dans deux terrains de jeux différents.
— En fait, continua-t-elle avec un léger gémissement, Mullins n’a pas encore été condamné. La date de son procès n’a même pas encore été fixée et les preuves que nous avons contre lui sont encore minces. Mais Crivaro et moi savons qu’il est coupable, et les parents des enfants aussi.
Riley s’arrêta un moment, redoutant le souvenir qu’elle allait décrire.
— Mullins est une ordure arrogante, confia-t-elle. Il a cette innocence de nouveau-né qui émane de lui, c’est pourquoi les parents des enfants lui ont fait confiance. Je l’ai détesté dès que Crivaro et moi l’avons attrapé. Il m’a souri, admettant pratiquement du regard qu’il était coupable. Mais il savait aussi très bien qu’il allait être difficile pour nous de le prouver.
Riley battait des doigts sur la table.
— Et à ce moment précis, alors que je lui mettais les menottes et que je lui lisais ses droits, il a souri et m’a dit : « Bonne chance ».
Frankie haleta.
— Mon Dieu, poursuivit-Riley, tu n’as pas idée de la colère que cela a provoqué en moi. Je voulais vraiment le tuer. Je pense que j’ai en fait dégainé mon arme. Crivaro m’a touché à l’épaule et m’a lancé un regard d’avertissement. Sans Crivaro, j’aurais peut-être fait exploser la tête de Mullins à ce moment-là.
— C’est une bonne chose que tu ne l’aies pas fait, lui assura Frankie.
— Peut-être bien, reconnut Riley. Mais maintenant je ne peux pas m’empêcher de me demander : et si Mullins avait été la première personne que j’avais tuée ? Je ne me sentirais sûrement pas aussi mal que maintenant. Peut-être même que je n’aurais aucun problème de conscience. Au lieu de ça, j’ai fini par tirer sur une pauvre gamine stupide qui n’avait aucune chance dans la vie. C’est juste que…
Riley englouti un mal de colère et d’amertume.
— Ce n’est pas juste, dit-elle.
Riley et Frankie continuèrent à manger en silence pendant quelques instants.
— Tu sais, dit Frankie d’une voix prudente, tu vas probablement penser que je suis folle de dire ça mais ... peut-être que ce qui nous est arrivé nous a rendues toutes les deux meilleures.
Les yeux de Riley s’agrandissent.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle.
— Eh bien, reprit Frankie en haussant les épaules, si je n’avais pas été forcée de me droguer, je n’aurais jamais réalisé à quel point la guerre contre la drogue est vaine. Et si tu avais été capable de tuer Larry Mullins, tu aurais peut-être trouvé plus simple de faire encore usage de ton arme à l’avenir.
Frankie se tut, puis essuya une larme de son œil.
— Je sais que nous souffrons toutes les deux, Riley, dit-elle. Mais je pense que c’est peut-être mieux de souffrir que de s’endurcir contre la douleur. Au moins, nous avons pu garder notre humanité, notre vulnérabilité, tout ce qu’il y a de meilleur en nous. Beaucoup de gens dans notre métier ne parviennent pas à gérer ça.
Riley acquiesça lentement. Elle savait que Frankie disait exactement ce qu’elle avait besoin d’entendre en ce moment. Elle réalisa qu’elle était vraiment chanceuse d’avoir Frankie avec qui elle pouvait compatir aujourd’hui. C’était mieux que n’importe quelle thérapie qu’elle aurait pu suivre.
Frankie et elle poursuivirent tranquillement leur repas pendant un petit moment.
— Alors, comment ça se passe avec ton fiancé ? demanda ensuite Frankie. Avez-vous fixé une date de mariage ?
Riley fut surprise par la question.
— Euh, non, pas encore, bredouilla-t-elle.
— Non ? demanda Frankie, lançant à Riley un regard sceptique.
— Pas encore, répéta Riley qui continua à manger en silence.
Elle se sentait mal à l’aise en essayant d’imaginer ce que Frankie devait penser en ce moment. Elle se souvint de quelque chose que Frankie lui avait dit quand elles s’étaient rencontrées pour la première fois…
« J’ai un a priori plutôt négatif des hommes en général. »
Bien que Frankie en parlait rarement, Riley savait que son propre mariage de quatre ans s’était terminé par un divorce amer. Frankie n’avait probablement aucune raison de s’attendre à ce que les choses s’arrangent avec Riley et Ryan.
Se peut-il qu’elle ait raison ? se demanda Riley.
Après tout, les choses n’avaient pas été particulièrement bonnes entre eux ces derniers temps.
Riley et Frankie parlèrent de choses plus anodines à la fin de leur repas. Quand Frankie la ramena à son appartement, Riley se mit à redouter le reste de sa journée de congé, se demandant surtout comment les choses allaient se passer avec Ryan soir venu.
Elle se demanda ce que cela signifiait pour elle de ne pas avoir hâte de voir son propre fiancé. Pire encore, était-elle en train de devenir accro aux dangers et aux épreuves de son travail ?
Elle savait seulement qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de ressentir ce qu’elle ressentait.
Si je ne retourne pas au travail, je vais perdre la tête, pensa-t-elle.
Peu importe ce qui l’attendait là-bas, elle devait aller de l’avant et y faire face.
CHAPITRE QUATRE
Jake tapa du pied avec inquiétude alors qu’il était assis en face de l’agent spécial en charge de l’Unité d’Analyse Comportementale.
Ça ressemble à l’œuvre d’un tueur en série, pensa-t-il.
Erik Lehl décrivait deux affaires de meurtres similaires dans le Kentucky et le Tennessee. Jake essayait de décider s’il voulait ne serait-ce qu’y penser maintenant. Après tout, il avait été impliqué dans une fusillade dans le nord de l’État de New York la veille encore.
Lehl termina son exposé.
— Agent Crivaro, la seule raison pour laquelle je vous parle de cela est que je n’ai pas d’autres agents expérimentés de l’UAC à envoyer là-bas en ce moment.
— Alors je suis votre dernier recours, hein ? dit Jake en ricanant.
Le trait d’humour de Jake ne fit pas rire Lehl. De toute manière, Jake était bien conscient que son patron n’était pas connu pour son sens de l’humour.
— Vous savez que vous ne l’êtes pas, retorqua Lehl. Je ne veux juste pas envoyer de bleus. Mais je sais que vous pourriez avoir besoin d’une pause après ce qui s’est passé hier. Si c’est le cas, ça ne me dérange pas. Ce n’est pas vraiment une affaire très médiatisée, du moins pas encore. Je peux demander au bureau du FBI à Memphis de s’en occuper. Mais le shérif local semble dépassé et il a spécifiquement demandé l’UAC. Je me sentirais mieux si je savais que mon meilleur agent était sur le terrain.
— Vous ne devriez pas me flatter, monsieur, dit Jake avec un sourire. Ça va me monter à la tête.
Encore une fois, Lehl n’esquissa pas même un sourire. L’homme longiligne joignit ses longs doigts et regarda Jake avec impatience.
— Je vais m’en charger, dit finalement Jake.
Lehl sembla réellement soulagé.
— Très bien, alors, dit Lehl. Je vais préparer un avion pour vous emmener à l’aéroport régional de Dyersburg. Je vais m’arranger pour que des flics du coin vous y rejoignent. Vous voulez que je vous assigne un partenaire ?
Jake