Блейк Пирс

La Queue Entre les Jambes


Скачать книгу

surface.

      Oui, il y avait quelque chose d’autre.

      Même les yeux grands ouverts, elle voyait son visage – le visage poupin et d’une innocence grotesque de Eugene Fisk. Riley l’avait regardé droit dans ses petits yeux au moment de leur confrontation.

      Il avait menacé Lucy Vargas avec un rasoir. Riley avait agité sous son nez ce qu’il redoutait le plus. Elle lui avait parlé des chaînes – les chaînes qu’il pensait responsables de son malheur, celles qui le poussaient à commettre des meurtres.

      « Les chaînes ne veulent pas que vous preniez cette femme, lui avait dit Riley. Elle ne convient pas. Vous savez ce que les chaînes veulent vraiment. »

      Les yeux brillants d’effroi, il avait hoché la tête, puis il s’était donné la mort.

      Il avait tranché sa propre gorge sous les yeux de Riley.

      A présent, assise dans le bureau de Mike Nevins, Riley s’en étouffait presque d’horreur.

      — J’ai tué Eugene, hoqueta-t-elle.

      — Le tueur aux chaînes, tu veux dire. Ce n’est pas le premier que tu as mis hors d’état de nuire.

      C’était vrai. Elle avait déjà fait usage de la force. Mais, Eugene, c’était différent. Elle repensait souvent à sa mort. Elle n’en avait encore jamais parlé à personne.

      — Je n’ai pas utilisé mon arme, ou un caillou, ou mes poings, dit-elle. Je l’ai tué avec ma compassion. Je me suis servi de mon intellect comme d’une arme létale. Ça me terrifie, Mike.

      Mike hocha la tête.

      — Tu sais ce que dit Nietzsche à propos de regarder dans l’abîme.

      — L’abîme regarde aussi en toi, dit Riley. Mais j’ai fait plus que regarder dans l’abîme. J’y ai vécu. Au fil des années, l’abîme est presque devenu ma maison. Ça me terrifie, Mike. Un de ces jours, je vais y descendre et je ne pourrais plus jamais remonter. Qui sait de quoi je serais capable…

      — Eh bien, dit Mike en se renversant sur son dossier. On avance…

      Riley n’en était pas si sûre. Et elle n’était pas plus près de prendre une décision.

      *

      Quand Riley rentra à la maison, April dévala les escaliers à sa rencontre.

      — Maman, viens m’aider ! Vite !

      Riley suivit sa fille jusqu’à sa chambre. April avait ouvert une valise sur son lit. Des habits étaient éparpillés par terre et sur la couverture.

      — Je ne sais pas quoi prendre ! Je ne suis jamais partie !

      La joie paniquée de sa fille fit sourire Riley, qui s’attela à la tâche. April partait le lendemain avec sa classe d’Histoire des Etats-Unis : une semaine à Washington, DC.

      Quand Riley avait signé les papiers, elle avait eu quelques scrupules. Peterson avait retenu April en otage non loin de Washington. Elle avait eu peur que le voyage ravive de mauvais souvenirs. Mais April faisait preuve d’une étonnante maturité, à l’école et en dehors. Ce voyage, c’était aussi une formidable opportunité.

      Alors qu’elle taquinait April sur son manque d’organisation, Riley se rendit compte qu’elle s’amusait. L’abîme dont elle avait parlé à Mike lui parut soudain très loin d’ici. Il lui restait une vie en dehors de cet abîme. C’était une belle vie. Quoi qu’elle déciderait, elle ferait tout pour la protéger.

      Gabriela les rejoignit.

      — Señora Riley, mon taxi arrive pronto, dit-elle en souriant. Ma valise est prête. Elle est devant la porte.

      Riley avait presque oublié que Gabriela s’en allait aussi. Comme April partait en voyage, la bonne avait demandé un congé pour rendre visite à sa famille dans le Tennessee. Riley avait accepté avec joie.

      Elle étreignit Gabriela et dit :

      — Buen viaje.

      Le sourire de Gabriela se fana. Elle ajouta :

      — Me preocupo.

      — Vous vous inquiétez ? répéta Riley avec surprise. Mais pourquoi ?

      — Pour vous, dit Gabriela. Vous allez rester toute seule dans la nouvelle maison.

      Riley rit.

      — Ne vous inquiétez pas. Je sais prendre soin de moi.

      — Mais vous n’êtes pas restée seule depuis longtemps et tant de choses sont arrivées, dit Gabriela. Je m’inquiète.

      Gabriela avait raison. Depuis sa captivité, Riley avait pu au moins compter sur la présence de April. Et si l’abîme s’ouvrait dans sa nouvelle maison, juste sous ses pieds ?

      — Ça ira, dit Riley. Passez un bon moment avec votre famille.

      Gabriela sourit et lui tendit une enveloppe.

      — C’était dans la boîte aux lettres, dit-elle.

      Gabriela prit April dans ses bras, puis étreignit à nouveau Riley, avant de redescendre pour attendre son taxi.

      — Qu’est-ce que c’est, Maman ? demanda April.

      — Je ne sais pas, dit Riley. Ça n’a pas été envoyé par la poste.

      Elle ouvrit l’enveloppe. Une carte plastifiée se trouvait à l’intérieur. « Blaine’s Grill », annonçaient les élégantes cursives. En dessous, il était écrit : « Dîner pour deux personnes ».

      — Ce doit être une carte cadeau de notre voisin, dit Riley. C’est très gentil à lui. On pourra y aller toutes les deux quand tu rentreras.

      — Maman ! ricana April. Ce n’est pas ça que ça veut dire !

      — Pourquoi ?

      — Il t’invite à dîner.

      — Oh, tu crois ? Ce n’est pas ce que ça dit.

      April secoua la tête.

      — Ne sois pas bête. Il veut sortir avec toi. Crystal m’a dit que tu lui plaisais. Et il est trop beau !

      Riley se sentit rougir. Elle était incapable de se rappeler de son dernier rencard. Elle était restée avec Ryan si longtemps… Depuis leur divorce, elle avait surtout pensé à sa nouvelle maison et à son travail.

      — Tu rougis, Maman.

      — Allez, finis ta valise, marmonna Riley. Je vais y réfléchir.

      Au bout de quelques minutes de silence, April dit :

      — Tu sais, je m’inquiète un peu, Maman. Comme Gabriela…

      — Ça ira, répondit fermement Riley.

      — Vraiment ?

      Riley entreprit de plier un chemisier sans répondre. Certaines choses l’effrayaient bien plus qu’une maison vide : les psychopathes obsédés par des chaînes, les poupées, les chalumeaux, entre autres. Mais si ces démons intérieurs profitaient de sa solitude ? Une semaine, c’était long. Et décider ou non de sortir avec son voisin lui parut soudain effrayant.

      Je vais m’en sortir, pensa-t-elle.

      Il y avait une autre solution. Elle repoussait l’échéance depuis trop longtemps.

      — On m’a proposé une affaire, dit-elle à April. Il faudrait que je parte en Arizona dès maintenant.

      April s’interrompit et jeta un regard à sa mère.

      — Alors, tu vas y aller, hein ?

      — Je ne sais pas, April, répondit Riley.

      — Pourquoi pas ? C’est ton travail, non ?

      Riley