennent aussi les flancs,

      Riant de cette histoire longtemps.

      Leur père ne se tient pas même

      De rire aux larmes de ce thème,

      Bien que ça soit mal aux vieux:

      De ne pas rire tant, – c’est mieux.

      Peu de temps ou trop ensuite

      Fit de cette nuit la fuite, –

      Moi, je ne l’entendis pas,

      Car personne ne m’en parla.

      Mais ce n’est pas une affaire

      Pour nous, parce qu’il nous faut faire

      Notre bon conte, sans compter

      Toutes les années passées.

      Donc (à une grande fête),

      Dans la grange, avec la tête

      Qui lui tourne, pleine d’hydromel,

      Se traîna le frère Daniel.

      Il voit deux chevaux superbes

      A crinière d’or, fine comme l’herbe,

      Et un p’tit cheval-jouet

      Haut de cinq pouces, comme on sait:

      Sur le dos, il a deux bosses,

      Des oreilles d’âne lui haussent.

      “Tiens! Pour ça, comme j’ai compris,

      Notre Idiot y a dormi!” –

      Se dit-il, et la merveille,

      De l’ivresse, le réveille.

      Daniel