Gréville Henry

La Niania


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       Henry Gréville

      La Niania

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066084264

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XV

       XVI

       XVII

       XVIII

       XIX

       XX

       XXI

       XXII

       XXIII

       XXIV

       XXV

       XXVI

       XXVII

       XXVIII

       XXIX

       XXX

       XXXI

       XXXII

       FIN.

       Table des matières

      Antonine Karzof venait d'avoir dix-neuf ans; les violons du bal donné à l'occasion de cet anniversaire résonnaient encore aux oreilles des parents et amis; la toilette blanche, ornée des traditionnels boutons de rose, n'avait pas eu le temps de se faner, et cependant mademoiselle Karzof était en proie au plus cruel souci. Les rayons d'un pâle soleil de printemps éclairaient de leur mieux le salon vaste et un peu sombre où l'on avait tant dansé huit jours auparavant; le piano ouvert portait une partition à quatre mains qui témoignait d'une récente visite, --mais Antonine ne pensait ni au soleil, ni à la musique; elle attendait quelqu'un, et ce quelqu'un ne venait pas.

      Vingt fois elle alla de la fenêtre à la porte de l'antichambre, puis revint à la fenêtre, retourna de là dans sa jolie chambrette qui ouvrait dans le salon, redressa une branche de ses arbustes, refit un pli au rideau... Tout cela ne perdait pas cinq minutes, et le temps passait avec une lenteur impitoyable.

      --Ma mère est-elle rentrée? dit Antonine à une vieille servante qui apparut dans la porte de la salle à manger contiguë.

      --Non, pas encore, mon ange chéri, répondit la vieille.

      Antonine se jeta dans un fauteuil avec un geste d'impatience, et serra l'une contre l'autre ses deux mains fluettes, exquises de forme et toutes roses encore.

      --Elle ne tardera pas, mon trésor, reprit la vieille. Pourquoi es-tu si impatiente aujourd'hui?

      --Ce n'est pas de voir rentrer maman, que je suis impatiente, murmura Antonine.

      La vieille bonne poussa un soupir, et disparut sans bruit. Personne ne l'entendait jamais marcher.

      Antonine, les yeux fixés sur la trace lumineuse d'un rayon de soleil qui cheminait lentement sur le parquet, se mit à réfléchir profondément au passé. Ses souvenirs remontaient à deux années en arriére. C'était à la maison de campagne de ses parents qu'elle avait commencé alors à trouver à la vie un charme nouveau et indescriptible. Pendant la saison des vacances, son frère, étudiant de l'Université de Saint-Pétersbourg, avait amené deux de ses amis pour préparer, de concert, leurs thèses d'examen.

      Pourquoi l'un de ces jeunes gens était-il resté aussi indifférent à Antonine que l'herbe du gazon sur lequel ils causaient ensemble le soir? Pourquoi les attentions de celui-là lui étaient-elles plutôt désagréables? Et pourquoi l'autre, celui qui ne parlait presque pas, était-il devenu l'objet de ses pensées secrètes? La théorie des atomes crochus l'expliquerait sans doute.

      Dournof ne regardait guère Antonine, lui parlait à peine, ne lui faisait jamais de compliments, et s'inquiétait peu de ses actions en apparence: c'était un garçon de vingt-deux ans alors, robuste et brun, dont l'extérieur manquait absolument de poésie: on entend par poésie le romantisme sentimental qui a fait écrire tant de livres absurdes, et commettre tant d'actions ridicules. Mais la personne de Dournof respirait l'indépendance de la volonté, l'honnêteté, la loyauté la plus parfaite; il riait volontiers, montrant librement ses belles dents, trop larges pour l'oeil d'un dentiste, mais saines et blanches; il était jeune, alerte, ne connaissait aucun obstacle, et la liberté a sa poésie propre.

      Dournof ne regardait donc pas Antonine;