Петр Павлович Ершов

Le petit Cheval bossu


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à belle crinière

      Appartiennent à notre Idiot:

      Tu n’as pas ouï dire un mot”.

      Donc, après, les deux grands frères,

      Aussi vite qu’ils puissent le faire,

      Sur l’ortie, courent, sans dévier,

      De toutes leurs forces, à nus-pieds.

      Ils trébuchent trois fois en route,

      Ont des yeux pochés, sans doute,

      En frottant ici et là,

      Ils entrent dans la grange – voilà:

      Deux chevaux s’ébrouent aux frères,

      Leurs yeux lancent une belle lumière

      De rubis; et leurs queues d’or

      Frisées pendent au sol encore.

      Leurs sabots de diamants brillent,

      Et de grandes perles y scintillent.

      Quel plaisir à regarder!

      Seul, le roi peut y monter!

      Presque borgnes, les deux frères

      Les regardent, sans rien faire.

      “Où, donc, les a-t-il trouvés? –

      Dit Daniel, le frère aîné. –

      Aux sots, la vie est féconde

      En biens, comme on dit au monde.

      Je me mets en quatre, mais,

      Aucune pièce, je n’en gagn’rai.

      Gabriel, la s’maine prochaine,

      A la capitale, on mène

      Ces chevaux, on les vendra;

      En parties, on divis’ra

      L’argent, avec quoi on mange

      Et boit, sans qu’on nous dérange,

      Si on tape sur un sac gros.

      Notre frère cadet idiot

      N’aura pas la conjecture,

      Où ses ch’vaux, par leur allure,

      Sont partis: qu’il cherche là-bas.

      Eh bien, mon ami, tope-là! ”.

      Ayant mis tout ça en ligne,

      Les deux frères s’embrassent, se signent.

      Puis, ils viennent à la maison,

      Faisant la conversation

      Sur ces ch’vaux, sur une grande fête,

      Sur un drôle de petite bête.

      Le temps va son train toujours,

      L’heure à l’heure, le jour au jour.

      Une semaine après, les frères

      Partent pour la ville, pour faire

      Ceci: vendre des denrées

      Et apprendre sur le quai,

      Si les barques all’mandes à voiles

      Y viennent pour ach’ter des toiles,

      Si le roi Saltan y vient

      Capturer de bons Chrétiens.

      Ayant fait bien de prières,

      Ayant demandé au père,

      Ils prennent en secret deux ch’vaux

      Et s’en vont sans dire un mot.

      De la nuit, le soir s’approche,

      Le temps du sommeil est proche.

      Ivan marche sans penser trop,

      Chante et mange son chanteau.

      Et avec la conscience franche,

      En mettant les mains aux hanches,

      En dansant, comme un seigneur,

      Dans la grange, il entre, poseur.

      Tout est bien, sauf les ch’vaux, comme

      S’ils n’étaient pas là, en somme!

      Seul, le p’tit Cheval-jouet

      Tourne de joie près des pieds,

      Bat de longues oreilles sans cesse

      Et sautille de l’allégresse.

      Ivan se met à hurler,

      S’appuie pour ne pas tomber

      Contre le mur: “ Ch’vaux superbes!

      A crinière d’or fine comme l’herbe!

      Mais je vous ai tant aimés,

      Quel démon vous a volés?

      Peste de lui, le chien, qu’il pleure!

      Que, dans un ravin, il meure!

      Qu’il s’effondre avec le pont

      Là, dans l’autre monde, c’est bon!

      Oh, mes ch’vaux bruns-gris superbes,

      A crinière d’or fine comme l’herbe!”

      Le Ch’val fait un henniss’ment:

      “Ne pleure pas, mon cher Ivan,

      Ton malheur est une grande chose,

      Je t’aid’rai à cette cause.

      N’accuse pas le diable en vain:

      Tes frères ont pris les ch’vaux. Tiens!

      Ne dis pas de choses sottes,

      Sois calme, ce n’est pas ta faute.

      Mets-toi plus vite sur mon dos

      Tiens-toi ferme comme il faut;

      Bien que je sois de p’tite taille,

      Mieux que d’autres, je travaille:

      Je me mets vite à courir,

      Le diable, je peux le saisir”.

      Il s’étend devant son maître,

      Ivan monte au Ch’val, sans être

      Lâche; du p’tit Cheval, il prend

      Les oreilles, en mugissant.

      Le Cheval se lève de terre,

      Branle sa petite crinière,

      Il s’ébroule, en s’animant,

      Se lance comme une flèche, volant.

      Il n’y a que de la poussière

      Qui y tourbillonne par terre.

      En un clin d’oeil, ou en deux,

      Il rattrape les astucieux.

      Les frères ont peur et s’apprêtent

      A montrer vite qu’ils regrettent.

      Ivan se met à crier:

      “C’est honteux de me voler!

      Bien que vous soyez plus sages,

      Je suis plus honnête, je gage:

      Je ne vous ai rien volé”.

      L’aîné de ses frères, crispé,

      Dit: “Ivan, notre cher frère,

      Rien à nier – c’est notre affaire!

      Mais tu dois aussi compter

      Avec notre pauvreté:

      Tu sais qu’on n’a, quoiqu’on sème,

      Pas de pain quotidien même.

      La red’vance, où la trouver? –

      On n’arrête pas d’exiger.

      C’est