_4" type="note">[4] et a décidé de l’écouter. Mais ce n’était pas de lui dont on parlait, mais de son cheval. Le gentilhomme décrivait toutes ses qualités, et les auditeurs éclataient de rire à tout moment[5]. D’Artagnan a été réellement insulté. Il s’est avancé, une main sur la garde de son épée.
– Eh! Monsieur, il a dit, dites-moi de quoi vous riez, et nous rirons ensemble.
– Je ne vous parle pas, monsieur.
– Mais je vous parle, moi!
L’inconnu l’a regardé avec un léger sourire. Il est sorti lentement de l’hôtel pour venir à deux pas de d’Artagnan. D’Artagnan, le voyant arriver, a tiré son épée hors du fourreau[6].
– Tel rit du cheval qui n’oserait pas rire du maître[7]! il s’est écrié.
– Je ne ris pas souvent, monsieur, mais je voudrais conserver le privilège de rire quand il me plaît[8].
– Et moi, s’est écrié d’Artagnan, je ne veux pas qu’on rie quand il me déplaît!
– En verité, monsieur? Eh bien, c’est parfaitement juste.
Avec ses mots le gentilhomme s’est dépêché de rentrer à l’hôtel où il avait un cheval tout sellé[9].
Mais d’Artagnan ne voulait pas lâcher un homme qui s’était moqué de lui[10].
– Tournez, monsieur, que je ne vous frappe par-derrière[11]!
– Mon cher, vous êtes foux!
Le gentilhomme inconnu s’est mis en garde[12], mais tout à coup[13], ses deux auditeurs, accompagnés par l’hôte, sont tombés sur d’Artagnan à grands coups de bâtons[14]. Et cet homme inconnu, qui avait été acteur du combat, est devenu spectateur.
– Je vais te tuer, lâche! criait d’Artagnan.
– Sur mon honneur[15], ces Gascons sont incorrigibles!
Le combat a continué donc quelques secondes encore, mais un coup de bâton a brisé l’épée de d’Artagnan en deux morceaux[16]. Un autre coup l’a blessé.
L’hôte a décidé de l’aider et lui faire accorder les soins nécessaires[17]. Il a raconté au gentilhomme inconnu qu’il avait trouvé chez d’Artagnan une lettre adressée à M. de Tréville, le capitaine des mousquetaires. C’était une lettre de recommendation[18] que d’Artagnan avait reçue de son père.
«Si seulement je pouvais savoir ce que contient cette lettre adressée à Tréville!» a pensé le gentilhomme. Il s’est dirigé vers la cuisine.
Pendant ce temps l’hôte a expliqué au jeune homme que la police pourrait bien lui faire un mauvais parti[19] pour avoir été chercher querelle à un grand seigneur, c’est pourquoi le jeune homme devait continuer son chemin, malgré sa faiblesse. D’Artagnan s’est levé et a commencé à descendre, mais tout à coup, il a aperçu son provocateur parlant avec une jeune femme. C’était une pâle et blonde personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules, aux grands yeux bleus, aux lèvres rosées et aux mains d’albâtre.
– Ainsi, Son Éminence[20] m’ordonne…, disait la dame.
– De retourner en Angleterre, et de la prévenir si le duc quittait Londres.
– Et quant à mes autres instructions? a demandé la belle.
– Elles sont renfermées dans cette boîte. Ne l’ouvrez que de l’autre côté de la Manche[21].
– Et vous allez retourner à Paris sans châtier ce petit garçon?
D’Artagnan qui avait tout entendu a crié:
– C’est ce petit garçon qui châtie les autres[22]. Devant une femme, vous n’oserez pas fuir!
– Le moindre retard peut tout perdre! a crié Milady au gentilhomme inconnu.
– Vous avez raison, a répondu le gentilhomme, partez donc de votre côté[23], moi, je pars du mien.
Les deux interlocuteurs sont partis donc au galop, s’éloignant chacun par un côté opposé de la rue[24].
– Ah! lâche, ah! misérable, ah! faux gentilhomme! a crié d’Artagnan, mais elle, bien belle!
Grace au baume, dont la recette lui avait donné sa mère, d’Artagnan était à peu près guéri[25] le lendemain. Avant le départ il a commencé à chercher sa lettre, tournant et retournant vingt fois ses poches, mais la lettre était introuvable. D’Artagnan est entré dans un accès de rage[26].
– Ma lettre de recommendation! D’abord, je vous en préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut qu’elle se retrouve[27].
– Cette lettre n’est point perdue[28], a dit l’hôte, elle vous a été prise par le gentilhomme d’hier. Il est resté seul à la cuisine. Il l’a volée!
– Alors c’est mon voleur, a répondu d’Artagnan, je m’en plaindrai à M. de Tréville[29], et M. de Tréville s’en plaindra au roi.
L’hôte a accompagné d’Artagnan jusqu’à la porte. Le jeune homme est remonté sur son cheval jaune[30], et sans autre incident la monture lui a conduit jusqu’à la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire l’a vendue trois écus[31].
À Paris d’Artagnan a loué une chambre qui était une éspèce de mansarde[32]. Le jeune homme était heureux de savoir que sa chambre se trouvait près de l’hôtel de M. de Tréville.
Chapitre II
M. de Tréville avait commencé comme d’Artagnan, sans un sou vaillant[33], mais avec de l’audace et de l’esprit. Il était l’ami du roi et le roi l’avait fait le capitaine de ses mousquetaires qui étaient dévoués au roi. Quand le cardinal Richelieu avait vu cette formidable élite autour du roi, il avait voulu avoir sa propre garde. Il y avaient beaucoup de querelles entre les gardes du cardinal et les mousquetaires du roi, pendant lesquelles ils étaient tués parfois mais sûrs d’être pleurés et vengés[34]. Si les mousquetaires tuaient les gardes, M. de Tréville toujours était prêt à les sauver de la prison[35].
La cour de l’hôtel de M. de Tréville ressemblait à un camp. D’Artagnan est tombé au milieu d’une troupe de gens d’épée[36] qui se croisaient dans la cour, se querellant et jouant entre eux. Beaucoup de mousquetaires se battaient.
Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille. La bizarrerie de son costume attirait sur lui l’attention générale. Un long manteau découvrait par-devant seulement[37] le splendide baudrier avec une grande rapière.
– Ah!