les yeux de surprise.
— Quoi ? Maman, attraper les méchants, c’est ce que tu fais de mieux.
— J’enseigne aussi et je me débrouille bien, dit Riley. Et j’aime ça.
April haussa les épaules.
— Ben, vas-y, enseigne. Personne t’en empêche. Mais c’est bien aussi que tu bottes le cul aux psychopathes.
Riley secoua la tête.
— Je ne sais pas, April. Après tout ce que je t’ai fait vivre…
April ouvrit des yeux immenses.
— Après tout ce que tu m’as fait vivre ? Mais de quoi tu parles ? Tu ne m’as rien fait vivre du tout. J’ai été enlevée par un dingo qui s’appelait Peterson. Il aurait pu enlever n’importe qui. Arrête de t’en vouloir.
April laissa passer un court silence avant d’ajouter d’un ton autoritaire :
— Assied-toi, Maman. Faut qu’on parle.
Riley sourit. A se demander qui était la mère et qui était la fille…
C’est peut-être exactement ce qu’il me faut.
— Je t’ai parlé de mon amie Angie Fletcher ? demanda April.
— Non, je ne crois pas.
— On était assez proches et puis elle a changé d’école. Elle était super intelligente. Elle avait un an de plus que moi. J’ai entendu dire qu’elle avait commencé à acheter de la drogue à un gars qui s’appelait Trip. Elle est devenue accro à l’héro. Comme elle pouvait plus payer, Trip l’a fait bosser comme pute. Il l’a installée chez lui. La mère d’Angie, elle est complètement frappée, elle s’est rendue compte de rien. Trip en a même parlé sur son site web.
— Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
— Trip s’est fait choper au bout d’un moment et Angie est partie en désintox. C’était l’été dernier, quand on était à New York. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Mais je sais qu’elle n’a que seize ans et que sa vie est foutue.
— Je suis vraiment désolée.
April étouffa un grognement d’impatience.
— Tu ne comprends rien, Maman ! Tu as passé toute ta vie à essayer d’empêcher ces trucs-là. Les gars comme Trip, tu les arrêtes. Certains, tu les arrêtes même pour toujours. Mais si tu ne le fais plus, qui le fera ? Quelqu’un d’aussi doué que toi ? Non, je ne pense pas.
Riley ne répondit pas tout de suite. Elle serra alors la main de April.
— Je crois que j’ai un coup de fil à passer, dit-elle en souriant.
Chapitre sept
Quand le FBI décolla de l’aéroport de Quantico, Riley sut qu’un nouveau monstre l’attendait en Arizona. Cette pensée la mit mal à l’aise. Elle aurait préféré rester loin des tueurs, mais elle avait pris la bonne décision. Meredith avait eu l’air soulagé.
De l’autre côté des hublots, le ciel s’assombrissait. La pluie battait contre les vitres. On traversa une zone de turbulences, puis l’avion s’éleva au-dessus des nuages. Riley baissa les yeux vers le tapis d’un blanc cotonneux qui dissimulait la surface de la terre. Elle essaya d’imaginer les gens courant dans tous les sens à la recherche d’un abri, ou bien du plaisir, ou bien de l’horreur, comme le font les hommes et les femmes.
— Tu as un dossier à me montrer ? demanda Riley en se tournant vers Bill.
Son partenaire ouvrit son ordinateur sur la table. Il fit apparaître la photo qu’un sac poubelle noir dans un lac d’eau peu profonde. Une main blanche se laissait entrevoir entre les ficelles.
— C’est le corps de Nancy Holbrook. On l’a retrouvée dans un lac artificiel, pas loin de Phoenix. Une escort aux tarifs assez chers. Trente ans. Une pute de luxe, en gros.
— Elle s’est noyée ?
— Non. Mort par asphyxie, probablement. Elle a ensuite été jetée à l’eau dans un sac poubelle lesté au moyen de pierres.
Riley plissa les yeux. La photo lui inspirait déjà de multiples questions.
— Le tueur a laissé des empreintes ? Fibres ? ADN ?
— Non, rien.
Riley secoua la tête.
— Je ne comprends pas. La disposition du corps… S’il avait fait quelques efforts supplémentaires, le corps aurait pu disparaître. Dans un lac d’eau douce, ils coulent à pic et se décomposent rapidement. Bien sûr, ils peuvent remonter au bout de quelques temps, à cause des gaz, mais rajouter quelques pierres dans le sac aurait résolu le problème. Pourquoi l’avoir laissée là ?
— C’est à nous de le découvrir, dit Bill.
Il fit apparaître de nouvelles images, mais Riley n’apprit rien de plus.
— Alors, qu’est-ce que tu en penses ? dit-elle. C’est un tueur en série ou pas ?
Bill fronça les sourcils.
— Je ne crois pas, dit-il. C’est un meurtrier qui a tué une pute. Il y en a d’autres qui ont disparu à Phoenix, mais ça n’a rien d’inédit. Les prostituées qui disparaissent, c’est la routine dans toutes les grandes villes du pays.
La routine. Ce mot mit Riley mal à l’aise. Comment la disparition de femmes issues d’un certain groupe social pouvait-elle devenir la routine ? Pourtant, elle savait que Bill avait raison.
— Quand Meredith m’a téléphoné, il avait l’air de penser que c’était urgent, dit-elle d’une voix songeuse. Il nous a même réservé un jet pour y aller. Il a dit que nous devions aborder l’affaire comme si c’était l’œuvre d’un tueur en série. C’est ce que nous conseille son ami. Mais personne n’a l’air de penser qu’il s’agit bien d’un tueur en série.
Bill haussa les épaules.
— Peut-être pas. Meredith semble très proche du frère de Nancy Holbrook, Garrett.
— Ouais, dit Riley. Ils ont fait leur formation ensemble. Mais c’est étonnant.
Bill ne répondit pas. Riley se renversa sur son siège et réfléchit. Meredith manipulait le règlement du FBI pour venir en aide à son ami. Venant de sa part, c’était un comportement inhabituel.
Riley ne lui en voulait pas. Au contraire, elle admirait la dévotion dont il faisait preuve.
Je serais capable de faire la même chose ? Pour Bill, peut-être ?
Au fil des années, il était devenu bien plus d’un partenaire et bien plus qu’un ami. Toutefois, Riley n’était pas certaine… Ces derniers jours, elle ne se sentait plus très proche de ses collègues.
Inutile d’y penser maintenant. Riley ferma les yeux et tâcha de se reposer.
*
Il faisait grand soleil quand ils atterrirent à Phoenix.
Bill donna un coup de coude à Riley.
— Le temps est splendide ! Ce sera peut-être l’occasion de prendre un peu le soleil.
Riley en doutait. Elle n’était pas partie en vacances depuis une éternité. La dernière fois qu’elle avait essayé, elle avait emmenée April à New York pour lui changer les idées, mais son travail avait trouvé le moyen de la rattraper.
Un de ces jours, je vais avoir besoin de repos, pensa-t-elle.
Un jeune agent les accueillit à la descente de l’avion et les conduisit au bureau de terrain de Phoenix. C’était un bâtiment très