Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome I. Les recrues de Monmouth


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imposer une croyance qui n'avait plus nos sympathies, et aussitôt après elle, une autre grande Puissance catholique du continent menaça nos libertés.

      La force croissante de la France provoqua en Angleterre une hostilité proportionnelle au Papisme, hostilité qui atteignit son plus haut degré, lorsque vers l'époque de mon récit, Louis XIV nous menaça d'une invasion, et cela au moment même ou la Révocation de l'Édit de Nantes mettait en lumière son esprit d'intolérance à l'égard de la doctrine qui nous était chère.

      L'étroit Protestantisme de l'Angleterre était moins un sentiment religieux qu'une réponse patriotique à la bigoterie agressive de ses ennemis.

      Nos compatriotes catholiques étaient impopulaires, non pas tant parce qu'ils croyaient à la Transsubstantiation qu'à raison de ce qu'ils étaient injustement soupçonnés de pactiser avec l'Empereur ou avec le Roi de France.

      Maintenant que nos victoires ont fait disparaître toute crainte d'une attaque, nous avons heureusement renoncé à cette âpre haine religieuse sans laquelle les mensonges d'Oates et de Dangerfield auraient été vains.

      Au temps de ma jeunesse, des causes particulières avaient enflammé cette hostilité et l'avaient rendue d'autant plus âcre qu'il s'y mêlait un grain d'effroi.

      Aussi longtemps que les catholiques furent à l'état d'obscure faction, on put les négliger mais vers la fin du règne de Charles II, lorsqu'il parut absolument certain qu'une dynastie catholique allait monter sur le trône, que le catholicisme serait la religion de la Cour et l'échelle pour monter aux dignités, on sentit que le jour approchait où il tirerait vengeance de ceux qui l'avaient foulé aux pieds dans le temps où il était sans défense.

      L'Église d'Angleterre qui a besoin du Roi comme l'arc de sa clef; la noblesse dont les domaines et les coffres s'étaient enrichis du pillage des abbayes; la populace chez qui les notions au sujet du papisme étaient associées à celles d'instruments de torture, du martyrologe de Fox, ne fut pas moins troublées.

      Et l'avenir n'avait rien de rassurant pour notre cause.

      Charles était un protestant des plus tièdes, et même, au lit de mort, il prouva qu'il n'était pas protestant du tout.

      Il n'y avait plus aucune probabilité pour qu'il eût une descendance légitime.

      Le duc d'York, son frère cadet, était donc l'héritier du trône.

      On le savait Papiste austère et borné.

      Son épouse, Marie de Modène, était aussi bigote que lui.

      S'ils avaient des enfants, il était hors de doute qu'ils seraient élevés dans la religion de leurs parents, et qu'une lignée de rois catholiques occuperait le trône d'Angleterre.

      Et c'était une perspective intolérable tant pour l'Église, telle que la représentait ma mère, que pour les non-conformistes, personnifiés par mon père.

      Je vous ai raconté toute cette histoire ancienne parce que vous vous apercevrez, à mesure que j'avance dans mon récit, que cet état de choses finit par causer dans toute la nation un bouillonnement, une fermentation telle que moi-même, un simple jeune campagnard, je fus entraîné par le tourbillon, et que pendant toute ma vie j'en ressentis l'influence.

      Si je ne vous indiquais pas avec clarté la suite des événements, vous auriez grand-peine à comprendre les influences qui produisirent un tel effet sur ma carrière entière.

      En attendant je tiens à vous rappeler que quand le roi Jacques monta sur le trône, ce fut au milieu du silence boudeur d'un grand nombre de ses sujets, et que mon père et ma mère étaient au même degré de ceux qui souhaitaient avec ardeur une succession protestante.

      Ainsi que je l'ai déjà dit, mon enfance fut triste.

      De temps à autre, quand il y avait par hasard une foire à Portsdown Hell, ou quand passait un montreur de curiosités avec son théâtre portatif, ma bonne mère prélevait sur l'argent du ménage un ou deux pence qu'elle me glissait dans la main, et mettant le doigt sur ses lèvres pour m'avertir d'être discret, elle m'envoyait voir le spectacle.

      Mais ces distractions étaient des plus rares.

      Elles laissaient dans mon esprit des traces si profondes que quand j'eus atteint ma seizième année, j'aurais pu compter sur mes doigts tout ce que j'avais vu.

      C'était William Harker, l'homme fort, qui soulevait la jument rouanne du fermier Alcott.

      C'était Tobie Lawson, le nain, capable d'entrer tout entier dans une jarre à conserves.

      Je me rappelle fort bien ces deux-là à cause de l'admiration qu'ils firent naître dans ma jeune âme.

      Puis, c'était la pièce jouée par des marionnettes, l'Île Enchantée avec Mynheer Munster, des Pays-Bas, qui pirouettait sur la corde raide tout en jouant mélodieusement de la virginale.

      En dernier lieu, mais au premier rang dans mon estime, venait la grande représentation à la foire de Portsdown, intitulé: «La véridique et antique histoire de Mandlin, fille du Marchand de Bristol, et de son amant Antonio, comment ils furent jeté sur les côtes de Barbarie, où l'on voit les Sirènes flottant sur la mer, chantant dans les rochers, et leur prédisant les dangers

      Cette petite pièce me causa un plaisir infiniment plus vif que je n'en éprouvai bien des années après, en assistant aux pièces les plus célèbres de Mr Congrève et de Mr Dryden, bien qu'elles fussent jouées par Kynaston, Betterton et toute la Compagnie du Roi.

      Je me souviens qu'une fois, à Chichester, je payai un penny pour voir le soulier gauche de Madame Putiphar, mais il ressemblait à n'importe quel vieux soulier, et était d'une pointure telle qu'il eût chaussé la femme du montreur.

      Plus d'une fois j'ai regretté que mon penny ne fut tombé entre les mains des coquines.

      Il y avait toutefois d'autres spectacles dont la vue ne me coûtait rien, et qui cependant étaient plus réels, et plus intéressants sous tous les rapports que ceux qu'il fallait payer.

      De temps à autre, un jour de congé, j'avais la permission de descendre à Portsdown.

      Une fois même, mon père m'y mena à califourchon devant lui sur son cheval.

      J'y errai avec lui par les rues, le regard émerveillé, admirant les choses singulières qui m'entouraient.

      Les murailles et les fossés, les portes et les sentinelles, la longue Grande Rue avec les grands édifices du gouvernement, le bruit incessant des tambours, le son aigu des trompettes, tout cela faisait battre plus vite mon petit cœur sous ma jaquette de layette.

      Il y avait à Portsdown la maison où, trente ans auparavant, l'orgueilleux duc de Buckingham avait été frappé par le poignard de l'assassin.

      Il y avait aussi l'habitation du gouverneur, et je me rappelle que pendant que je regardais, il y arrivait à cheval, la figure rouge et colérique, avec un nez tel qu'il sied à un gouverneur, sa poitrine toute chamarrée d'or.

      – Ne voilà-t-il pas un bel homme? dis-je, en levant les yeux vers mon père.

      Il rit et enfonça son chapeau sur ses yeux.

      – C'est la première fois, dit-il, que j'ai vu en face Sir Ralph Lingard, mais j'ai vu son dos à la bataille de Preston. Ah! mon garçon, avec son air fier, s'il voyait seulement le vieux Noll entrer par la porte, il ne croirait pas au-dessous de lui de sortir par la fenêtre.

      Le résonnement de l'acier, la vue d'un justaucorps de buffle ne manquaient jamais d'éveiller dans le cœur de mon père l'amertume des Têtes-Rondes.

      Mais il y avait d'autres choses à voir à Portsmouth que les habits rouges et leur gouverneur.

      C'était le second port du royaume, après Chatham, et il y avait toujours un nouveau navire de guerre tout prêt sur les étais.

      Il s'y trouvait alors une escadre de la marine royale.

      Parfois la flotte entière était réunie à Spithead.

      Alors les rues étaient pleines de matelots, dont les figures