Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome I. Les recrues de Monmouth


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que dirigeait notre maître.

      Personne n'eût pu dire comment la guerre éclata, mais pendant bien des années on se chercha querelle mutuellement, et cela finissait par des escarmouches, des algarades, des embuscades, et une bataille rangée de temps en temps.

      On se faisait peu de mal dans ces rencontres, car les armes consistaient l'hiver, en boules de neiges, l'été en pommes de pin ou mottes de terre.

      Alors même qu'on s'abordait de plus près, qu'on en venait aux coups de poing, les pires effets se bornaient à quelques contusions, quelques gouttes de sang.

      Nos adversaires avaient sur nous la supériorité du nombre, mais nous avions l'avantage d'être toujours groupés, d'avoir un asile sûr pour battre en retraite.

      Eux, au contraire, habitaient des maisons éparpillées par toute la paroisse et il leur manquait un centre de ralliement.

      Un ruisseau, que traversaient deux ponts, passait par le milieu de la ville, et servait de frontière entre notre territoire et celui de nos ennemis.

      L'enfant, qui franchissait un des ponts, se trouvait en pays hostile.

      Le hasard fit que dans la première bataille qui suivit mon arrivée à l'école, je me distinguai en attaquant séparément le plus redoutable de nos adversaires, et le frappant avec tant de force qu'il tomba sans pouvoir se relever, et fut emporté comme prisonnier par notre troupe.

      Cette prouesse établit ma réputation de guerrier, si bien que j'en vins à jouer le rôle de chef de notre armée, et à être un objet d'envie pour des garçons plus grands que moi.

      Cette promotion chatouilla si bien mon amour propre, que je me mis en tête de prouver que je la méritais, en inventant des moyens nouveaux et ingénieux pour battre nos adversaires.

      Un soir d'hiver, nous apprîmes que nos rivaux se préparaient à nous attaquer à la faveur de la nuit, et qu'ils comptaient arriver par le pont de planches qui servait rarement, de façon à n'être pas remarqués de nous.

      Ce pont se trouvait presque hors de la ville.

      Il consistait simplement en une grosse poutre, sans parapet ni appui quelconque, placée là pour la commodité du secrétaire de la ville, qui demeurait jute en face.

      Nous décidâmes qu'on se mettrait en embuscade derrière les broussailles, de notre côté, et qu'on attaquerait à l'improviste les envahisseurs au passage.

      Mais au moment de partir, je m'avisai d'un ingénieux stratagème qui se pratiquait dans les guerres d'Allemagne, ainsi que je l'avais lu.

      Je l'expliquai à mes camarades enchantés.

      Nous prîmes la scie de Mr Chillingworth, et nous partîmes pour le théâtre des opérations.

      Lorsqu'on arriva au pont, tout était tranquille et silencieux.

      Il faisait très noir et très froid, car Noël approchait.

      Aucun indice ne décelait nos adversaires.

      On échangea quelques mots à voix basse, pour se demander qui ferait ce coup hardi, et comme j'avais trop d'orgueil pour proposer une chose que je n'oserais pas exécuter, je pris la scie.

      Je m'assis, jambe de çà jambe de là, sur la planche et l'attaquai à son centre même.

      Je me proposais d'en diminuer la résistance au point qu'elle pût encore porter le poids d'un corps, mais qu'elle se rompit au moment ou le gros de la troupe ennemie s'y engagerait de façon à les précipiter dans l'eau glacée du ruisseau.

      L'eau avait au plus deux pieds de profondeur, de sorte qu'ils en seraient quittes pour la peur et un plongeon.

      La fraîcheur de cet accueil les détournerait pour toujours de nous envahir et établirait ma réputation de chef audacieux.

      Ruben Lockarby, mon lieutenant, fils du père John Lockarby, qui tenait la Gerbe de blé, rangea nos forces derrière la haie pendant que je manœuvrais la scie avec vigueur et que je coupais presque entièrement la planche.

      Je n'éprouvais aucun remords en détruisant le pont, car je m'entendais assez en charpente pour savoir qu'un charpentier adroit le rétablirait en une heure de travail de telle sorte qu'il fût plus solide que jamais, en dressant un étai sous l'endroit où je l'avais scié.

      Lorsqu'enfin la courbure de la planche m'avertit que j'étais allé assez loin, et que la moindre tension la romprait d'un seul coup, je m'en allai en rampant, je pris mon poste parmi mes condisciples, et j'attendis l'arrivée de l'ennemi.

      À peine m'étais-je caché que j'entendis les pas de quelqu'un sur le sentier qui aboutissait au pont.

      On se courba derrière le rideau de la haie.

      Nous étions convaincus que ce bruit venait d'un éclaireur que nos adversaires avaient dépêché en avant.

      C'était évidemment un gros gaillard, car son pas était pesant et lent, et il s'y mêlait un tintement métallique auquel nous ne comprenions rien.

      Le bruit se rapprocha et nous finîmes par apercevoir une vague silhouette sortir de l'obscurité sur l'autre bord.

      Elle s'arrêta un instant pour épier aux alentours.

      Puis elle se dirigea vers le pont.

      Ce fut seulement quand le personnage mit le pied sur le pont, et s'avança avec précaution pour le traverser, que nous distinguâmes des contours qui nous étaient familiers.

      Alors nous comprimes la terrible vérité.

      L'individu que nous avions pris pour l'avant-garde ennemie n'était rien moins que le curé Pinfold, et c'était la chute rythmée du bout de sa canne que nous avions entendu entre chacun de ses pas.

      Paralysé par cette vue, nous restâmes là sans pouvoir l'avertir.

      Nous n'étions plus qu'une rangée de prunelles immobiles.

      L'orgueilleux ecclésiastique fit un premier pas, un second, un troisième.

      Alors on entendit un craquement sonore, et il disparut au milieu d'un vaste éclaboussement dans le ruisseau au cours rapide.

      Il avait dû choir sur le dos, car nous distinguions au-dessus de la surface la courbe de son ventre majestueux, pendant qu'il se démenait désespérément pour se remettre sur ses pieds. Il parvint enfin à se redresser, et grimpa sur le bord pour se secouer tout en lâchant une bordée d'exclamations pieuses et de jurons profanes qui nous fit éclater de rire malgré notre frayeur.

      Nous partîmes sous ses pieds comme une couvée de perdreaux.

      Nous gagnâmes au large dans la campagne et rentrâmes dans l'école. Comme vous le pensez bien, nous ne dîmes rien de ce qui s'était passé à notre bon maître.

      Mais l'affaire était trop sérieuse pour qu'il fût possible de l'étouffer.

      Le brusque refroidissement fit tourner en quelque sorte la bouteille de vin du Rhin que le curé venait de boire avec le secrétaire de la ville, et il eut une attaque de goutte qui le mit sur le dos pendant une quinzaine de jours.

      Pendant ce temps-là, un examen du pont fit reconnaître qu'il avait été scié et une enquête amena à découvrir le rôle en cette histoire des pensionnaires de Mr Chillingworth.

      Pour éviter à l'école une expulsion en masse de la ville, je me vis dans la nécessité de me reconnaître à la fois l'inventeur et l'instrument de l'exploit.

      Chillingworth était entièrement à la discrétion du curé.

      Il fut donc forcé de m'adresser en public une longue homélie – qu'il compensa par des paroles bienveillantes quand il me dit adieu en particulier – et il dut me renvoyer solennellement de l'école.

      Jamais je n'ai revu mon vieux maître, car il mourut peu d'années après, mais j'ai appris que son second fils William dirige encore l'école qui est plus florissante que jamais.

      Son fils aîné se fit Quaker et partit pour la colonie de Penn, où, parait-il, il fut massacré par les sauvages.

      Cette